Même si cet édito était bilingue, près de la moitié des adultes canadiens n’auraient pas le niveau de lecture leur permettant de bien le comprendre. Non pas que j’écrive de façon incompréhensible (quoi que ça m’arrive parfois), mais tout simplement parce qu’un texte de type journalistique ou d’opinion requiert un niveau 4 ou 5 de littératie. Selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 48% de la population canadienne n’atteint pas le niveau 3.
L’OCDE définit la littératie comme étant « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité ».
Elle se porte mal, au point que, depuis 1978, la langue française a un nouveau mot, « Illettrisme » (gracieuseté de l’UNESCO), pour décrire l’état d’une personne scolarisée qui n’a pas acquis, ou qui a perdu, la maîtrise de la lecture, de l’écriture et du calcul.
On se doutait depuis longtemps qu’il y avait des liens entre les difficultés en lecture, écriture et mathématiques et le décrochage scolaire. En 2013, une étude du Groupe de recherche sur les environnements scolaires (GRES) de l’Université de Montréal l’a confirmé. Difficile d’être motivé quand on comprend mal ce qu’on lit ou qu’on n’a pas les mots pour dire (ou écrire) ce qu’on pense.
Les études établissant l’impact positif de la lecture chez les jeunes abondent. Un petit enfant à qui l’on fait souvent la lecture a hâte de pouvoir lire tout seul. Plus les livres font partie de son environnement quotidien, plus il a de chances de développer le goût de la lecture.
Le Rapport de la table ronde des experts en lecture du Ministère de l’éducation de l’Ontario (2003) affirme que la maîtrise de la lecture est la base même du rendement de l’élève tout au long de sa scolarité. Mais est-ce qu’on apprend encore à bien lire et utiliser les mots en cette ère des médias sociaux où l’information tient en deux paragraphes ou en 146 caractères? Souffririons-nous d’un déficit d’attention collectif?
Les jeunes sont informés sur beaucoup plus de sujets que les générations précédentes. Mais il ne faut pas confondre information et savoir. Leur apprend-on à aller en profondeur, à dépasser la surface des choses, à questionner? C’est effarant le nombre de faussetés, de rumeurs que les gens partagent sur les médias sociaux sans se questionner sur la validité des informations transmises ou sur leur provenance.
Le virage numérique au travail, à l’école, dans nos foyers, met l’emphase sur l’apprentissage des outils au détriment du contenu (Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous avez reçu un courriel ou lu un message sans faute sur Facebook?).
Savoir lire, c’est savoir réfléchir, questionner. Ce n’est pas un hasard si les esclaves n’avaient pas le droit d’apprendre à lire, si certaines sociétés interdisent encore l’alphabétisation des jeunes filles.