Martin Normand
Le chercheur Martin Normand est associé à la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques, de l’Université d’Ottawa.
Photo : M. Normand
La participation électorale a chuté et des conseils scolaires en milieu minoritaire gouvernent sans l’intérêt du public. Un défi de légitimité s’annonce.
Au niveau scolaire, les électeurs franco-ontariens ont participé à 40 % le 27 octobre. Ceux du Nouveau-Brunswick à 25 % lors du scrutin de 2012, avec 21 des 37 postes élus par acclamation. Aux élections de mai à l’Île-du-Prince-Édouard, six des huit postes ont été élus sans concurrence. L’élection scolaire du 15 octobre chez les Franco-Manitobains a vu choir le taux de 27 % en 2010 à 10 %. Nous n’avons pu obtenir les chiffres pour la Saskatchewan.
Mais le Québec a remporté la palme avec un taux de 4,8 % le 2 novembre, confirmant l’urgence d’une refonte du système de gouvernance. Devant les protestations des anglophones, le ministre Yves Bolduc a déclaré qu’il consultait les avocats du gouvernement sur les modalités d’une réforme, malgré les droits constitutionnels de la minorité.
« Tout à coup, signale le doctorant Martin Normand de l’Université de Montréal, ce n’est plus aussi clair que les conseils scolaires sont garantis par la Charte canadienne des droits et des libertés. Le cas Mahé de l’Alberta (1990) a permis à la Cour suprême de préciser jusqu’où on peut aller. L’article 23 permet la création de conseils scolaires, mais ne l’oblige pas. »
Martin Normand reconnaît le paradoxe. « L’éducation est le seul espace de gouvernance garanti aux minorités, mais il est négligé autant par les électeurs que par les élus. Dans l’Est ontarien, la plupart des candidats sont élus sans opposition.
« Il est difficile de comprendre la pertinence de ce palier, estime-t-il. À moins d’avoir un enfant à l’école, on ne saisit pas les enjeux. C’est seulement quand ça va mal que le parent s’adresse au conseil scolaire. Même dans la recherche, on s’intéresse à la pédagogie et à l’identité, mais pas aux questions de pouvoir. »
La Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF) suit de près la situation, note le directeur général Roger Paul. « La gouvernance en éducation est méconnue par la population et les autorités ne font pas assez la promotion des élections.
« La meilleure façon d’augmenter la participation, croit-il, est de jumeler l’élection municipale et scolaire, comme en Ontario. Dans les deux plus grands conseils, l’est et le centre-est, qui regroupent 42 000 élèves, on a eu un taux de près de 40 %. C’est énorme. »
Jean-Michel Beaudry
Jean-Michel Beaudry, de Saint-Boniface, souhaite une approche plus inclusive de l’électorat lors des élections scolaires.
Photo: J.M. Beaudry (2014)
Roger Paul reconnaît que les acclamations sont fréquentes. Ce phénomène serait lié au fait que l’expertise se construit au fil des années et « qu’on y pense deux fois avant de contester un élu ayant beaucoup d’expérience. Ça peut décourager les nouveaux. »
Geneviève Poulin a remporté ses élections en 2013 au moment de la fusion des conseils publics et catholiques du sud de l’Alberta. « Il y a une centaine de familles dans ma région à Canmore. Environ 75 personnes ont voté. J’ai adoré le processus, ça m’a permis de me pencher sur mes motivations. Les autres conseillers ont surtout été élus par acclamation. »
La gouvernance est un apprentissage continu, affirme la fondatrice d’une garderie familiale. « Il y a beaucoup de retraités qui se présentent parce que ça demande beaucoup de bénévolat. » Elle s’est initiée à la gestion scolaire comme membre de son conseil d’école puis de la Fédération des parents francophones de l’Alberta.
Louise Essiembre
Louise Essiembre, de Sudbury, se soucie de l’accueil des familles exogames.
Photo : L. Essiembre
Jean-Michel Beaudry est à 26 ans le plus jeune commissaire de l’histoire de la Division scolaire franco-manitobaine. S’il ne s’était pas présenté aux élections d’octobre, les 11 postes disponibles auraient été comblés sans concurrence.
« J’ai été élève dans la division scolaire, explique-t-il, et ça avait été déterminant pour moi qu’il y avait une communauté francophone autour de l’école, des arts et des emplois en français. Ça fait depuis le secondaire que je considère m’impliquer en éducation. »
Le communicateur Web se préoccupe de la participation électorale. « Il n’y a pas de crise, mais un détachement entre la communauté et la division scolaire. Beaucoup de gens ne savaient rien des élections. Il y a du travail à faire pour montrer ce qu’on fait. »
À sa première tentative, Louise Essiembre a été élue par acclamation au Conseil scolaire catholique du Nouvel-Ontario. Dans Sudbury, affirme-t-elle, le taux de participation atteint 50 %. Son intérêt remonte à sa participation à l’organisme Parents partenaires en éducation.
« J’ai siégé comme directrice régionale pour faire la liaison avec les parents de la région, souligne la courtière en assurances. Comme conseillère, je veux apporter les besoins des parents à la table. Mais ma plus grande ambition, c’est d’encourager la francophonie à l’école. Les jeunes, les médias, c’est beaucoup en anglais. »