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Ces artistes autochtones qui voulaient changer le monde

Author: Andréanne Joly (Francopresse)/Sunday, June 21, 2020/Categories: Société, Autochtones / Métis

FRANCOPRESSE – Ils étaient sept artistes autochtones qui demandaient que leur travail soit reconnu à juste titre. Et ils ont fait bouger les choses. À l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtones, Francopresse a discuté du legs du regroupement Professional Native Indian Artists Inc., dit Groupe autochtone des sept, avec trois conservateurs autochtones qui œuvrent dans des musées bien en vue au Canada.

N.D.L.R : Selon l’Encyclopédie canadienne, le nom «Groupe indien des sept» a été popularisé par le journaliste Gary Scherbain dans un article paru dans le quotidien Winnipeg Free Press peu après la création du PNIAI. Francopresse a pris la décision de plutôt utiliser «Groupe autochtone des sept» afin de respecter la convention contemporaine.

Un groupe artistique et politique

Leur histoire a déjà fait l’objet de nombreux articles. Au début des années 1970, à Winnipeg, Daphne Odjig exposait avec Alex Janvier et Jackson Beardy. Le groupe discutait beaucoup aussi avec l’artiste américain Joseph Sànchez.

Outre leur art, ils avaient matière à discussion. Ne se sentant jamais reconnus comme des artistes contemporains à part entière, exclus des musées et des galeries d’art, relégués à l’anthropologie ou à l’ethnographie, ils se sentaient toujours marginalisés par leurs origines et leurs frustrations sont devenues un moteur.

Le quatuor a approché Eddy Cobiness, Carl Ray et Norval Morrisseau, dont la carrière avait déjà une portée internationale, pour fonder le regroupement Professional Native Indian Artists Inc. (PNIAI) en novembre 1972.

Alex Janvier a bien illustré les intentions du groupe : le PNIAI cherchait à «changer le monde, le monde artistique, pour les Autochtones du Canada».

«Le groupe a poussé le gouvernement, poussé les organismes subventionnaires, poussé les galeries à mieux intégrer les artistes autochtones», rapporte Wanda Nanibush, conservatrice de l’art indigène du Musée des beaux-arts de l’Ontario (MBAO) et Anishinaabe. «Ils ont mis le monde des arts au défi de comprendre ce qu’ils faisaient.»

Une approche différente, unie et hétérogène

Pour Michelle LaVallee, directrice du Centre d’art autochtone de Relations Couronne-Autochtones Canada, pour la conservatrice Wanda Nanibush et pour Greg Hill, conservateur principal de la collection d’art indigène du Musée des beaux-arts du Canada (MBAC), l’importance de la démarche de groupe du PNIAI ne fait pas l’ombre d’un doute.

Mme Nanibush oppose d’ailleurs cette approche collective à celle du monde occidental des arts, très individuelle et compétitive.

«Ils ont puisé une plus grande force en tant que groupe», ajoute M. Hill. À ses yeux, leurs voix unies leur ont permis d’entrer dans les musées et de gagner le respect.

Tel que susmentionné, le PNIAI est aussi surnommé le «Groupe autochtone des sept». Peut-on tracer des parallèles avec l’autre Groupe des Sept, actif dans les années 1910 et 1920? Il s’agit, après tout, de deux groupes d’artistes qui se rencontraient, commentaient leurs œuvres entre eux et cherchaient à redéfinir l’art canadien.

«Le surnom est superficiel et évoque la subordination», tranchent Jeremy Morgan, autrefois directeur de la Galerie Mackenzie de Regina, en Saskatchewan, Michelle LaVallee et Wanda Nanibush.

«Il est difficile de voir comment on peut comparer les deux groupes», pèse Mme LaVallee, commissaire de la seule exposition rétrospective consacrée au PNIAI. Pour elle, vouloir légitimer le Groupe des années 1970 en le comparant à un canon non autochtone est un prolongement de la colonisation.

Sa collègue abonde dans le même sens. «Ça implique que l’art autochtone vient après un mouvement occidental.» Elle ajoute, sans équivoque : «Nous préférons utiliser Professional Native Indian Artists Inc.»

L’art pour la réconciliation?

«Je pense que [le PNIAI a] donné une permission et un langage aux artistes contemporains autochtones», avance, sure d’elle, Mme Nanibush.

Leurs sujets s’ancrent dans des traditions, des histoires et des cultures visuelles anciennes, pueblo, anishinaabe ou cri, mais aussi dans les expériences personnelles des peintres et dans le monde qui les entourait.

«Le PNIAI a sensibilisé à ce qui se passait dans nos communautés, à l’histoire de la colonisation, indique Mme Nanibush. Ils ont fait comprendre que nos cultures étaient toujours vivantes, même s’il y avait des politiques d’assimilation et des politiques de génocide culturel en vigueur.»

 

Le conservateur Hill, d’origine mohawk, rappelle qu’au début des années 1970 (l’époque du mouvement des droits civiques et de la proposition d’éliminer, au Canada, le statut d’Indien), «[les artistes du PNIAI] faisaient leur travail, mais n’étaient ni vus ni entendus.»

Par leurs pressions, «ils sont passés de créateurs de vestiges du passé qui occupaient des musées ethnographiques à des artistes de plein droit», dit-il. Il ajoute que dans son esprit, «la réconciliation, c’est écouter et être ouvert à voir le travail d’un groupe d’artistes incroyables.»

Les œuvres du Groupe impressionnent par leur beauté, certes, mais aussi par leur caractère actuel, renchérit Michelle LaVallee, nommant l’enjeu du racisme.

En devenant un point d’entrée pour la conversation, l’art, notamment celui du PNIAI, peut faire partie prenante de la pacification, croit-elle. «Ça nous aide à aborder des sujets difficiles, complexes, émotifs. […] Quand les gens peuvent apprendre des autres et de leurs expériences, ça aide à promouvoir l’empathie et la compréhension.»

Des artistes qui gagnent encore à être connus

La conservatrice LaVallee n’y va pas par quatre chemins : l’histoire du PNIAI «doit être célébrée dans l’histoire canadienne.» À ses yeux, les membres du PNIAI sont de véritables figures emblématiques.

En ce sens, le vent semble tourner. Prenons l’exemple du Musée des beaux-arts du Canada : depuis 2006, six expositions rétrospectives ont souligné l’œuvre d’artistes autochtones.

«Leur travail est phénoménal. Et tellement beau», conclut Wanda Nanibush.

Où voir le travail du PNIAI?

En ligne : Musée des beaux-arts du Canada; Musée des beaux-arts de l’Ontario; Gallery Gevik et Gallery Phillip de Toronto; Winnipeg Art Gallery

Au Québec : Musée canadien de l’histoire de Gatineau

En Ontario : Bay of Spirits Gallery de Toronto; Collection McMichael d’art canadien de Kleinburg; Thunder Bay Art Gallery; Ahnisnabae Art Gallery; Centre d’art autochtone des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord du Canada à Ottawa

En Saskatchewan : MacKenzie Art Gallery à Regina

En Alberta : Musée des arts et artéfacts des peuples autochtones de Portage College à Lac La Biche; Bearclaw Gallery d’Edmonton; Janvier Gallery à Cold Lake; Alberta Art Gallery d’Edmonton

Renouveau spirituel, 1984, Daphne Odjig, Société canadienne des postes [2011]. Reproduction autorisée.

Qui sont les sept artistes du PNIAI?

Informations tirées du site du Ministère RCAAN et possiblement choisies par les artistes

Daphne Odjig: Odawa; 1919-2016; Wikwemikong, Ontario

Norval Morrisseau: Ojibway; 1932-2007; Sand Point, Ontario

Eddy Cobiness: Ojibwé; 1933-1996; Grandi à Buffalo Point, Manitoba

Alex Janvier: Dénésuline, Saulteaux; Né en 1935; Cold Lake, Alberta

Carl Ray: Cri-Algonquin; 1943-1978; Sandy Lake, Ontario

Jackson Beardy: Cri-Ojibwé; 1944-1984; Island Lake, Manitoba

Joseph Sanchez: Pueblo; Né en 1948; Trinidad, Colorado

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