Jean Nepo Murwanashaka
Le président de la CAFS lors d'un point de presse à Radio-Canada
Photo : Hervé Niragira (2018)
REGINA - C’est sous un climat de tension que se sont déroulées, le samedi 16 juin, les élections du conseil d’administration de la Communauté des Africains francophones de la Saskatchewan (CAFS).
Lors de cette rencontre, les membres du conseil d’administration de la CAFS, à l’exception du comité exécutif, devaient combler six postes. C’est cependant une motion de censure qui a retenu l’attention et nourri un climat de tension lors des élections.
En effet, plus tôt cette semaine, le 13 juin, des membres de la CAFS ont décidé de dissoudre le comité exécutif de la CAFS et par conséquent, de restreindre le pouvoir du président par intérim, M. Jean Nepo Murwanashaka. Les auteurs de la motion de censure reprochent au comité exécutif un manque de transparence et une éthique douteuse.
Lors d’un point de presse, M. Nepo a dénoncé cette motion qui, d’après lui, n’est pas légale selon les statuts de la CAFS. « Je suis ici pour répondre à la motion de censure qui a été signée par les membres du CA sortant et pour affirmer que le président reste président », a-t-il mentionné.
Selon les informations recueillies, tout porte à croire que les membres du conseil d'administration de la CAFS se sont récemment rencontrés sans la présidence et la majorité des membres présents à cette rencontre a voté pour cette motion. Selon l’article 11.4 des statuts de l’organisation, il est indiqué que le CA peut se réunir sur convocation de la présidence ou à la demande d'au moins le tiers de ses membres. Il est aussi mentionné que le CA ne délibère valablement que si au moins sept membres sont présents à cette rencontre. « Il n’y a eu ni ordre du jour, ni procès-verbal, ni résolution et on ne sait même pas qui était présent. Est-ce que le tiers des membres a demandé une telle rencontre ? Est-ce qu’il y avait sept membres ? », s’est interrogé M. Nepo.
Des statuts au cœur du conflit
D’après Denis Tassiako, membre du CA et ancien président, les statuts de l’organisation ne sont pas représentatifs de la réalité actuelle de la communauté africaine en Saskatchewan. Selon lui, la CAFS est menée par quelques pays de l’Afrique et ne représente pas tous les pays africains présents en Saskatchewan. D’après ce dernier, cette perception est partagée par la majorité des membres de la communauté africaine francophone :
« Nous avions eu une Assemblée générale extraordinaire (AGE) en mars dernier et les membres ont décidé de mettre sur place un comité de réforme des statuts afin que les textes officiels de l’organisation deviennent plus inclusifs. Ces textes devaient suivre les résultats des concertations présentés à l’AGE », a mentionné M. Tassiako.
Toujours selon M. Tassiako, en avril, les membres du CA ont jugé que les travaux de ce comité n’avançaient pas. Pour eux, il était impossible d’organiser des élections transparentes et inclusives avec les statuts actuels. Les membres du CA ont donc décidé, à l’unanimité, que si les nouveaux statuts n’étaient pas prêts avant l’Assemblée générale annuelle de la CAFS, prévue pour le 30 juin, cette rencontre serait non-élective. Il appert aussi que certains membres du comité de réforme se sont montrés réticents aux changements : « Le travail du comité a été bloqué par des membres de ce comité qui ne voulaient pas de changements, et c’est la raison pour laquelle aucun texte n’a encore été déposé » d’ajouter M. Tassiako.
Denis Tassiako affirme que M. Nepo Murwanashaka, s’est opposé au changement et qu’il ne voulait pas d’une AGA non-élective. Cette prise de position par le président par intérim explique, en partie, les événements des derniers jours : « Le CA a décidé, à l’unanimité, d’aller avec une AGA non-élective, alors que M. Nepo voulait des élections. Il a ensuite pris une décision qui allait dans ce sens et de façon unilatérale. Les membres du CA l’ont alors invité à expliquer sa position, mais il n’a jamais accepté de nous rencontrer. Alors, lorsqu’un président fuit les membres du CA et qu’il prend des décisions unilatérales, on se rend compte qu’il ne nous représente pas. Le CA a donc décidé d’établir une motion de censure et de dissoudre le comité exécutif. Il ne faut pas oublier que M. Nepo était président par intérim, choisi par les membres du CA, il n’a donc jamais été élu », de conclure M. Tassiako.
La CAFS : un engagement individuel
M. Nepo, mis au fait des propos de M. Tassiako, n’apprécie guère que l’on évoque le manque d’ouverture de la CAFS et son opposition aux changements : « Ces propos sont totalement faux ! Les derniers changements des statuts ont été faits en 2016 et c’est M. Tassiako qui était président à ce moment-là. Ce sont ces mêmes textes que l’on doit suivre aujourd’hui et c’est à titre individuel que les personnes s’engagent dans la CAFS. Ici, il n’est pas question de favoriser des pays au détriment des autres. Quant aux changements, ce n’est pas moi qui décide des changements, c’est le CA. Un comité de réforme travaille d’ailleurs sur ces changements. Je ne suis pas opposé aux changements, je vais plutôt suivre les recommandations de ce comité » a mentionné M. Nepo.
Le président par intérim évoque également l’idée que ces manoeuvres inhabituelles viennent de la volonté des dissidents à taire certains faits. En effet, selon M. Nepo, au cours des dernières années, des actes déplorables ont été signalés, tels que le piratage de courriels et une gestion financière qui n’était pas conforme aux attentes de nos vérificateurs et de nos bailleurs de fonds et qui a mené, à deux reprises, à la fermeture de l’organisme. « Cet exercice d’enquête sur le passé et de transparence semble avoir dérangé certains membres du CA qui auraient préféré balayer, sous le tapis, les problèmes du passé, bref, que l’on se taise. Je vous rappelle aussi que l’Assemblée générale est souveraine et que le CA ou le comité exécutif ne peut pas, unilatéralement, décider d’annuler les élections », conclut M. Nepo.
L’AGA de la CAFS est prévue le 30 juin prochain et les membres pourront mettre sur pied un comité provisoire qui organisera de nouvelles élections.