OTTAWA – Pour son premier budget, le nouveau gouvernement libéral avait promis de stimuler l’économie canadienne avec d’importants investissements qui plongeraient le Canada dans le rouge. On ne peut l’accuser de ne pas avoir tenu sa promesse, alors que l’on anticipe que le déficit initialement prévu de 10 milliards de dollars atteindra plutôt 29 milliards pour le prochain exercice financier.
S’il a été beaucoup question des Premières Nations, des changements apportés à l’assurance-emploi, de l’allocation canadienne pour enfants et du financement consenti à CBC/Radio-Canada dans ce budget, les francophones vivant en situation minoritaire ont dû passer au peigne fin le contenu dudit budget pour déceler des initiatives les concernant directement. Au terme de cet exercice, force était de constater que peu de mesures les visaient spécifiquement.
« Il y a un lien entre ce qui a été annoncé dans le budget et les priorités de développement de nos communautés. Mais pour que ces initiatives soient réellement intéressantes, il faut qu’elles soient assorties d’une lentille francophone et d’une prise en compte de nos réalités spécifiques », a noté d’entrée de jeu Sylviane Lanthier, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) du Canada.
Certes, l’octroi de 675 millions de dollars additionnels à CBC/Radio-Canada (75 millions cette année et 150 millions annuellement pour les quatre prochaines années) constitue une bonne nouvelle pour l’ensemble de la francophonie canadienne, puisque chaque région du pays a été touchée par la vague de compressions observée à Radio-Canada ces dernières années.
Or, encore faut-il que la direction du diffuseur public précise ses intentions quant à la façon dont seront dépensés ces nouveaux investissements.
En réaction au budget, le président-directeur général de CBC/Radio-Canada, Hubert T. Lacroix, est demeuré vague en soulignant que ces sommes seront consacrées au développement de contenu et à la « transformation du mode de fonctionnement de Radio-Canada à l’ère du numérique ».
Malgré l’absence de mesures concrètes visant les communautés de langue officielle en situation minoritaire, la FCFA demeure optimiste quant à la suite des choses.
« Il y a beaucoup d’enjeux qui nous touchent au même titre que l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes. Si le gouvernement et les communautés peuvent travailler ensemble pour faire en sorte que les initiatives du budget aient des retombées spécifiquement pour les francophones, tout le monde y gagnera », croit la présidente de la FCFA.
Le milieu artistique empoche
Si on fait preuve d’une certaine prudence du côté de la FCFA, en lien avec les mesures contenues dans le premier budget du gouvernement Trudeau, c’est tout le contraire dans les bureaux de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF).
En effet, si le ministre fédéral des Finances Bill Morneau est demeuré vague en ce qui a trait aux détails des initiatives qui risquent de bénéficier aux francophones vivant en situation minoritaire, on sait davantage à quoi s’attendre dans le secteur des arts et de la culture : 550 millions au Conseil des arts du Canada, 22 millions à Téléfilm Canada, 13,5 millions à l’Office national du film, investissements massifs dans les musées nationaux et rétablissement du programme Routes commerciales aboli par le gouvernement précédent, pour ne donner que quelques exemples. À tout cela vient bien entendu s’ajouter le financement additionnel à Radio-Canada.
« Ce budget amène une sécurité pour les artistes, les organismes culturels et les industries culturelles de la francophonie canadienne en octroyant un financement bonifié aux infrastructures culturelles », se réjouit le président de la FCCF, Martin Théberge.
« Nous sommes heureux de constater que le gouvernement reconnaît les industries culturelles en tant qu’un secteur-clé de l’économie canadienne en investissant dans un secteur qui a, maintes fois, fait preuve d’innovation et de créativité », poursuit M. Théberge.
« L’investissement dans le Conseil des arts du Canada est un vote de confiance à l’égard du potentiel des arts à dynamiser notre économie et à soutenir la cohésion sociale », a pour sa part indiqué Simon Brault, directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada.
Des dissidents
Parmi les groupes qui n’ont pas accueilli le budget aussi favorablement, on retrouve notamment la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).
Selon l’organisme, il y a un sérieux déséquilibre entre les ressources que le gouvernement entend consacrer aux sociétés d’État et aux organismes en grande partie financés par le gouvernement, comparativement à ce qui est prévu pour les petites et moyennes entreprises.
« C’est une chose de s’endetter pour bâtir des infrastructures structurantes, c’en est une autre de le faire pour payer des dépenses courantes. Nous sommes passés à un déficit de 29 milliards, et ce, sans aucun plan précis de retour à l’équilibre budgétaire », déplore la présidente de la FCEI, Martine Hébert.
Réaction de l'Assemblée communautaire fransaskoise
Communiqué émis par l'ACF en réaction au budget fédéral:
Le budget fédéral dévoilé par le ministre des finances, l’honorable William Morneau, hier annonce des mesures favorables pour l’ensemble de la population. «La population canadienne a reçu des nouvelles prometteuses,» a déclaré la présidente de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF), madame Françoise Sigur-Cloutier, «que ce soit pour les Premières Nations, les nouveaux arrivants, l’environnement, le savoir, l’éducation ou la culture, ce budget annonce des mesures positives pour l’ensemble du pays.»
En outre, le budget prévoit des mesures réclamées depuis des années par les communautés francophones en situation minoritaire, en particulier, le rétablissement du Programme de contestation judiciaire ainsi que des bonifications au recensement pour cueillir des données précises sur nos communautés. Le budget répond aussi à nos innombrables demandes de réinvestir dans CBC/Radio-Canada et dans l’internet haute-vitesse en milieu rural.
Sans mentionner particulièrement un appui direct aux langues officielles, ce budget annonce cependant un bon nombre d’investissements qui correspondent à nos priorités, entre autres pour la culture, la petite enfance, l’immigration et l’emploi. Au cours de l’année, nous serons invités à une consultation pancanadienne pour préciser les priorités de la prochaine Feuille de route pour les langues officielles qui vont viser cette fois le financement de nos organismes et communautés.