Quand la santé, la culture et la langue s’entrecroisent : mieux comprendre les immigrants et leurs besoins. C’est à cet exercice que se sont livrés une quinzaine de participants lors d’un atelier sur la compétence culturelle organisé à Regina le 19 juin dernier, à l’Université des Premières Nations, sous la triple initiative du Consortium national de formation en santé (CNFS), du Département de santé communautaire du Collège de médecine de l’Université de la Saskatchewan et du Réseau Santé en français de la Saskatchewan (RSFS).
L’atelier avait pour objectif principal de sensibiliser les professionnels de la santé ou autres intervenants du milieu sur la nécessité de prendre conscience de l’importance du choc des cultures et de l’impact des barrières de la langue, dans la relation entre le praticien de la santé et son/sa patient(e)/client(e). En d’autres termes, selon la formule de Jeanne Dumas, coordonnatrice du CNFS à Regina, l’atelier devait aider à « identifier les liens entre la compétence culturelle, la langue, la compréhension du système de santé et la sécurité du patient ».
Découpé en trois phases entrecoupées d’études de cas basés sur des simulations de situations patients/clients, l’atelier qui s’est déroulé en huit heures d’affilée, était animé par les docteurs Hortense Nsoh Tabien et Jasmine Hasselback, deux résidentes en médecine du Collège de médecine de l’Université de la Saskatchewan.
Diplômées toutes deux de l’Université de la Saskatchewan, les docteurs Tabien et Hasselback sont l’une originaire d’Afrique, formée d’abord en Afrique et en Europe (Italie), avant de conclure à Saskatoon, tandis que l’autre, Ontarienne, formée à Ottawa, a développé son parcours personnel, stimulée par le désir « d’aller à la rencontre des nouveaux Canadiens ». Deux parcours asymétriques pour illustrer les faces d’une même réalité, celle de la diversité canadienne.
Les animatrices ont partagé avec les participants les fondements de l’approche de compétence culturelle ACCDE qui reposent sur les 5 notions de base que constituent les facteurs liés à : l’affectif (A) au comportemental (C), au cognitif (C), à la différence (D) et à l’équité (E). Pour les docteurs Tabien et Hasselback, loin de constituer une théorie déconnectée de la réalité, l’approche ACCDE se manifeste quotidiennement sur le terrain au travers de comportements qui montrent bien que « nos croyances, attitudes, valeurs ou pratiques influencent notre santé ».
Au cours de la formation, les deux professionnelles de la santé ont cherché à reproduire certaines caractéristiques reflétant le parcours des immigrants nouveaux arrivants, issus d’un environnement non-canadien, pratiquant une langue autre que l’anglais ou même que le français, leurs besoins en soins de santé face aux réalités du système de santé en vigueur en Saskatchewan. D’où la nécessité d’une certaine « compétence culturelle » que le professionnel ou intermédiaire de la santé devrait pouvoir acquérir pour évoluer de manière appropriée dans son milieu de travail et obtenir des résultats probants.
Le statut de privilégié et les déterminants sociaux
L’atelier de Regina sur la compétence culturelle s’est développé en trois phases. Au cours de la première, les docteurs Tabien et Hasselback ont tout d’abord suscité des échanges avec les participants sur une notion essentielle qui est celle de la « reconnaissance de la situation et du statut privilégié », situation dans laquelle se trouve l’un des deux acteurs de la relation patient-professionnel de la santé. Le statut privilégié, ont-elle fait valoir, se manifeste à travers de nombreux facteurs parmi lesquels la connaissance linguistique, la capacité professionnelle, l’expérience multiculturelle, l’appartenance raciale, religieuse, etc…
La deuxième phase a porté sur les déterminants sociaux de la santé qui ont mis en lumière les rapports entre la culture, la langue de l’immigrant face à son nouvel environnement canadien ou saskatchewannais. « Ce sont précisément ces déterminants sociaux qui justifient la pertinence de la compétence culturelle, au cœur notre atelier » ont souligné les deux formatrices.
La troisième phase s’est attardée sur la navigation dans le système de santé par le nouvel arrivant, aspect qui a surtout fait l’objet des études de cas de simulation auxquels les participants se sont prêtés avec bonne humeur.
Rosalie Umuhoza, nouvelle arrivante établie à Regina, participante pour le compte de deux organismes intervenant auprès des immigrants, y a vu « un des points les plus instructifs de l’atelier ». Selon elle, « les échanges de Regina et le partage de concepts tels que la compétence culturelle ont mis en évidence les défis énormes auxquels les divers intervenants, qu’ils soient de la santé, du social ou de l’immigration, sont confrontés dans leur gestion quotidienne des problèmes existant en parallèle avec la diversité et les valeurs multiculturelles, fondement de la société canadienne ».
En effet, l’éventail des valeurs et des normes d’une société influence à divers degrés la santé et le bien-être des personnes et des populations. Inspirée de la définition de la santé telle que l’entend l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cette profession de foi figure en 5e position au nombre des 12 déterminants de la santé, rendus publics par l’Agence de la santé publique du Canada en 2007. « Il ne suffit plus d’afficher seulement cette vérité partagée par beaucoup. Il faut à présent la traduire dans la réalité quotidienne de la vie de tous les jours », soutiennent les docteurs Hortense Nsoh Tabien et Jasmine Hasselback.