À l’approche du 8 mars, j’aimerais souhaiter à toutes mes pareilles une heureuse Journée internationale des femmes ! Mais je n’ai pas le coeur à la fête. On célèbre cette journée depuis plus d’un siècle, et pourtant… Pour reprendre cette phrase de l’épouse du roi Arthur dans la série Kaamelott, «on n’est pas sorti du sable ».
D’accord, nous avons fait des progrès. Nous avons le droit de vote, nous avons accès aux études supérieures, aux postes de direction, aux fonctions politiques, à la propriété, à l’avortement (bien que ce droit soit toujours constesté). Du moins, en Occident. Parce qu’ailleurs...
Mais même en Occident, même chez-nous, ça ne tourne pas toujours aussi rond que ça. Il y a les écarts salariaux, il y a la surreprésentation dans les postes à temps partiel et les petits boulots sur appel payés au salaire minimum, il y a le harcèlement sexuel dont on commence (enfin) à voir la pointe de l’iceberg, il y a la violence, il y a la pauvreté.
Nos soeurs autochtones
Lana Derick; Alberta Williams; Immaculate Basil; Destiny Rae Tom; Ramona Wilson; Hillary Bonnell; Tina Fontaine... Ces noms vous disent quelque chose? Ce sont les noms de quelques unes des 1200 femmes (chiffre conservateur pour plusieurs) et jeunes filles autochtones assassinées ou disparues depuis 1969. Le nom de Tina Fontaine vous est peut-être familier, puisque son assassin présumé a été déclaré non-coupable le 22 février dernier, ce qui a donné lieu à de nombreuses manifestations.
Dans un éditorial écrit en août 2014, Jean-Pierre Picard nous rappelait que les femmes autochtones représentaient 16% des assassinats de femmes au pays alors qu’elles ne constituent que 4% de la population canadienne. Et qu’en Saskatchewan, elles représentaient 55% des homicides, le plus haut taux au pays.
L’ENFADDA: rien ne va plus
En septembre 2016, plus d’un an après la sortie du Rapport de la Commission de vérité et réconciliation, la commission de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFADDA) a été mise sur pied. Enfin, que j’me suis dit. C’est pas trop tôt.
La commission a pour mandat général d’examiner les causes systémiques de toutes les formes de violence perpétrée contre les femmes, les filles et les personnes LGBTQ autochtones au Canada. Son mandat prévoit aussi l’examen des pratiques d’enquête et des réponses des corps policiers, des pratiques et politiques institutionnelles mises en oeuvre pour répondre aux violences vécues par les femmes et les filles autochtones.
Depuis le début, rien ne va. La commissaire Marilyn Poitras a quitté son poste en juillet 2017, déplorant, dans une lettre adressée au premier ministre Justin Trudeau, qu’elle n’était pas en mesure de remplir ses fonctions « en vertu du processus tel qu’il est conçu dans sa structure actuelle ». En octobre, l’avocate principale de l’ENFADDA, Susan Vella, et Aimée Craft, directrice de recherche de l’enquête, ont également démissionné. Puis, en décembre, ce fut au tour de la directrice générale Debbie Reid, suivie de l’avocat québécois Alain Arsenault.
La ministre responsable, Carly Bennett, s’est dite inquiète du haut taux de roulement de personnel et craindre que la situation ne mine la capacité de la commission de remplir son mandat. Elle a aussi indiqué qu’elle ne comptait pas s’immiscer dans la gestion interne de la commission. Or, au départ, il a été stipulé que tout devait être approuvé par le Bureau du Conseil privé. Vous y comprenez quelque chose ?
Paroles, paroles, paroles...
Le 14 février dernier, dans un discours aux Communes, Justin Trudeau a promis des solutions aux Premières Nations. Quand ? Comment ? Pour reprendre les propos de l’avocate albertaine Anne Lévesque, « ce n’est pas la première fois que le gouvernement fait des annonces vides de sens ».
Heureusement, il y a les Michèle Audette, ancienne présidente des femmes autochtones du Québec, originaire de Mani Utenam et commissaire de l’ENFADDA, et autres battantes qui ne lâchent pas. C’est à elles, grâce à elles, que je peux quand-même dire: heureuse Journée des femmes.
Retour historique sur la Journée internationale des femmes
La lutte des ouvrières pour de meilleures conditions de travail et de celle des suffragettes pour le droit de vote sont à l’origine de la Journée internationale des femmes, qui a eu lieu pour la première fois le 19 mars 1911, en Europe et aux États-Unis. En 1917, pendant la Première Guerre mondiale, Lénine déclara le 8 mars « Journée des femmes », en réponse aux femmes russes qui réclamaient du pain et le retour de leurs maris du front.
Les décennies suivantes, la Journée internationale des femmes est marquée vers la même date chaque année en Europe et dans d’autres régions du monde. En Amérique du Nord, elle est soulignée au même moment, mais de façon sporadique, jusqu’à la fin des années 60. Depuis, elle s’est transformée en une activité d’envergure à laquelle les mouvements féministes et syndicalistes ont largement contribué. Officialisée par les Nations Unies en 1977, elle est placée en 2016 sous le signe du slogan Planète 50-50 d’ici 2030 : Franchissons le pas pour l’égalité des sexes.