Les pesticides néonicotinoïdes, vous connaissez?
Semences traitées aux pesticides
Graines traitées par les néonicotinoïdes. Les graines de différentes espèces ont été teintes pour faciliter leur identification. Les violettes à gauche sont du canola, et les oranges à droite sont du maïs.
Les pesticides néonicotinoïdes (néonics) ont fait les manchettes dernièrement puisqu’ils sont soupçonnés d’être liés au déclin des populations d’insectes pollinisateurs tels que les abeilles. Une interdiction d’utilisation de ces pesticides pour une période de 2 ans a été mise en place le 1er décembre 2013 par l’Union européenne et le gouvernement de l’Ontario a récemment annoncé une réduction de 80% de la superficie ensemencée avec du maïs et du soja traités par les néonicotinoïdes d’ici 2017.
L’utilisation des néonics est de plus en plus controversée. Afin de pouvoir mieux comprendre les enjeux liés à leur utilisation, il est important de comprendre ce qu’ils sont, leur utilisation et leurs impacts sur l’environnement.
Ce qu'ils sont
Les néonicotinoïdes sont un type d’insecticides chimiquement lié à la nicotine. Comme la nicotine, les néonicotinoïdes agissent sur certains récepteurs du système nerveux. Il existe plusieurs types d’insecticides néonicotinoïdes : imidacloprid, acetamiprid, clothianidin, dinotefuran, nitenpyram, thiocloprid et thiamethoxam. (Retenez bien ces noms, ils pourraient vous sauver la vie au Scrabble).
Les néonics ont trois principaux avantages. D’abord, ils sont beaucoup plus toxiques pour les invertébrés, comme les insectes, que pour les mammifères ou les oiseaux, contrairement à d’anciens insecticides pulvérisés tels que le DDT. Ensuite, ils sont très solubles dans l’eau, ce qui leur permet d'être appliqués sur le sol, d’être absorbés par les plantes et d’affecter principalement les insectes suceurs de sève. Finalement, les néonicotinoïdes sont souvent appliqués sous forme d’enrobage sur les graines, ce qui permet de traiter individuellement chaque plante.
Leur utilisation
Les néonics, introduits sur le marché dans les années 1990, sont un des types d’insecticides les plus utilisés dans le monde. Aux États-Unis, ces insecticides sont utilisés sur environ 95% des cultures de maïs et de canola, ainsi que sur la majorité des plantations de coton, sorgho, betteraves à sucre, et soja. Ils sont aussi fréquemment utilisés dans la culture de fruits et légumes, céréales, riz et noix. Les néonics sont de plus en plus utilisés dans les zones agricoles de l’Ouest canadien.
Initialement, les néonicotinoïdes ont été loués pour leur faible toxicité sur de nombreux insectes bénéfiques, comme les abeilles. Certaines recherches ont depuis suggéré que l’exposition continue à de faibles doses de néonics affectait négativement le butinage des abeilles et pourrait être lié au déclin des populations d’abeilles.
De hautes concentrations dans les milieux humides de la Saskatchewan
Malgré les études contrôlées réalisées à ce jour, l'impact réel des insecticides néonicotinoïdes sur ces insectes est difficile à mesurer. Les effets sur les abeilles, bien que très médiatisés, ne sont pas les seuls observés : les vers de terre et certaines espèces d’araignées sont particulièrement affectés.
Les néonics sont très persistants dans l’environnement et ont été trouvés en forte concentration dans les milieux humides de zones agricoles en Saskatchewan, ce qui a le potentiel d’affecter dramatiquement les invertébrés aquatiques sur lesquels se base l’alimentation de plusieurs espèces d’oiseaux insectivores, de canards, et de poissons.
Enfin, l’utilisation sans rotation des mêmes traitements de semences, tel que promu par l’enrobage systématique des graines d’un grand nombre de cultures, est contraire à la bonne gestion de la résistance aux pesticides. En effet, les cultures se trouvent maintenant traitées qu’elles en aient besoin ou non.
Et si ça n'en valait pas la peine?
Alors que certains craignent que les rendements des cultures souffrent sans l'utilisation des insecticides néonicotinoïdes, une revue de littérature scientifique effectuée par le Centre pour la Sécurité Alimentaire (Center for Food Safety) affirme que leur utilisation n’améliore pas significativement le rendement agricole. Cela suggère que les coûts monétaires et environnementaux associés à l’utilisation de ces pesticides n’en valent peut-être pas la peine. La controverse liée à l’utilisation de ces pesticides est encore au cœur de l’actualité scientifique et agricole. De nombreuses équipes de recherche partout dans le monde se penchent sur le sujet en tentant de balancer les aspects économiques et environnementaux de l’utilisation des pesticides néonicotinoïdes.
Quoi faire dans nos jardins?
En attendant un consensus, voici ce que vous pouvez faire pour limiter les potentiels effets négatifs des néonics sur les abeilles et autres insectes bénéfiques dans votre jardin.
D’abord, vérifiez si les produits insecticides que vous utilisez ou pensez acheter comprennent des néonics en recherchant les noms listés précédemment dans les ingrédients actifs. Si possible, choisissez une autre option. Ensuite, suivez attentivement les directives de l'étiquette, restreignez les applications de néonics au sol, ne les appliquez pas directement sur le feuillage et ne traitez que les plantes qui ont en ont besoin pour une infestation connue.
Pour en savoir plus sur le sujet :
• What is a neonicotinoid? (Texas A&M Agrilife Extension)
• New Report: Widely-Used Neonicotinoid Seed Treatments Are Unnecessary in Most Cases (Center for Food Safety)
Des néonicotinoïdes près de chez vous : des concentrations inquiétantes en Saskatchewan
Une équipe de chercheurs de l’Université de la Sasktachewan, dirigée par Dr. Christy Morrissey, étudie l’utilisation des pesticides néonicotinoïdes (néonics) en Saskatchewan, leurs effets sur les écosystèmes et les limites sécuritaires de toxicité de ces insecticides dans l’eau.
L’utilisation de graines traitées avec des néonics dans l’Ouest canadien a augmenté dans les dernières années, et presque tout le canola planté au Canada (2e culture la plus abondante au pays), est traité par ces pesticides. En 2012, plus de 40% des zones cultivées dans les Prairies ont été ensemencées avec des graines enrobées de néonicotinoïdes.
Plus de 300 milieux humides en Saskatchewan ont été échantillonnés par Anson Main, un étudiant au doctorat dans le laboratoire de Dr. Morrissey. Ses résultats préliminaires suggèrent que les néonicotinoïdes contaminent les milieux humides des zones agricoles, ce qui pourrait avoir un effet dévastateur sur les insectes, oiseaux et poissons qui dépendent de ces milieux.
Dans 90% des 90 milieux humides échantillonnés en 2013, une présence de néonicotinoïdes a été détectée. Les concentrations les plus élevées étaient 10 fois plus élevées que les niveaux recommandés par le gouvernement canadien et 100 fois plus élevées que celles recommandées par l’Union européenne pour des produits chimiques similaires.
De plus, les concentrations élevées trouvées à la fonte des neiges, soit avant l’ensemencement, suggèrent que les néonics ont la capacité de persister plusieurs années dans le sol. Cela est particulièrement inquiétant pour les invertébrés aquatiques qui sont constamment en contact avec ces pesticides.
D’un côté un peu plus encourageant, une expérience est en cours afin de tester si certaines plantes aquatiques et riveraines ont la capacité de filtrer les néonics. Si cela fonctionne, les agriculteurs auront une manière de limiter la contamination des milieux humides et des étangs et de protéger la biodiversité qui leur est associée.
D’autres étudiants de ce groupe de recherche se penchent sur des aspects écologiques et toxicologiques liés à cette problématique, incluant des études sur les invertébrés aquatiques et les oiseaux insectivores. Dr. Morrissey espère que leurs travaux aideront à la règlementation des pesticides au Canada et ailleurs et aideront les agriculteurs à réduire la contamination par les néonicotinoïdes dans l’environnement.
Pour en savoir plus sur les effets des néonicotinoïdes en Saskatchewan :
• Pesticide 'contaminating' Prairie wetlands: scientist - Researcher suggests pesticide may be linked to insect, bird declines (CBC)
•Tracking Pesticides in Wetlands (University of Saskatchewan)
•Widespread Use and Frequent Detection of Neonicotinoid Insecticides in Wetlands of Canada's Prairie Pothole Region