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Marie-Andrée Nantel (Québec)
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Arblessés

Marie-Andrée Nantel (Québec)

MACKASEY - Patuanak – Axenet’i Tth’al

MACKASEY - Patuanak – Axenet’i Tth’al

Installation Projet collaboratif communautaire avec English River Première Nation – Artiste résidente Michèle Mackasey et artiste invité Manuel Chantre. Projet avec Common Weal Community Arts, Wanuskewin Galleries, Saskatoon (SK) 2017
Crédit de photo: Barb Reimer

Moi, sapin centenaire, 

À la démarche, au langage lent,

Inscrits dans mes gènes. 

J’ai fait la guerre de Cent Ans 

Je ne crains guère la mort !

 

Mon écorce est sculptée 

De plaies. 

Exsangue, j’aspire mes essences 

À la sève des conifères. 

 

Mon œil pleure 

Dans le déchirement des frondaisons 

Émanant de mon tronc 

Vert de moisissure. 

 

Le soleil progresse.

La pluie régresse. 

Une sécheresse me gruge.

 

 

Dans mon écorce meurtrie 

Une montée de sève saigne. 

 

À La Ronge 

Rogné, je me tords

Sous la fumée et le feu, 

La forêt carbonisée souffre.

 

Une foudre m’a consumée, 

Et noirci mon squelette! 

Mes os calcinés ploient sous

La suie,

Sous le poids d’ossements tordus. 

Que de souffrance!

 

Je suis au supplice 

Je hante 

La forêt verte 

Qui veut manger le feu, manger le feu !

 

 

 

Sur la taïga , je suis un sapin 

Sous un vent violent, 

Qui tord mes branches 

Qui se recroquevillent. 

Mes difformités me paralysent. 

 

Dans mon écorce meurtrie 

Une montée de sève saigne. 

 

Mes branches araignées 

Égratignent les verdures, 

Serpentent dans le sol … 

Se noient dans le ruisseau. 

 

Tentant de respirer , 

Étouffé, 

Je déploie mes branches

Avant d’être aspiré

sous terre. 

Des rochers 

Surgis autour de moi 

Tentent de me protéger 

 

 

Je suis un tronc décédé en mille filaments 

Au cercueil de feuilles de fougères

Au bord de la Rivière Assiniboine 

Dont je me suis abreuvé .

 

 

À Flin Flon,

Legs du muskeg,

Survivent, mortes d’ennui et de vie,

Des souches de sapins 

Aux troncs décapités, 

Aux racines noyées dans un étang stagnant. 

 

J’ai le corps coupé en deux, 

aux racines à la survie, 

se raccrochant à la terre 

comme veines sur une peau sèche. 

 

Je souffre sous l’attaque de champignons

Hallucinogènes. 

Des balais de sorcières enchevêtrent mes aiguilles 

Et s’envolent!

Je suis douleur, aux branches en ruines, 

Au feuillage de bruines, 

 À la faune fuyante. 

 

J’arbore cette plaie creusée d’écorce ocre,

Ce nombril, lien maternel 

Avec l’arbre Grand-mère. 

 

Hélas ! Mes ramescences sont vides. 

De mes troncs s’écoule l’essence 

Cinquantenaire de réminiscences. 

 

Seul, l’enfant à l’écoute des arbres blessés, 

Des arbres abandonnés, 

Entend leurs cris de détresse, 

Dans leur écorce et leur feuillage. 

 

Oh! Occupez-vous de nous ! 

Victimes de dessévage, 

D’effeuillage 

À qui se vouer … ?

Qui donc va nous soigner ?…

La Nature ou l’Homme ? 

 

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