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Pays plat
Marie-Andrée Nantel
/ Catégories: 7 Automne 2021, Poésie

Pays plat

Marie-Andrée Nantel

Marie-Andrée Nantel

Marie-Andrée Nantel

Marie-André a fait carrière en enseignement au Québec, en Saskatchewan et au Manitoba de 1988 à 2016. Elle a publié Palpitation Urbaine, poésie, chez l’éditeur Jacques Lanctôt, en 2006 et Temps-Miroir, quelques poèmes publiés dans la revue Parcours en 2007-2008.                                                                       

 Quelques-uns de ses textes ont été publiés dans le  journal de l‘Association des Personnes retraitées de la Fédération  autonome de lEnseignement. Son poème Immigrant publié en automne 2021 dans la section Parole de Paix de la revue Entrevous lui a mérité le premier prix Patrick Coppens-Entrevous.

Elle a suivi des ateliers sur l’écriture du roman, animés par Monsieur Jean Barbe, ancien éditeur en chef de la maison Leméac, en 2020, et des ateliers sur l’écriture de romans avec Monsieur Jacques Audet. Elle est membre de la Société littéraire de Laval.

Sa participation au jeu  de poème surréaliste Patrick Coppens lui a permis de gagner un prix en décembre 2020. 

À l’Université de la Saskatchewan, en mars 2021, Marie-André a participé à la conférence Créations et fictions dans les Prairies avec la lecture de Pays Plat, un poème sur le Manitoba. Ce texte a été publié dans le numéro 7 de la revue À ciel ouvert en automne 2021.

Marie-Andrée Nantel

Je viens de l’Est . 

Atterrissage… 
Winnipeg « One great city » 
La langue anglaise  s’impose à mon ouïe,
Ma compréhension .

Et  voici Saint-Boniface 
Nid de la langue française.
Je sens une vive impression de familiarité.

Exploration.  Je sillonne la Transcanadienne  
Vers Portage- la -Prairie 
 À travers les champs de canola.
Tout est jaune et vert. 

Mais je m’ennuie,  j’hallucine des montagnes! 
J’entends « Jours de plaine…. »(1) 
Je chante « Je voudrais voir la mer » (2) 
En ce mitan des terres… 

1.

Sur  la route Yellowhead, autoroute 16,   je m’arrête,
Écoutant les clameurs lointaines des voitures, 
En écho dans un espace de terre et de ciel, 
S’étendant à l’infini,
Repoussant l’horizon…
Comme si la prairie  appelait 
À la conquête humaine.
Des fermes vivantes, 
Des fermes abandonnées jonchées de végétation vivace 
Balisent   les étendues… 

Train à travers les terres cultivées,
Ses roues rugissent, ronronnent 
Et rompent l’espace. 
Des noms de village défilent,
Aux richesses de cette province.
La Cité du blé                     Brandon 
La Capitale de l’huile         Virden, 
L’ eau qui coule               Minnedosa 

2.

Et je sillonne  la route 
Où surgit  un nom  autochtone, Dakota Tipi. 
Ailleurs, un  chemin qui  invite  à embrasser
Du regard et du corps
Le lac Winnipeg, cette plaine liquide 
Aux invisibles  berges. 

Et me revoilà sur la voie
Ornithologique  vers Oak Hammock Marsh, 
Où j’écoute le chant des oiseaux 
Où je regarde leurs ébats amoureux et   familiaux.
Le bison s’impose, ombre au crépuscule, 
dans le parc Riding Mountain. 
Et  dans un champ vierge, 
En toute liberté 
Palpitent des chiens de prairie. 

Je conduis en plein hiver
de Saint -Lazare à Winnipeg.
Et saute le cerf de Virginie 
Aux yeux de cataphote. 

3.

Sous un ciel menaçant,
Je m’égare sur un chemin d’hiver 
Balisé de pics  de glace,  de  conifères,   
La voiture  semble hors du temps  et de l’espace, 
Cahote énormément,
Comme un bateau  secoué 
De vagues  blanches! 
Perdus, les points de repère
Dans ce lieu   où dansent vent et neige 
Le blizzard secoue  l’espace   en un frénétique ballet!

La route monotone  obsède mon regard.
Un soleil d’après-midi, 
Rougeoyante boule de feu, 
M’éblouit, et explose sur ma vitre 
En  une galaxie de toutes ses craquelures !  

4. 

Et si près de Saint-Lazare, 
Vers la Saskatchewan 
Une colline crée un vertige …
Vers  la vallée Qu’appelle, du nom de la rivière 
Où naviguait un autochtone, à l’écoute du chant 
De sa fiancée, morte de désespoir  de ne plus le revoir… 
Katepwa Sipi !         Qu’Appelle ! 

En une gamme  d’ajustement saisonnier, 
Le  bourdonnement de l’été  ralentit …
Et  un  soleil  est  glacial, déjà, en octobre.
Sans demi-saison.
L’inertie, la sécheresse  de l’hiver,
La froidure glissent vers la vitalité de l’été. 

Une aurore boréale 
Sur  une noirceur  qui happe mon regard, 
Illumine les sapins ankylosés. 

5. 

Ciel brumeux.  Le soleil dort, engourdi, blanc de froid .
Ennuyés, ses rayons s’en détachent,
Se métamorphosent en arc-en-ciel. 
Ils se regardent dans le soleil miroir  
Et deviennent chiens- de- soleil.  
Sous la nuit constellée 
et dans la Prairie démesurée
Le froid me mord la peau…!
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(1)     Daniel Lavoie 
(2)    Michel Rivard 


Illustration : David Baudemont
 

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