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Tribune libre

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Will & Ernest

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Couverture de Will & Ernest, écrit par Martine Noël-Maw
Crédit : Courtoisie des Éditions de la nouvelle plume (ÉNP)

Extrait de la pièce Will & Ernest, jouée à la Troupe du Jour et publiée aux Éditions de la nouvelle plume en 2020.

Acte 1, Scène 6

WILL dicte à MONICA ‒ Un matin, Fred a monté sur son cheval et y est parti vers le sud. Une vingtaine de milles plus loin, y’aperçoit un shack. « Qu’est-ce que ça fait sur mon ranch ? » qu’y se demande. Il s’est rendu jusqu’à cabane et descend de cheval. Y frappe à porte et un jeune homme lui a ouvert. Il l’invite à rentrer. Il lui présente sa femme. Les nouveaux mariés étaient des citadins qui avaient décidé de s’essayer comme homesteaders. Fred voyait ben, juste à les regarder, qu’y connaissaient rien à la vie sur une ferme. Fred a jasé avec eux autres un bout et il est reparti en leur souhaitant bonne chance. (MONICA regarde WILL, exprime le doute.) Le printemps suivant, Fred est retourné faire un tour du côté du shack des apprentis fermiers. Quand y’est arrivé, le couple travaillait au champ. Fred est allé vers la belle jeune femme qu’il avait connue six mois plus tôt. Il a failli tomber en bas de son cheval en la voyant. Elle portait des guenilles et ses cheveux étaient tout croches. Nus pieds, elle ramassait des cailloux. Quand elle a vu Fred, elle a pas eu l’air de le reconnaître. Elle a mis un doigt devant sa bouche et a fait : « Sh-sh-sh-sh. Allez-vous-en! (MONICA cesse de taper.) Mon mari est très jaloux. Il va vous tirer dessus. » (WILL se rend compte que MONICA ne tape plus.) Y a un problème ?

MONICA ‒ Oui. Un gros problème.

WILL ‒ Ton ruban a cassé ?

MONICA ‒ Non, c’est pas ma machine, le problème. Vous vous répétez encore ! Ce que vous racontez là… c’est pas original !

WILLen se servant un whisky ‒ Qui que t’es pour me dire que j’suis pas original ? T’en as écrit combien de livres, toi ?

MONICA ‒ Je n’en ai pas écrit, mais j’en ai lu un paquet. Dont plusieurs des vôtres. Et la triste histoire de ce jeune couple venu de la ville, pas équipé pour vivre en campagne, je l’ai déjà lue dans un de vos livres. Je pense même l’avoir lue dans deux de vos livres.

WILL ‒ Quess tu racontes ? Je viens de l’inventer. Ça m’est venu comme je te parlais. Ça s’appelle l’inspiration. Ça vient avec le talent.

MONICA ‒ Fâchez-vous pas. Je dis ça pour votre bien.

WILL ‒ Pour mon bien ? Si tu veux mon bien, tu vas te taire et taper ce que je te dis. 

MONICA ‒ Et moi, je vous dis que cette histoire-là, vous l’avez déjà racontée.

WILL ‒ Bull shit !

MONICA ‒ Vous l’avez écrite plus qu’une fois. Bill, vous buvez trop. C’est ça qui vous embrouille l’esprit. L’histoire de ce couple, vous l’avez racontée dans Lone Cowboy ET dans The American Cowboy.

WILL ‒ Menteuse !

MONICA ‒ Je vous jure ! 

WILL ‒ Tu dis n’importe quoi.

MONICA court chercher The American Cowboy dans sa chambre. Elle revient en feuilletant le livre, trouve le passage qu’elle cherche, et tend le livre à WILL.

MONICA ‒ Lisez vous-même.

WILL, prend le livre, l’approche et l’éloigne de ses yeux, et le redonne à MONICA ‒ C’est écrit trop p’tit.  

MONICA ‒ OK, je vais vous le lire. « Il a failli tomber de son cheval – « Il », c’est Fred – Il a failli tomber de son cheval quand il a aperçu la belle jeune femme, pliée en deux au bord d’un sillon en train de ramasser des cailloux, nus pieds– »

WILL ‒ Gaspille pas ta salive ! J’suis fini.