Devons-nous retirer de l’espace public le nom de personnages historiques en raison de certaines de leurs actions ? Suite aux manifestations qui se sont déroulées à Charlottesville en Virginie, lorsqu'on a voulu enlever une statue du général confédéré Robert E. Lee, le débat fait présentement rage dans les provinces canadiennes concernant John A. Macdonald, un des pères fondateurs de la Confédération.
La Fédération des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario (FEEO) a adopté une motion afin de rebaptiser toutes les écoles ontariennes portant le nom de John A. Macdonald lors de son assemblée générale annuelle, le 17 août dernier. Toutefois, la motion doit être d’abord approuvée par les conseils scolaires de l’Ontario.
En Saskatchewan, seul un établissement scolaire, à Stockholm, près de la frontière manitobaine, porte le nom de Macdonald. Toutefois, des individus ont lancé une pétition afin d’enlever la statue de Macdonald dans le parc Victoria à Regina, le 28 août dernier. La pétition a été acheminée au maire de Regina, Michael Fougere.
John A. Macdonald est un personnage très complexe. Considéré comme le père de la Confédération, il a joué un rôle crucial et a été au centre de l’histoire canadienne. Le tout premier chef du gouvernement du Canada a réalisé plusieurs bons coups. Il est à l’origine de l’entrée de la Colombie-Britannique, de la terre de Rupert et des Territoires du Nord-Ouest dans le Dominion. L’entrée de la Colombie-Britannique a forcé le gouvernement de Macdonald à construire un chemin de fer reliant l’Ouest et l’Est. De plus, il était à la tête du gouvernement canadien lors de la création de la Politique nationale en réaction à la crise économique de 1873. Et afin d’instaurer des relations amicales avec les Premières Nations, l’ancien responsable des affaires autochtones a créé la Police montée du Nord-Ouest.
Toutefois, plusieurs décisions entachent sa carrière de politicien. Le syndicat de la FEEO estime que le tout premier chef du gouvernement de la Confédération canadienne est à l’origine du génocide culturel perpétré contre les Autochtones en étant « l’architecte » derrière la création des pensionnats destinés à l’assimilation des jeunes autochtones. De plus, Macdonald est le chef d’orchestre de la pendaison de Louis Riel, résultat de la rébellion de la rivière Rouge et de la rébellion du Nord-Ouest. La coalition estime que les actes répréhensibles de l’ancien premier ministre conservateur méritent qu’on y jette franchement un œil dans une perspective de vérité et de réconciliation avec les Premières Nations.
Après Louis-Hector Langevin, est-ce que John A. Macdonald sera la prochaine victime de son passé? En juin dernier, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il renommait l’édifice Langevin, qui abrite le cabinet du premier ministre dans la capitale canadienne. Rappelons que l’ancien député conservateur québécois est, tout comme Macdonald, l’un des « pères des pensionnats ».
Le 17 août dernier, le président américain Donald Trump écrivait sur Twitter « Who’s next? Washington? Jefferson? » faisant référence au fait qu’ils avaient des esclaves. Chez nous, qui sera le prochain après Macdonald si la Fédération des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario va de l’avant avec sa motion? Wilfrid Laurier? Pierre-Elliott Trudeau? Rappelons que les deux anciens premiers ministres libéraux ont été au cœur de décisions contre la personne. Laurier a retiré le droit de vote aux Autochtones, tandis que le père de l’actuel premier ministre, Justin Trudeau, a invoqué la Loi sur les mesures de guerre, en réponse à la menace du Front de libération du Québec lors de la Crise d’octobre. Effacerons-nous tous les personnages historiques de notre histoire en raison de leurs mauvaises décisions politiques? Si tel est le cas, notre histoire sera courte.
Privilégier l’enseignement
Au lieu de nettoyer les erreurs et de tenter de vivre dans l’ignorance, optons pour l’enseignement complet de notre histoire, c’est-à-dire les deux côtés de la médaille, et ce en vertu d’une réconciliation prochaine avec les Autochtones. Nous devons l’admettre, John A. Macdonald a pris des bonnes et mauvaises décisions durant sa carrière politique. Par contre, il a tout de même laissé un précieux héritage et retirer son nom c’est s’aventurer sur un terrain glissant. Jusqu’à maintenant, le tout a seulement amené de l’ignorance et de la séparation, mais aussi suscité des débats.
Au lieu de chercher les petits bobos, nous devrions plutôt privilégier les solutions. Par exemple, à la place de renommer toutes les écoles ontariennes portant le nom de John A. Macdonald, pourquoi ne pas nommer les prochains établissements scolaires en honneur à des grandes figures autochtones?
Dans l’esprit de vérité et de réconciliation avec les Premières Nations du Canada, nous nous devons de préserver notre histoire pour apprendre des erreurs du passé et avancer sans les répéter. C’est en racontant l’histoire comme elle s’est passée que nous allons y parvenir.
Pierre-Émile Claveau
Regina