Radio-Canada comme enjeu électoral
OTTAWA – D’élection en élection, des thèmes récurrents sont au cœur des préoccupations des communautés francophones vivant en situation minoritaire. Or, l’avenir du diffuseur public CBC/Radio-Canada a rarement constitué un enjeu majeur pour la francophonie canadienne à l’approche d’une élection fédérale. C’est pourtant le cas cette année.
« Nous voulons que le prochain gouvernement assure à notre diffuseur public, Radio-Canada, les moyens de s’acquitter de son mandat », a déclaré la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, dès le déclenchement des élections, début août.
Le ton était donné et le message, on ne peut plus clair. Il faut cependant préciser qu’un rapport du comité sénatorial des Transports et des communications, rapport dont la publication a précédé de peu le début de la campagne électorale, ne contribuait en rien à apaiser les craintes des plus ardents défenseurs de CBC/Radio-Canada.
Plutôt critique envers la société d’État, le rapport en question avançait que le diffuseur public doit exister afin d’offrir des services que le privé n’offre pas, plus particulièrement aux gens vivant dans les régions éloignées. Du même souffle, le rapport laissait sous-entendre que le diffuseur public devait trouver les moyens de maintenir la même qualité de services, avec moins de ressources.
L’épineuse question du financement de CBC/Radio-Canada a également été abordée, le rapport du Sénat suggérant notamment de trouver des sources de financement additionnelles, comme des dons du public effectués sur une base volontaire. Il n’en fallait pas plus pour plonger le diffuseur public au cœur de la campagne électorale, le regroupement Les Amis de la radiodiffusion attaquant entre autres le rapport et ses auteurs.
« Les sept sénateurs conservateurs siégeant au comité ont été nommés par Stephen Harper. En tant que loyaux serviteurs, ils font la sale besogne pour lui en proposant un agenda hostile qui mettrait fin à la radiodiffusion publique canadienne telle qu’on la connaît », avance le porte-parole du groupe Ian Morrison.
Du côté de la Saskatchewan, la présidente de l’Assemblée communautaire fransaskoise, Françoise Sigur-Cloutier, reconnaît aisément que le diffuseur public doit se moderniser. Cependant « ce n’est pas en l’amputant des deux jambes que l’on va lui donner du même coup la possibilité de voler! Or, c’est ce que ce rapport suggère sans beaucoup de nuances. »
L’heure des promesses
Récemment, la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF) saisissait la balle au bond et en profitait pour questionner les trois principaux partis fédéraux sur ce dossier chaud.
En date du 21 août, le Parti conservateur n’avait toujours pas répondu au questionnaire de la FCCF, tandis que le Nouveau Parti démocratique et le Parti libéral se sont tous deux engagés à rétablir le financement de CBC/Radio-Canada au même niveau qu’avant les compressions de l’ordre de 115 millions de dollars annoncées en 2012.
« Nous garantirons un financement stable, pluriannuel et prévisible qui protégera Radio-Canada des fluctuations du marché publicitaire et consacrerait sa liberté éditoriale vis-à-vis du gouvernement », promet le NPD.
« Nous entendons exiger que la programmation de la SRC présente un contenu majoritairement canadien et suffisamment varié pour répondre aux besoins des divers publics canadiens, y compris des communautés francophones et acadienne. Cette programmation devra respecter la spécificité des marchés francophones et anglophones, qui ont des contextes, des dynamiques et des conditions de succès qui leur sont propres », envisagent pour leur part les libéraux de Justin Trudeau.
Parmi les points abordés dans le sondage de la FCCF, la question du financement de CBC/Radio-Canada occupait une place de choix, la FCCF jugeant que le diffuseur public joue un rôle de premier plan dans la promotion et la diffusion de la culture au sein des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
« Au cours des dernières années, la Société Radio-Canada a vu ses crédits parlementaires diminuer, la forçant à réajuster son budget et causant de nombreuses coupes. L’impact négatif de cette situation est de plus en plus flagrant sur la capacité de la SRC d’appuyer des événements culturels et des activités artistiques d’envergure », dénonce la FCCF.
Maintenant que chaque parti aspirant à prendre le pouvoir à Ottawa a déjà eu l’occasion de se prononcer sur l’avenir du diffuseur public, il reste à voir quelle place occupera ce dossier durant le reste de la campagne. Libéraux et néo-démocrates en profiteront sûrement pour attaquer les conservateurs sur le sujet, en misant surtout sur les postes abolis d’un bout à l’autre du pays, dont en régions, et sur la quasi-disparition d’un service des sports autrefois très efficace.
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