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Mosquito Buzz

Extrait du recueil Départs de David Baudemont, à paraître aux Éditions de la nouvelle plume en 2022

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Aquarelle de David Baudemont

(…)  Il était presque cinq heures du matin. On est sorties et on est descendues vers downtown, personne dans les rues, du fog sur la rivière et une drôle de lumière grise. Toutes les ombres avaient disparu. Like l’hiver nucléaire! Betty et moi, on se regardait, stone, en plein trip : on était les seules survivantes. On s’est arrêtées en haut du pont. Et si c’était vrai? It was like : j’étais triste et tout excitée en même temps. Enfin finie, toute cette bullshit! 

‒ Plus de reality shows!

‒ Finis les cops et leurs doughnuts… 

‒ … et les mariages en robe longue…  

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Aquarelle de David Baudemont

C’en était fini de tous ces trucs phony auxquels les gens faisaient semblant de croire, comme si ça allait les rendre heureux. Comme dad qui fait briller son truck tous les dimanches ou mom qui regarde The Price is Right avant de faire les soldes chez Wally World pendant trois heures! Fi-ni!

J’ai entendu un moteur derrière moi. C’était une vieille Buick déglinguée avec dedans une bande de filles et de gars qui finissaient la nuit. 

‒ Hé, on n’est pas les seules!

D’un seul coup, j’ai compris ce qui se passait.

‒ Tu sais quoi, Betty? Il n’y a plus que nous sur terre!

‒ Qui, nous?

‒ Les jeunes!

On s’est mises à sauter et à crier toutes les deux comme des dingues.

‒ Hey men! You’re not alone! We are alive!

C’était comme si tous les adultes avaient disparu, victimes d’une vibration sélective. Ça me rappelait ce truc sur Internet avec les fréquences sonores.

‒ Hé, Betty, tu te souviens de cette espèce d’ultrason sur le Web?

‒ Celui que seulement les moins de 25 ans pouvaient entendre?

‒ Yeah, c’est ça! Comment ça s’appelait encore?

‒ Mosquito…something?

‒ Mosquito Buzz!

Je l’avais fait écouter à mes parents. Moi, ça me perçait les tympans, alors qu’eux n’entendaient absolument rien. Je gueulais, les mains sur les oreilles.

‒ Ça ne vous fait pas mal?!

Ils me regardaient bêtement. Ça me confirmait une chose : on ne vivait pas dans le même monde. Quelque chose était mort en eux. Moi, au contraire, le Mosquito Buzz me secouait comme un de ces gros réveils à sonnerie. « Wake up girl, time for change! » 

‒ Et ils ne l’ont pas entendu?

‒ No! Because they were already dead! Il ne reste que nous, Betty. Le Mosquito Buzz, c’était juste pour nous avertir! 

‒ Tous les adultes ont disparu?

‒ Yep!

On a pris le pont en chantant le truc de Bob Dylan.

‒ « And the times, they are-a-changing… »

 On était carrément euphoriques. L’aube se levait quelque part derrière les toits des maisons. C’était drôle de voir la rivière continuer à couler dans ce nouveau monde qui venait de naître. C’était rassurant : on pouvait tout refaire, il y avait de l’espoir. Le printemps était là. Tout serait différent. (…)