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LETTRE OUVERTE – Dans de nombreuses régions du pays, les consommateurs signalent un nombre croissant d’étagères vides dans les épiceries. Cela se passe ici, aux États-Unis et dans de nombreuses autres régions industrialisées du monde ; ce phénomène outrepasse le territoire canadien.
Au Canada, des étagères vides s’observaient déjà à l’automne, mais elles passaient quelque peu inaperçues et se créaient de manière sporadique, alors que les problèmes de la chaine d’approvisionnement se poursuivaient et que notre industrie alimentaire peinait à suivre la cadence.
Les protocoles sanitaires imprévisibles, la pénurie de main-d’œuvre et des couts d’intrants plus élevés depuis plusieurs mois tendent à créer une tension accrue sur la chaine d’approvisionnement, vouée à céder un jour ou l’autre.
La propagation virulente d’Omicron n’a fait qu’empirer la situation. La plupart des entreprises alimentaires, de la ferme au magasin, fonctionnent au ralenti avec 15 à 30 % de leur personnel en moins pour gérer la charge de travail.
Et puisque l’on manipule souvent des ingrédients périssables, pour de nombreux agriculteurs, transformateurs et détaillants, attendre ne constitue tout simplement pas une option.
Des produits plus chers et moins frais
On compte près de 140 000 camionneurs qui ne peuvent plus traverser la frontière, d’un côté ou de l’autre, depuis le 22 janvier.
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Toutefois, le scénario de janvier 2022 à l’épicerie ne ressemble nullement à celui de mars 2020.
Cette fois-ci, les problèmes de chaine d’approvisionnement et la hausse des couts de distribution représentent des facteurs déterminants ; tandis qu’en mars 2020, les pénuries de papier hygiénique et de nourriture résultaient de la panique des consommateurs et de l’effondrement de l’industrie de la restauration.
Cette fois-ci, le variant Omicron, la météo hivernale et, bien sûr, les mandats de vaccination à la frontière constituent les grands défis de la chaine d’approvisionnement.
Alors qu’Omicron a donné un véritable «coup de poing» à l’industrie alimentaire, les mandats de vaccination pour les camionneurs privent l’industrie de l’oxygène dont elle a désespérément besoin en ce moment. Mais puisque la décision semble irrévocable, l’industrie l’affrontera et trouvera assurément un moyen de remplir les tablettes, advienne que pourra!
On compte près de 140 000 camionneurs qui ne peuvent plus traverser la frontière, d’un côté ou de l’autre, depuis le 22 janvier.
Il faudra donc s’attendre à ce que la nourriture coute plus cher et à ce que sa qualité soit amoindrie. On constate déjà moins de fraicheur pour plusieurs produits frais puisqu’ils arrivent en magasin beaucoup plus murs qu’à l’habitude.
Des couts logistiques plus élevés rattraperont les consommateurs éventuellement. Les couts de transport entre les États-Unis et le Canada pour certaines routes ont pratiquement doublé depuis une dizaine de jours.
Les épiciers devront réajuster leurs prix, mais ils le feront de façon graduelle pour ne pas répéter le tollé créé lors de la fameuse « crise du chou-fleur » en 2016. Le dollar canadien avait alors chuté en quelques jours, en plein hiver, forçant les importateurs à payer plus cher pour les légumes. La tête du chou-fleur atteignait 9 $ à certains endroits, forçant plusieurs consommateurs à bouder le produit.
Gaspillage, mauvaise image ; disons que les détaillants ne veulent pas répéter les mêmes erreurs. Mais avec les couts logistiques qui gonflent, certains importateurs décideront peut-être de délaisser certains produits pour l’instant au lieu de les importer.
On continuera de trouver le nécessaire
Sylvain Charlebois, professeur titulaire et directeur principal du laboratoire de recherche en sciences analytiques agroalimentaires de l’Université Dalhousie.
Photo : Courtoisie
Il ne faut pas oublier que l’industrie alimentaire a su faire face à de nombreuses crises au cours des dernières décennies et que malgré la pandémie, elle a continué de traiter et de livrer la marchandise.
Les mandats de vaccination aux frontières posent un problème, bien sûr, mais l’environnement règlementaire a toujours représenté un facteur parmi tant d’autres. Nous ne devons pas sous-estimer la résilience de notre industrie alimentaire.
Les consommateurs ne trouvent pas toujours ce qu’ils veulent ces temps-ci, mais ils trouveront toujours ce dont ils ont besoin. Cela est rendu possible grâce au travail et aux efforts des entreprises et des personnes prêtes à surmonter toutes les embuches qui se trouvent sur leur chemin.
Mais pour les camionneurs, la situation n’est pas rose. Des milliers de camionneurs indépendants ont perdu leur emploi à cause des mandats de vaccination. En guise de protestation contre ces mandats, un convoi s’est organisé en amassant près de 4 millions $.
En partance de la Colombie-Britannique, il se dirige vers Ottawa en amalgamant d’autres chauffeurs tout au long de sa route. Les camionneurs ont parfaitement le droit de manifester, mais ce convoi en lui-même est futile et ne fera probablement pas une grande différence, sauf causer des perturbations dont personne n’a besoin en ce moment.
Il y a moins de deux ans, au début de la pandémie, on considérait les camionneurs comme des héros, mais ce mouvement de protestation pourrait miner considérablement leur image.
Les activités tout au long de la chaine d’approvisionnement se trouvent incroyablement agitées en ce moment, mais les consommateurs continueront de trouver le nécessaire parmi un choix de produits plus restreint. Avec tout ce qui se passe au sein de l’industrie du camionnage, s’attendre à la perfection à l’épicerie serait déraisonnable pour un certain temps.