Miles Muri, directeur de deux écoles du Conseil des écoles fransaskoises
NORTH BATTLEFORD -
Le Conseil des écoles fransaskoises a connu bien des remous au cours des dernières années. Au cœur de la tempête, un homme a accepté de relever le défi d’assurer la direction de deux petites écoles du nord de la province, distantes d’une centaine de kilomètres : l’école Père Mercure de North Battleford et l’école Sans fronti
ère de Lloydminster. L’Eau Vive a rencontré Miles Muri, un directeur
à la pointe de la technologie qui a su faire rimer distance avec confiance.
Eau Vive : Parlez-nous de votre parcours. Comment êtes-vous devenu directeur des écoles Père Mercure et Sans frontière?
Miles Muri : J’étais parmi les tous premiers à la création du CEF il y a vingt ans. J’ai travaillé un peu partout pendant ma carrière : à l’École canadienne-française de Saskatoon, aux services d’éducation à distance, j’ai aussi été conseiller pédagogique en technologie à Saskatoon, j’ai assuré la direction de l’école secondaire de Gravelbourg pendant deux ans. Mon poste de leader pédagogique en technologies pour tout le conseil a été supprimé pendant les compressions. C’est au printemps 2014 que j’ai pris la direction des écoles Père Mercure et Sans frontière et ça s‘est très bien passé. C‘est correct de gérer les turbulences quand on sait dans quoi on s’embarque et qu’on s’y attend. Il faut faire de son mieux pour changer ce qu’on peut et savoir ne pas mettre toutes ses énergies sur ce qu’on ne peut pas changer.
EV: Comment se passe la gestion de deux écoles?
M.M : L’orientation que j‘ai prise pour les deux écoles cette année, c‘est de mettre le focus sur un aspect spécifique de l‘enseignement et de l‘apprentissage. Nous avons ainsi bâti un projet de littératie, c’est gagnant dans n‘importe quelle école, c‘est ça notre job! On a synchronisé les stratégies préconisées dans les deux écoles dans toutes les classes en même temps. En hiver, un monsieur est venu avec un planétarium, donc on a eu une semaine de préparation avec une thématique sur l’espace : des histoires, des projets d‘art pour les plus petits, etc... Les élèves de Lloydminster ont pu venir ici et faire la visite du planétarium. Les enseignants avaient préparé des activités pour que les élèves travaillent avec leurs pairs.
EV : Durant l‘année, avez-vous réussi à faire un taux de présence équitable de 50% dans les deux écoles?
M.M : Non, ce n’est pas la structure qui a été mise en place. On avait une direction adjointe à Lloydminster et j‘étais là-bas minimum une fois par semaine, et plus selon les besoins, les activités etc… Beaucoup plus en début d‘année, puis les choses se sont mises en place.
EV : Comment les parents ont-ils accueilli cette organisation?
M.M : À Père Mercure, une fois que la grosse course de la rentrée a été terminée, j‘étais sur les lieux quatre jours par semaine. Mais bien sûr, je traitais des affaires pour les deux écoles en même temps aussi. Que je sois ici ou là, je réponds au besoin. De toute façon, je suis toujours disponible. Par téléphone, par courriel, je suis branché tout le temps. On s‘organise! Les parents passent par le secrétariat pour prendre rendez-vous et on s‘organise comme ça. Il n‘y a pas eu de problème particulier.
A l’école Sans frontière, c‘était un cas particulier vu le statut de l‘école. J‘ai vu beaucoup beaucoup de parents. Tôt dans l‘année, je me suis assuré d‘être disponible pour les rencontrer. On a aussi organisé des activités qui impliquaient les parents, pour les inviter à manger avec nous, les rencontrer, dire bonjour.
EV : Les parents étaient-ils inquiets, ou pas plus qu’à l‘habitude?
M.M : Quand même un peu. Mais ce n‘était à cause du fait que je n‘étais pas a l‘école tout le temps, c‘était plus des questions comme “Ça sera quoi le statut de l‘école l‘année prochaine?”
Ici, à Père Mercure, je n’ai pas eu ce genre d‘inquiétudes. Mon message c‘était “Voici ce sur quoi on va travailler! Je n‘ai pas de contrôle sur les affaires politiques, alors concentrons-nous sur ce qui est important pour vos enfants.”
EV : Et du côté des professeurs, quelle a été la réaction?
M.M : Je suis arrivé avec un certain bagage car je suis au CEF depuis longtemps. Avec les technologies, je connais pratiquement tous les professeurs. J‘ai été impliqué dans beaucoup de choses non seulement au niveau de la formation professionnelle, mais aussi des activités comme les Jeux du CEF, l‘Omnium de volley-ball, CEFOU. J’étais présent et actif dans toutes ces activités culturelles qui ont été organisées, et donc j‘ai eu la chance de rencontrer ces gens-là. Ils me connaissent déjà un peu. J’ai quand même, je l‘espère, une bonne réputation à ce niveau-là! Avec mes assises pédagogiques, je ne pars pas de zéro. Alors j’ai pu commencer en disant “Voici ce sur quoi on va travailler.” Certains sont venus me rencontrer. Dans les deux écoles, les professeurs étaient bien contents de pouvoir parler de pédagogie au lieu des inquiétudes et de la politique.
À Père Mercure, on a eu une série de directions intérimaires, et la dernière personne qui était là de façon permanente est tombée malade. Cette instabilité là a eu un effet sur la communauté et sur l’équipe. La première chose que j‘ai fait quand je suis arrivé: j‘ai promis de ne pas tomber malade et que je resterai jusqu’à la fin de l’année au moins.
EV : Quels sont les avantages et les inconvénients d‘être sur deux écoles? Vous avez été directeur d’autres écoles, qu‘est-ce que ca a changé pour vous?
M.M : Tout cas est différent, on vit avec les situations particulières de chaque école. Pour ce qui est de faire de la route, je fais beaucoup de route de toute façon car ma famille est toujours à Saskatoon, donc je pars pour toute la semaine.
L‘avantage pour les écoles, c‘est qu‘on peut travailler de consort. Ce sont de petites écoles, avec environ 70 élèves à North Battleford et une cinquantaine à Lloydminster. Les profs des deux écoles peuvent se parler, on peut échanger des stratégies, mettre des ressources en commun. Avec le projet de littératie, on a pu faire du développement professionnel en même temps, mettre en contact les jeunes des deux écoles, et ça c‘est tellement important pour des petites écoles.
Une fois qu’on passe les portes de l’école, il n‘y a pas une grande panoplie de services en français. Il y en a quelques uns, comme le Centre francophone des Battlefords et c‘est parfait. Mais on n’est pas à Montréal, c’est une réalité dans l’ouest canadien. Ce dont a besoin pour ces jeunes qui n’ont pas vu ce que c’est que de vivre dans une communauté franco-majoritaire, c’est de leur faire voir comment marche la communauté fransaskoise. Si c‘est juste moi et mes quatre amis de 5è année, ça ne vaut pas la peine. Mais plus on les met ensemble, mieux c‘est. Ça donne des relations d’amitié avec leurs pairs, et surtout cela donne un lien affectif à l‘expérience dans l’école. Si l’enfant se dit “Pendant ma vie scolaire, c‘était le fun de faire ça, on est allés aux Jeux et on a fait le volleyball. J‘ai rencontré mes amis de Saskatoon…”, à ce moment-là, l‘expérience scolaire devient un plus.
Si on regarde plus loin, avec la belle expérience que ces enfants vivent dans leur école maintenant, d‘ici 15 ans, quand eux aussi vont avoir des enfants, ils penseront “C‘est quoi la meilleure école pour mon enfant? Sais-tu, j‘ai eu une belle expérience dans cette école!” C‘est ça le lien affectif.
EV : Pour terminer, si vous pouviez changer une chose sur comment s‘est passée votre année à la tête de deux écoles?
M.M : J’ai beaucoup aimé mon expérience. Je ne passe pas beaucoup de temps à imaginer la perfection. Je passe du temps à travailler pour l‘amélioration. Ça a été plein de réussites, je suis bien content avec le projet de littératie et toutes les choses qu‘on a faites. La semaine sur l’espace, on a aussi fait une semaine Juste pour rire, on a eu du fun avec ça! C’était une nouvelle expérience qu‘on a rattaché à notre projet d’éducation. S’il fallait changer quelque chose, je ne vois vraiment pas quoi…