Joseph Yvon Thériault lors de la table ronde en compagnie des trois panélistes Martin Meunier, Lucie Hotte et Michel Bock
Photo: Alex Antonacci (2015)
Acadien d’origine et ancien étudiant et professeur de l’Université d’Ottawa, Joseph Yvon Thériault s’est questionné profondément sur ce qu’est devenue l’Amérique française, dans le cadre d’un congrès de la Fédération des sciences humaines à cette université.
La conférence a été organisée en soulignant les 400 ans de présence francophone en Amérique du Nord. Selon le Centre de la francophonie des Amériques, on retrouve aujourd’hui environ 20 millions de francophones sur le continent, soit 9 millions au Canada et 11 millions aux États-Unis.
D’amblée, le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en mondialisation, citoyenneté et démocratie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Joseph-Yvon Thériault, a souligné l’impact de la diversité francophone à travers le continent.
« Il y a des gens qui sont simplement locuteurs, exlique-t-il, d’autres ont immigré en Amérique du Nord et se sont directement intégrés à des communautés francophones et il y a les Québécois et les Acadiens qui sont des communautés qui veulent faire société. »
Les francophones de la Louisiane aux États-Unis sont aussi souvent oubliés. Joseph Yvon Thériault a rappelé que malgré la majorité anglaise dans le pays, ces derniers tentent, encore aujourd’hui, de conserver leur culture francophone, notamment par la musique : « Ils ne parlent presque plus français […] C’est une francophonie qui s’identifie moins par la langue, plus par la communauté, une communauté historique. » soutient-il.
Prise de Louisbourg
Construite au début du 18e siècle, l’imposante Forteresse de Louisbourg veillait sur la porte d’entrée de la Nouvelle-France à l’embouchure du Saint-Laurent. Sa destruction en 1758 a conclu la fin d’un chapitre de la présence française en Amérique.
Gravure allemande
De la colonisation à l’effondrement
Comment se fait-il que la communauté francophone se soit dispersée un peu partout à travers les provinces et territoires du Canada? Aussi membre de la Société royale du Canada, M. Thériault a tenté d’éclaircir la pensée de la centaine de personnes présents à sa conférence: « Après la grande période de la colonisation française, il y a eu une période qu’on pourrait appeler de territorialisation. C’est-à-dire une période où les francophones se sont repliés dans des lieux qui avaient été des châteaux forts de la francophonie. »
C’est à partir de 1960, que le portrait du Canada français a complètement changé lorsqu’il a été frappé par un évènement marquant de l’histoire du Québec. « Le Canada français avait comme rêve de créer la civilisation catholique française en Amérique, mais tout ça s’est effondré par la création de ce qu’on a appelé, au Québec, la Révolution tranquille. » explique M. Thériault. À ce moment-là, les provinces du Canada ont pris le contrôle des institutions que le clergé avait mis sur place durant la période de colonisation.
« C’est là qu’on a eu dans l’ancienne partie canadienne française et acadienne, une provincialisation des identités. Le Canada français est devenu le Québec, mais aussi les Franco-Ontariens, les Franco-Manitobains, les Fransaskois, les Acadiens, etc. et chaque unité a voulu rejouer le jeu du Canada français, soit de faire société. […] C’est ce qui s’est passé dans les 40-50 dernières années. »
Une culture sociétale?
Qu’en est-il maintenant de la francophonie canadienne face à cette fragmentation? À l’exception du Québec où la province est toujours impliquée dans un projet d’autonomie, Joseph Yvon Thériault évoque la difficulté d’implanter une société dans chacune des communautés francophones du Canada : « Faire société c’est d’avoir une littérature, une histoire, ses institutions, ses universités, c’est d’avoir un ensemble de choses requises qui fait que dans un monde moderne, on peut être une société. »
Le professeur Thériault propose donc aux différentes communautés francophones issues de l’ancien Canada français de contribuer à l’unisson à une culture sociétale autour de la langue de Molière. « Je ne dis pas qu’il faut reconstruire le Canada français, mais je crois qu’il faut reconstruire une certaine forme d’unité quelque part afin qu’il y ait une unité culturelle, explique-t-il.
« Si on veut que la francophonie ne soit pas qu’un héritage, une mémoire ou une identité, il faut qu’elle soit quelque part, qu’elle ait des liens entre elle. […] Il faut réapprendre à créer des ponts et répondre aux grandes exigences du monde moderne. » conclue-t-il.
Lorsque demandé par où il faudrait maintenant commencer, Joseph Yvon Thériault s’est esclaffé, puis s’est contenté de répondre : « Il faut commencer par en parler. »