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Halfbreed de Maria Campbell prend vie en parler fransaskois
Sarah Vennes-Ouellet
/ Catégories: Arts et culture, Littérature

Halfbreed de Maria Campbell prend vie en parler fransaskois

Les mémoires de Maria Campbell, Halfbreed, publiées pour la première fois en 1973, trouvent un nouveau souffle avec la sortie cet automne d’un livre audio réalisé à Saskatoon et ancré dans le français de la Saskatchewan des années 1940-1960. L’auteure Madeleine Blais-Dahlem, directrice créative du livre audio, revient sur la passion qui a entouré sa réalisation.

Halfbreed constitue l’un des premiers monuments de la littérature autochtone canadienne. Née dans le nord de la Saskatchewan, Maria Campbell y raconte son enfance et son expérience de femme métisse, marquées par la pauvreté, le racisme et l’oppression.

Si l’écrivaine dépeint une dure réalité, elle retranscrit aussi la chaleur et la joie de grandir au sein d’une famille affectueuse, avec la présence rassurante et inspirante de son arrière-grand-mère Cheechum.

En 2019, le récit avait été publié avec l’ajout de deux pages censurées dans les années 1970, relatant le viol de l’auteure alors âgée de 14 ans par un officier de la GRC. En 2021, les éditions Prise de parole, localisées à Sudbury, en avaient offert une traduction française par Charles Bender et Jean-Marc Dalpé.

Le fransaskois sollicité

C’est à partir de cette version que Madeleine Blais-Dahlem et Cindy Gaudet ont travaillé. « Lorsque la maison d’édition a parlé de créer un livre audio, Maria a insisté pour que cela se fasse en Saskatchewan par une équipe de son choix et que ce soit une adaptation fransaskoise-michif », souligne la directrice créative.

Ainsi, à la demande de l’auteure, l’adaptation audio a été réalisée avec la voix de Cindy Gaudet, une Franco-Métisse de la région de Bellevue, professeure au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta à Edmonton, et sous la direction créative de Madeleine Blais-Dahlem, auteure et dramaturge fransaskoise originaire de la région de Battleford.

Ayant entendu du michif du côté de sa mère pendant son enfance, Maria Campbell tenait à ce que le livre audio soit réalisé dans le français local et d’époque.

« Dans le contrat de Cindy Gaudet, il était bien indiqué qu’elle avait le droit d’ajuster le français écrit pour refléter les particularités du parler fransaskois et michif. Nous avons pris cela à cœur, parce que nous avons toutes les deux des liens personnels avec Maria », indique Madeleine Blais-Dahlem.

Pour ce faire, la narratrice et la directrice créative ont étudié le texte pendant 16 semaines, au gré de rendez-vous virtuels hebdomadaires, « où tout a été passé à l’oreille et comparé au texte original en anglais ». Le livre audio a ensuite été enregistré à Saskatoon.

Un travail sur la langue

« L’adaptation que nous avons créée est un reflet authentique du parler fransaskois des années 1940-1960 », assure la dramaturge de Battleford.

Le livre audio n’est donc pas une simple lecture de la traduction française de l’œuvre, mais plutôt une adaptation : « Il fallait que ça passe par l’oreille et que ça sonne comme on parle », explique la femme de lettres.

Le travail aura été colossal : « Pour chaque vingt pages de texte, il y a eu au moins cinq heures de travail de préparation. Est-ce que c’est un mot qu’on utilise en Saskatchewan ? Est-ce que ça passe dans la bouche de Cindy ? », rapporte la directrice créative du projet.

Cette dernière a pu s’appuyer sur le talent de la narratrice : « Cindy a une belle voix chaleureuse. Son corps est son instrument. Il faut que les phrases s’ajustent à son rythme et à sa prononciation. »

Malgré tout, quelques difficultés de traduction se sont trouvées sur le chemin. « Par exemple, le mot gopher est traduit par le mot marmotte. Cindy a vérifié auprès de ses relations métisses pour trouver le mot utilisé par les Métis dans le temps. Les mots qui avaient affaire avec la vie de tous les jours sont ceux qui avaient le plus souvent besoin d’un ajustement », détaille Madeleine Blais-Dahlem.

Une rencontre déterminante

Madeleine Blais-Dahlem a fait la rencontre de Maria Campbell en 1983. « Je l’ai rencontrée après avoir enseigné son livre à des étudiantes autochtones et métisses de mon école à North Battleford. Je m’étais dit qu’elles avaient besoin de lire ce livre-là. »

Deux des élèves ont par la suite rencontré l’auteure à un pow-wow à Saskatoon : « Maria les a invitées à Gabriel’s Landing, la maison de Gabriel Dumont, près de Batoche, achetée avec les revenus du livre Halfbreed. Je l’ai visitée avec les élèves et c’est pourquoi elle a pensé à moi pour le projet de livre audio », relate la Fransaskoise.

En outre, les relations de Maria Campbell avec la narratrice sont « beaucoup plus complexes et profondes ». « Cindy Gaudet est une métisse de la région de Bellevue. C’est une femme extraordinaire qui travaille dans la décolonisation de l’histoire et avec les femmes », précise Madeleine Blais-Dahlem.

Et d’ajouter : « Un livre audio est très intime. On raconte une histoire. Nous étions toutes les deux très au courant de l’importance de l’histoire de Maria dans la culture et la tradition métisses. Elle nous a confié une grande responsabilité. Quand j’ai discuté du projet avec mon frère, il m’a dit ‘Qui traduit, trahit !’. On ne voulait pas faire ça. On ne voulait pas trahir. »

Le livre audio Halfbreed est disponible sur plusieurs plateformes en ligne, dont celles de Narra Audio, Les libraires et Vues et Voix.


 

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