Brad Wall : l’heure du bilan
Le Premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall
À 51 ans, et après trois mandats successifs, Brad Wall est le doyen des premiers ministres provinciaux. Ce n’est pas rien. Suite à l’annonce de sa démission, l’heure est au bilan. Que peut-on retenir de ses dix ans à la tête du gouvernement saskatchewannais?
Il faut reconnaître que la Saskatchewan a bien changé pendant les années Wall. D’une province pauvre que l’on quittait elle est devenue une province riche où l’on vient s’installer. Mais il ne faut pas voir là l’œuvre d’un magicien de l’économie. La vague économique sur laquelle le gouvernement Wall a surfé avait déjà commencé avant son accession au pouvoir en 2007.
Lorsque Brad Wall est devenu premier ministre, les prix élevés du pétrole et des autres ressources alimentaient généreusement les coffres de la province. C’est bien plus facile d’être populaire quand l’argent coule à flots. Et allez hop, on paie la tournée, c’est la province qui l’offre. Les allègements fiscaux offerts par le Saskatchewan Party depuis 2007 se chiffrent à 6 milliards $. C’est du moins ce dont s’est vanté le ministre des finances, Kevin Doherty, dans une lettre au magazine Mclean’s au mois de juin dernier.
Mais voilà que récemment les prix des ressources se sont mis à chuter et la province s’est retrouvée avec des déficits assez salés depuis deux ans (1,2 milliard $ en 2016-17). Le gouvernement Wall s’est alors mis à sabrer dans de nombreux services à la population, les universités ont perdu 5% de leur financement et nous avons même perdu notre réseau provincial d’autobus interurbain. Come on Brad! Même dans des pays du tiers monde on peut se promener entre deux villes sans devoir sauter dans une voiture.
Afin de remplir les coffres, monsieur Wall a mis sur la table la privatisation des joyaux de la couronne. Elle a déjà commencé avec la vente des Liquor Store. Remarquez que dans mon coin, ça veut dire qu’il est maintenant ouvert le dimanche. Mais, bon, on avait quand même survécu jusque là. Mais cette privatisation privera la province d’environ 115 millions$ pendant les prochains 5 ans selon le Canadian Centre for Policy Alternatives. L’Alberta s’est vue privée de 1,5 milliards$ en revenus depuis la privatisation de ses magasins d’alcool en 1993.
La vision économique à court terme est une vision typique des gouvernements de droite comme celui de monsieur Wall. Leur approche s’apparente aux conseils d’administration des entreprises qui doivent éviter la grogne des actionnaires à chaque trimestre. La vente des sociétés de la couronne peut générer des liquidités dans l’immédiat, certes, mais nous prive de revenus stables à long terme. Pourquoi ne pas avoir profité des années fastes pour bâtir une réserve pour des jours plus sombres?
Sasktel a versé 134 millions $ dans les coffres de la province en 2016-17. Lorsque monsieur Wall parle de vendre 49% des parts dans cette société d’état, cela veut dire diminuer les revenus d’environ 66 millions$ par année en échange d’une injection de capital à court terme.
En 2014, l’ex première ministre québécoise, Pauline Marois, avait qualifié monsieur Wall de « ratoureux ». Il avait d’ailleurs lancé ses traducteurs sur le mot afin de savoir s’il devait être offusqué ou non. Et ratoureux, Brad Wall l’est! Il a attendu après sa réélection de 2016 pour dévoiler aux Saskatchewannais l’état lamentable de notre économie et annoncer que le prochain budget allait faire mal.
Au niveau de la francophonie, le directeur du Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan et la présidente de l’Assemblée communautaire fransaskoise ont été unanimes à déplorer le désengagement du gouvernement provincial dans les dossiers francophones. Ils ont raison. Mais c’est l’ensemble du social, du communautaire et du culturel dans la province qui a écopé pendant le règne Wall. Pas seulement les francophones.
Monsieur Wall demeure populaire auprès des gens qui épousent les valeurs de la droite et il y en a même qui aimeraient le voir faire le saut sur la scène fédérale. Les gens de l’industrie pétrolière, plus particulièrement, lui sont reconnaissants de s’être farouchement opposé au projet fédéral d’une taxe sur le carbone.
C’est en période difficile que les vrais leaders se démarquent. Est-ce à cause des sondages qui soulignent le déclin de sa popularité que monsieur Wall a décidé de quitter le navire? Ou préfère-t-il simplement laisser à d’autres la tâche de ramasser les pots cassés?
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