À quoi s’attendre d’Erin O’Toole, nouveau chef de l’opposition officielle?
FRANCOPRESSE – En remportant la course à la direction du Parti conservateur du Canada (PCC), Erin O’Toole devient par la même occasion chef de l’opposition officielle. Dans un contexte de gouvernement minoritaire, M. O’Toole pourrait prochainement devenir premier ministre du Canada. Langues officielles, COVID-19, et élections à l’automne? À quoi peut-on s’attendre d’Erin O’Toole?
Selon le politologue Frédéric Boily, du Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, les questions linguistiques ont été largement absentes de la campagne conservatrice, d’autant plus que certains des candidats ne parlaient «pas un mot de français».
Il serait donc étonnant que la modernisation de la Loi sur les langues officielles soit une priorité d’un gouvernement O’Toole. «Les conservateurs ne comptent pas sur les communautés francophones minoritaires comme des alliés… pour les conservateurs, c’est surtout le Québec, vu comme une entité, qui importe», ajoute Frédéric Boily.
Stéphanie Chouinard, professeure de science politique au Collège militaire royal du Canada, note que la plateforme du nouveau chef conservateur comportait une section sur les questions linguistiques, même si l’enjeu n’a pas été soulevé au cours de la campagne. O’Toole se dit favorable à une refonte de la Loi sur les langues officielles, et démontre une «sensibilité à certains enjeux linguistiques».
Ainsi, précise Stéphanie Chouinard, si Erin O’Toole préconise la privatisation de la CBC, il épargnerait la Société Radio-Canada à cause de son importance pour les communautés francophones.
En ce qui concerne la COVID-19, la professeure Chouinard croit que «M. O’Toole va faire attention de critiquer des dépenses superflues, mais ne va pas critiquer des programmes qui se sont avérés très populaires auprès de la population».
Selon elle, il est aussi peu probable qu’un gouvernement conservateur promette un retour à l’équilibre budgétaire au cours d’un premier exercice financier, étant donné la situation de crise.
Le discours d’Erin O’Toole sur la COVID-19 porte surtout sur le soutien aux petites et moyennes entreprises dans cette période de crise, rappelle Jim Farney, directeur du département de politiques et d’études internationales à l’Université de Régina.
Jim Farney ajoute que si M. O’Toole a parlé d’abolir la Prestation canadienne d’urgence (PCU), c’est dans une perspective à long terme, pour que le programme ne dérive pas vers l’instauration d’un revenu minimum garanti ou encore vers une réforme de l’assurance emploi.
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O’Toole, un présage d’élections automnales?
En conférence de presse, le 25 aout, Erin O’Toole a affirmé que les conservateurs étaient prêts à aller en élections, mais que sa priorité serait plutôt le «bienêtre des Canadiennes et Canadiens, pas une élection.»
Pour Frédéric Boily, Stéphanie Chouinard et Jim Farney, il est peu probable qu’un Parti conservateur mené par Erin O’Toole profite du discours du trône, à l’ouverture de la prochaine session parlementaire, le 23 septembre, pour renverser le gouvernement.
«Même si les conservateurs s’opposent au discours du trône, et la même chose du côté du Bloc québécois, la décision appartient aux néodémocrates» qui ne sont pas prêts à aller en élections, selon Frédéric Boily.
Une position partagée par Stéphanie Chouinard : «M. O’Toole n’anticipe pas des élections à l’automne, surtout compte tenu du fait que son caucus, même armé de tous les sièges bloquistes, ne sera pas suffisant pour faire tomber le gouvernement, et que le NPD semble prêt à appuyer le gouvernement.»
Selon la professeure Chouinard, les libéraux sont en négociations avec les néodémocrates pour que certaines de leurs priorités soient incluses dans le discours du trône. «Et les libéraux ont déjà annoncé que le retour aux Communes serait marqué par un plan vert, un plan ambitieux qui touche plusieurs des priorités sociales des Canadiens, donc j’ai l’impression qu’à la fois les verts et les néodémocrates vont y trouver leur compte», ajoute-t-elle.
Le seul scénario qui pourrait probablement mener à une élection serait que les libéraux décident que ce soit en leur faveur, précise Jim Farney. Le premier ministre pourrait demander la dissolution de la chambre à la gouverneure générale après avoir introduit une politique transformative extrêmement ambitieuse, un peu comme le Green New Deal aux États-Unis.
Le calcul, selon le professeur Farney, serait que le NPD se trouve présentement en très mauvaise posture et qu’une telle proposition permettrait aux libéraux de leur siphonner des votes au Canada anglais. La faiblesse du NPD permettrait donc aux libéraux de l’emporter face aux conservateurs. Cependant, ajoute-t-il, il s’agit d’un «scénario à haut risque, même s’il n’est pas entièrement impossible».
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