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Omar Khadr ou comment un dépliant de mon
 député a mis fin à mes vacances

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J’ai passé les vacances loin de cette chronique et de l’actualité. Et pourtant je n’aurais pas manqué de matière, les mauvaises nouvelles et situations tordues faisant souvent l’objet de ce Coup d’oeil.

C’est donc en touriste que j’ai suivi l’actualité: les frasques de Trump, les manifs de suprémacistes blancs un peu partout, la menace grandissante de la Corée du nord, les frasques de Trump, les dérapages d’Air Transat, les inondations, les feux de forêt, les ouragans, les frasques de Trump, les divisions dans la communauté, les compteurs de SaskPower qui prennent en feu, les attentats terroristes à Barcelone, Cambrils, Ouagadougou et ailleurs, 24 attentats depuis le 21 juin.

Ces nouvelles ont glissé sur ma bulle estivale comme de l’eau sur le dos d’un canard, ou presque. 

Mais la réalité finit toujours par nous rattraper. Cette fois, elle a pris la forme d’un dépliant que j’ai trouvé dans ma boîte postale, un dépliant de mon député, Tom Lukiwski pour ne pas le nommer, un dépliant sur lequel on peut lire – dans une mise en page digne d’Allô Police : Was Justin Trudeau WRONG for making a CONVICTED TERRORIST  a millionaire?

On aura compris que le « convicted terrorist » en question, c’est Omar Khadr. On se souviendra qu’au début de juillet, les ministres Ralph Goodale et Chrystia Freeland ont présenté, au nom du gouvernement du Canada, leurs excuses à l’ancien enfant-soldat. Les ministres n’ont cependant pas confirmé le paiement d’une somme de 10,5 millions de dollars, tel que rapporté dans les médias, expliquant que « les détails du règlement entre M. Khadr et le gouvernement sont confidentiels ».  

Dans une déclaration intitulée « Nous avons enfin vu la lumière ! », le lieutenant-général Roméo Dallaire (ret.) et Dr Shelly Whitman, le fondateur et la directrice générale de la Roméo Dallaire Child Soldiers Initiative, ont salué la décision du gouvernement. « Nous saluons cette décision (...) comme une étape importante visant à démontrer une approche qui fait de la défense des droits de l’enfant une priorité absolue ».

Est-ce l’énormité du chiffre qui a circulé, sont-ce les excuses présentées par le gouvernement ? Toujours est-il que ce règlement a suscité un débat très polarisant au sein de la société canadienne.

D’un côté, il y a ceux qui se sont réjouis de la décision, de l’autre ceux qui s’en sont indignés (et s’indignent encore). Il s’en trouve parmi les premiers, tel le cinéaste Patricio Henriques, coréalisateur d’un documentaire sur l’affaire Khadr, certains qui trouvent que le gouvernement devrait aller plus loin. « Malgré la réparation, on ne sait pas si les gens qui sont responsables pour les torts qu’il a subis seront pénalisés ».

Du côté des indignés, on estime, entre autres, que le dédommagement versé à M. Kadhr devrait plutôt être versé à la veuve du sergent américain, Christopher Speer, qui a été tué par une grenade que Khadr aurait lancée. Loin de moi l’idée de sous-estimer la peine de madame Speer. Mais, corrigez-moi si j’me trompe, il me semble que lorsqu’on s’enrôle dans l’armée et qu’on part à la guerre, il est possible qu’on n’en revienne pas. Est-ce que la famille de chaque soldat tombé au combat devrait recevoir une indemnité?

Oui, 10,5 millions (si c’est ce que Khadr a reçu), c’est beaucoup. Mais comment peut-on évaluer les traumatismes d’un enfant soldat privé de ses droits ? Khadr avait 11 ans lorsqu’il a été enrôlé par son père dans les rangs d’Al-Quaïda. Il en avait 15 au moment de sa capture, au moment où on l’a enfermé à Guantamo où il allait passer 10 ans. Pendant sa détention, le gouvernement canadien n’a pas agi conformément aux normes internationales relatives à la protection des enfants utilisés comme armes de guerre, et au mépris de la Charte des droits et libertés, comme l’ont conclu deux jugements de la Cour suprême.

En mai 2015, au moment de sa libération sous caution, Khadr a déclaré: « Il n’y a rien que je puisse faire pour le passé, mais j’espère faire quelque chose pour le futur. » Pour reprendre les mots de Roméo Dallaire, « le Canada peut et devrait se faire l’écho de ces paroles et trouver en celles-ci le ressort d’une action continue ». Le Canada a joué un rôle de premier plan dans l’élaboration et la promotion de la Convention relative aux droits de l’enfant entrée en vigueur en 2002 et ratifiée par 130 pays. La décision du gouvernement canadien est en accord avec l’esprit de la Convention.

 

Pour en savoir plus sur la saga d’Omar Khadr, voir “Omar Khadr – histoire d’un enfant soldat canadien”, l’Eau vive, 7 mai 2015

Pour en savoir plus sur les enfants soldats, lire «They Fight Like Soldiers, They Die Like Children » de Roméo Dallaire.