Assemblée générale extraordinaire de l'ACFR
Le président de l'Assemblée communautaire fransaskoise, Denis Simard, s'est dit désolé de constater la situation de fracture dans laquelle se trouve la communauté francophone de Regina.
Photo : Erik Tremblay (2019)
REGINA - L’Assemblée générale extraordinaire (AGE) de l’Association canadienne-française de Regina (ACFR), organisée ce samedi 4 mai au Carrefour Horizons, n’a pas été de tout repos. Différents membres ont pris la parole devant une petite centaine de personnes, spectateurs de débats aussi houleux que passionnés.
Les tensions étaient palpables lors de cette rencontre animée par Francine Proulx-Kenzle et Florent Bilodeau, dont les compétences en diplomatie et facilitation ont été mises à rude épreuve. Il faut dire que l’AGE, longue de plus de deux heures et demie, a connu beaucoup de remous et d’interventions.
« Le CA [conseil d’administration] de l’ACFR a traversé des difficultés à s’entendre sur la défense des intérêts de l’organisme et le respect des valeurs qui guident l’organisme », a démarré François Regis Kabahizi, président. Usage controversé des espaces communautaires, recommandations ignorées, accusations de harcèlement, dissensions… « Il faut qu’on se dise des vérités », a-t-il poursuivi.
Jean-Claude Hagerimana, président de la communauté burundaise de Regina, a posé le premier ses questions : « Quels sont les mandats et la vision de l’ACFR, et sa définition du fait français ? Est-ce qu’il faudrait qu’on renie notre langue maternelle première pour être défini comme francophone ou membre de l’ACFR ? Est-ce que, dans son mandat, l’ACFR a l’épanouissement de tous les francophones ou juste celui des Canadiens français ? »
Une francophonie fracturée
La question de l’inclusion était au cœur des débats. Selon Hughes Kandele et Vanessa Kimana, administrateurs, « ce sont juste quelques membres du CA qui véhiculent ce sentiment d’exclusion et de division en se basant sur la langue française. »
Afin de rassurer l’auditoire, le président de l’ACFR a réitéré les valeurs d’hospitalité, d’accueil chaleureux, et d’intégration des personnes ne parlant pas français. « L’ACFR favorise les relations interculturelles positives et constructives », a-t-il ponctué.
De son côté, Jean-Michel Ferré, secrétaire du CA, a souligné la différence entre membre et membre en règle. Le premier participe simplement aux activités de l’ACFR, et peut ne pas être francophone, tandis que le second, selon les règlements en place, doit payer la cotisation annuelle, parler couramment français, s’intéresser à la culture canadienne-française, et être domicilié à Regina ou dans les environs. « Un critère d’admissibilité n’est pas un critère d’exclusion », a-t-il ainsi défendu.
La dissolution du CA évitée
Marie-France Kenny, ex-présidente et membre de l’ACFR, est intervenue plusieurs fois lors de la rencontre, affichant son appui au changement de nom de l’ACFR pour mieux refléter la communauté actuelle, mais aussi pour rappeler que l’exigence de parler français garantissait des réunions et des débats de qualité. Des propos reçus de façon mitigée par certains spectateurs, dont Jean-Claude Hagerimana, jugeant ouvertement son intervention « d’hypocrisie ».
L’avocate Sophie Ferré a questionné le CA sur les trois plaintes d’intimidation qui auraient été déposées. « La plainte est dans les mains d’un avocat », a répondu Marcel Rachid, directeur de l’ACFR. Une réponse peu convaincante pour certains, tandis que Hughes Kandele contestait, lui, la réception même de ces trois plaintes.
Peu après, Marie-France Kenny a remis en cause la capacité à gouverner du CA en place. Sophie Ferré lui a alors emboité le pas en proposant sa dissolution, appuyée par une demi-douzaine de membres dans la salle. Après de longues minutes d’hésitations et d’incertitude quant aux procédures à suivre, le vote a finalement eu lieu, rejetant la proposition par 59 voix contre 30. Le conseil reste donc en place.
Malgré tout, le CA n’en sort pas indemne : Annie Audet et Jean-Michel Ferré ont tous deux démissionné, sous quelques applaudissements. « Malheureusement, de tous les CA où j’ai siégé, je n’ai jamais été témoin d’autant d’immaturité, de mauvaises compréhensions de gouvernance, et de manque de respect », a exposé ce dernier.
Quelques notes positives
Grand héros de la soirée, Laurier Gareau est intervenu pour enrichir la réflexion : « On a vécu le même débat il y a 100 ans. (…) Les gens ont dû apprendre à vivre ensemble, à développer une communauté unie. On revit la même situation aujourd’hui avec cette nouvelle immigration en grande partie de l’Afrique. (…) Pour moi, l’ACFR doit accueillir ces gens-là, les intégrer dans leur communauté, et aussi travailler très fort pour s’assurer que les jeunes de ces nouveaux immigrants ne perdent pas leur culture. » L’auteur et président des Éditions de la nouvelle plume a été chaudement applaudi, rejetant toutefois la proposition de rejoindre le CA.
Le directeur du Collège Mathieu, Francis Kasongo, a mis en garde l’assemblée : « Si les francophones ne travaillent pas fort, nous allons disparaître. La question de l’immigration, si c’est mal géré, c’est une bombe à retardement. » De son côté, Denis Simard, président de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF), s’est exprimé en fin de session, déçu par la situation : « Je regrette qu’on ne soit pas capables d’avoir un dialogue sain sur nos différences. » Il a en outre lancé un appel aux leaders communautaires pour « que la communauté fransaskoise devienne un exemple canadien par rapport à l’inclusion absolue ».
Le mot de la fin est revenu au président de l’ACFR, qui s’est montré confiant et a appelé à l’union : « Ensemble, nous y arriverons. » Les tensions seront-elles pour autant évacuées aussi facilement ?