Deux enseignants québécois mieux outillés par un séjour en Saskatchewan
Le 19 décembre 2014, Charles Bourgeois et Nancy Breton ont quitté l’école Monseigneur-de-Laval, Pavillon secondaire des Quatre Vents de Regina, après un séjour de six semaines. Ces deux étudiants en enseignement de l’Université de Sherbrooke au Québec ont réalisé un stage crédité dans le cadre du programme Stages en enseignement dans les communautés francophones de l’ Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF), en partenariat avec le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF).
La directrice de l’école Monseigneur-de-Laval, Sophie Marceau, a tenu à féliciter Nancy et Charles d’avoir pris l’initiative de faire un stage loin de leur chez-soi. La directrice a commenté : « Mme Breton et M. Bourgeois se sont très bien intégrés dans l’école. À chaque fois que j'entrais dans leur salle de classe, les élèves étaient à la tâche. Je pense que nos deux stagiaires de l'ACELF ont travaillé fort. Ils en ressortiront grandis! »
Rapport de stage de Charles Bourgeois
Charles Bourgeois, stagiaire de l'ACELF à Mgr de Laval en 2014
Ici, on parle français
Le temps file. Voilà quelques semaines que je me trouve en Saskatchewan pour faire un stage en milieu francophone minoritaire et, déjà, je dois rédiger un bilan de cette expérience unique. D'emblée, je voulais enseigner hors du Québec pour affronter un contexte nouveau. Assurément, j'aurai eu ce que je voulais en enseignant aux jeunes Fransaskois de l'école Monseigneur de Laval. Notez que « Fransaskois » est un mot-valise, donc un mot formé par la fusion des mots « francophones » et « Saskatchewanais » et qu'il fut créé pour désigner les habitants francophones de la Saskatchewan. Ces derniers se trouvent principalement à Regina, à Saskatoon, à Prince Albert et à North Battleford. Je l'avoue, avant ce stage, j'ignorais tout de cette communauté. Bref, en plus d'une expérience professionnelle, je vécus une expérience culturelle durant mon séjour en Saskatchewan.
Premières impressions
Le 10 novembre, j'entamai mon troisième stage à l'école Monseigneur de Laval. Cette école fait partie du Conseil des écoles fransaskoises, un organisme qui gère quinze écoles de la Saskatchewan; je l'aborderai plus longuement dans une autre partie de ce texte. L'école Monseigneur de Laval comporte deux pavillons. Le pavillon élémentaire comprend les élèves de la maternelle à la sixième année tandis que le pavillon secondaire regroupe les niveaux allant de la septième à la douzième année. Des services destinés particulièrement aux élèves de familles immigrantes et migrantes sont aussi disponibles. Ma première journée de stage se déroula durant une journée pédagogique, ce qui demeure une situation idéale pour tout stagiaire. De cette manière, je fis rapidement connaissance avec le personnel de l'école. Tout le monde m'accueillit chaleureusement. La gentillesse et la confiance du personnel de l'école furent les premières choses qui me frappèrent. Je constatai dès mon arrivée qu'il régnait à cette école une ambiance presque familiale. Par exemple, dans le journal étudiant, les élèves nous souhaitaient la bienvenue, à moi et ma collègue Nancy.
Oui, la communauté fransaskoise est unie, mais je crois que cette ambiance s'explique par la taille de l'école, qui n'accueille que cent-vingt élèves. Ce ne fut pas ma seule expérience dans une petite école. En 2012, j'avais fait mon premier stage au Collège Rivier de Coaticook, une ville du Québec, et j'avais pu observer à ce moment qu'une petite école créait une ambiance moins formelle qu'une grande école comme les polyvalentes au Québec.
Durant mon stage, j'enseignai à un groupe de dix-huit élèves pour un cours de français, à un autre groupe de dix élèves pour un cours de morale et à un groupe de trente élèves de huitième année. Je pose ce verdict sans équivoque : réduisons le nombre d’élèves par classe au Québec! Nous avons besoin de bonnes conditions d'apprentissage qui favoriseront la réussite de tous les élèves. Cette assertion s'applique dans un milieu francophone majoritaire comme le Québec, mais elle s'applique davantage dans un milieu où le français est la langue minoritaire. Sinon, au début de mon séjour en Saskatchewan, je remarquai rapidement l'hétérogénéité des groupes d'élèves fransaskois.
Certains élèves parlent et écrivent le français de manière remarquable, tandis que d'autres entreraient dans la catégorie des élèves dont le français est la langue seconde. Les intervenants de la communauté m'expliquèrent que le degré de maîtrise de la langue des jeunes dépendait fortement de leur milieu familial. Certains élèves ne parlent jamais français avec leur famille. Lorsque j'enseignais, je devais reconnaître la diversité des besoins d’apprentissage des élèves et je devais, plus que jamais, pratiquer une pédagogie différenciée. Je ralentis mon débit de parole dès le premier cours que je donnai et j'utilisai plus d'éléments visuels que je ne le faisais lors des stages précédents au Québec. J'ai aussi baissé mes standards de correction.
En d'autres mots, le processus de l'enseignement du contenu fut modifié, mais le contenu lui-même le fut, car je donnai à certains élèves la chance de reprendre un examen. En effet, parfois, le contexte d'enseignement ne favorise pas la mise en place d'un examen. Pendant ce stage, je compris réellement ce que signifie le terme « différenciation pédagogique », qui ne restait qu'un terme théorique vague employé par la Faculté d'éducation de Sherbrooke. J'ai développé cette attitude progressivement en observant les enseignants de l'école. Ils sont impliqués dans la réussite de leurs élèves. À ma surprise, je constatai, après quelques jours, que le reste de la communauté participe activement à la vie scolaire.
Un peu d'histoire
Avant d'aborder la communauté et des défis à relever pour les enseignants fransaskois, un voyage dans le temps s'impose. D'entrée de jeu, ce stage me permit de me familiariser avec une communauté qui m'était inconnue, mais qui possède une histoire qui mérite qu'on s'y attarde. Qui sont les Fransaskois? Je l'ai déjà mentionné, un Fransaskois est un individu qui s'identifie à la communauté francophone de la Saskatchewan, que ce soit par sa naissance, par le mariage ou par l'intégration pure. Les Fransaskois représentent environ 2 % de la population de la province de la Saskatchewan.
À l'origine, le territoire de la Saskatchewan, comme les autres territoires du Canada, était peuplé de communautés autochtones comme les Assiniboines, les Cris et les Tchipewyans, mais il fut colonisé par les Français, notamment par la construction du Fort de La Corne par l'officier Louis de La Corne en 1752. Déjà, à cette époque, les colons pratiquaient la culture du blé en Saskatchewan. Par la suite, des coureurs des bois ont parcouru le territoire à la recherche de fourrures et se sont mariés avec des Amérindiennes, donnant naissance à un peuple métis. Par contre, ce n'est qu'avec l’arrivée du chemin de fer, à la fin du dix-neuvième siècle que l’immigration a vraiment pris de l’ampleur dans cette région et que les premières familles ont pu s'installer. La Saskatchewan ne devint une province du Canada qu'en 1905.
La communauté francophone continuera d'exister jusqu'à aujourd'hui. Les Fransaskois possèdent même leur drapeau. Le drapeau arbore trois couleurs. Le fond jaune symbolise les champs de blé de la Saskatchewan; la croix verte représente la forêt boréale située au nord de la province et rappelle le rôle de l'Église catholique dans le peuplement des peuples francophones à l'époque de la Nouvelle-France. Le rouge de la fleur de lys, quant à lui, symbolise le fait français en Saskatchewan. La fleur de lys reprend la forme que Louis Riel avait utilisée sur le drapeau lors des résistances métisses.
C'est une chose que j'appris lors de mon voyage : si la mémoire de Louis Riel n'est pas célébrée au Québec, elle est considérée comme importante par les Fransaskois. Héros ou traître selon votre allégeance politique, Louis Riel a mené la résistance des Métis francophones jusqu'en 1885, année où il fut pendu à Regina. À ce sujet, à mon arrivée à Regina, j'ai pu assister à une commémoration de la mémoire de Riel. Ce dernier symbolise les affrontements entre les Métis, qui comprennent les Amérindiens et les Canadiens français, et les Canadiens anglais de l'époque. Par exemple, lors de l'exécution de Riel, le gouvernement de John Macdonald fut inondé de lettres de Québécois voyant en Riel l'exemple de la minorité francophone opprimée par les anglophones protestants. Tout cela pour dire que, à la fin du 19e siècle, le français est de plus en plus marginalisé dans la Saskatchewan.
Les batailles pour le fait français reprendront beaucoup lors de l'adoption de La Charte canadienne des droits et libertés en 1982 par Pierre-Eliott Trudeau. La charte permettra aux Fransaskois de faire valoir leurs droits juridiques, et l'Association des parents fransaskois sera fondée en 1982 pour cette raison. Dès sa création, elle entreprend une lutte juridique afin de faire reconnaître le droit de gestion des écoles. Il faudra attendre jusqu'en 1988 pour que la Cour suprême du Canada donne raison aux francophones de la Saskatchewan. À la suite de cette victoire, le pavillon de l'Institut linguistique est inauguré à l'Université de Regina en 1989. La création du Conseil des écoles fransaskoises se fait en 1995 à la suite de l'amendement de la loi fait deux ans plus tôt. Cela mit un terme à une longue bataille historique concernant la légalisation de l’enseignement du français en Saskatchewan. Voilà pourquoi les conseils scolaires fransaskois n'existent que depuis 20 ans.
Un combat toujours actuel
À mon arrivée, je constatai rapidement que la protection du français en Saskatchewan demeure un combat de tous les instants. Ce combat passe nécessairement par l'éducation, et les enseignants de l'école se font un devoir de rappeler aux jeunes de parler en français. Les enseignants doivent forcer les jeunes de l'école à le faire, car, comme ceux du Québec, ils consomment majoritairement de la culture anglophone. Par contre, la différence fondamentale entre ces étudiants et ceux du Québec demeure que, entre eux, les élèves fransaskois parlent plus naturellement en anglais qu’en français. L'expression « passeur culturel », énoncée par Jean-Michel Zakhartchouk, un essayiste de l'éducation, prend toute sa signification dans un contexte d'enseignement en milieu minoritaire. En effet, comme au Québec, les Fransaskois développent des habiletés, des connaissances et des attitudes dans les trois domaines d’utilisation de la langue: la communication orale, la lecture et l’écriture.
Ces trois domaines s'intègrent dans un cadre plus vaste, c'est-à-dire le domaine de la culture et de l'identité. La communauté fransaskoise accorde énormément d'importance à la vitalité de sa culture, une culture pouvant être noyée dans l'océan anglophone si les gens ne font pas valoir leurs droits. L'apprentissage de la langue se déroule donc dans des contextes culturels authentiques et signifiants pour les élèves. Dans une optique de préservation de la langue française, le développement d'une communauté unie prend tout son sens.
Une communauté unie
Lors de la rédaction de mon premier texte, j'émis l'hypothèse que, dans une petite communauté qui doit défendre ses droits linguistiques, les liens entre les gens doivent être plus forts. Les premières journées de mon stage confirmèrent rapidement cette thèse. D'ailleurs, le programme de formation de l'école fransaskoise parle « d'une relation symbiotique entre la communauté, le foyer et l’école » qui doit être vue « comme faisant partie d’un objectif plus large, qui est celui de la transmission du savoir, des valeurs et de l’héritage centré sur l’élève et sur son développement comme individu ».
Cette communauté donne réellement un sens au mot engagement. Pour préserver leur identité francophone et pour répondre à leurs besoins, les Fransaskois ont mis en place, au fil des années, de nombreux organismes, dont je dresserai le portrait rapidement. Je vous invite à vous informer davantage sur la manière dont ils assurent la vitalité de la langue et de la culture.
Tout d'abord, nous avons le Conseil des écoles fransaskoises, que j'ai déjà mentionné. Seul conseil scolaire de langue française en Saskatchewan, le CÉF regroupe quinze écoles francophones à travers la Saskatchewan et assure la scolarisation des élèves francophones de la maternelle jusqu'à la douzième année. Les élèves vivent en français au quotidien dans leurs écoles, même si, grâce aux cours d'anglais, ils terminent leurs études avec un bilinguisme qui leur permettra d'effectuer des études universitaires. Le Conseil des écoles fransaskoises veut former des élèves francophones, mais il est aussi conscient des besoins du marché du travail. L'anglais reste la langue des affaires en Saskatchewan. Les écoles membres valorisent une culture de l'excellence et un partenariat entre le foyer et l'école.
Ensuite, il y a l'organisme faisant office de porte-parole de la communauté. Il se nomme le Conseil culturel fransaskois (CCF). Le CCF est reconnu et respecté des instances gouvernementales tant fédérales que provinciales. Le Conseil culturel fransaskois s’engage à fournir un appui à la communauté fransaskoise dans son développement artistique et culturel. Il voit à l’intégration de la culture dans les écoles fransaskoises et facilite la diffusion de spectacles dans les communautés et offre des formations artistiques.
Quant à lui, le Conseil de la Coopération de la Saskatchewan (CCS) est le porte-parole du développement économique de la communauté fransaskoise. Le CCS offre des programmes et des services afin de répondre aux besoins de la communauté fransaskoise. Le CCS compte 3 bureaux en Saskatchewan : à Prince Albert, à Regina et à Saskatoon.
Finalement, je ne peux pas oublier l’Institut français, qui se trouve à l'Université de Regina et que j'ai eu la chance de visiter. L'Institut français répond aux besoins la communauté universitaire fransaskoise en offrant des cours en français et en soutenant le développement de la recherche sur les enjeux propres à la francophonie en milieu minoritaire. L'Institut français offre également un environnement francophone sur le campus de l'Université de Regina.
Grâce à la coopération de ces organismes et à la volonté des Fransaskois, le français demeure vivant en Saskatchewan. En tant que francophone, je ne peux que saluer ces initiatives. Les différentes cultures constituent la richesse collective des provinces et des pays. La Saskatchewan n'est que plus riche grâce à la diversité qu'amènent les francophones.
Une expérience enrichissante
Durant ce stage, je pris quelques photos, mais les plus belles images demeureront mes souvenirs de cette expérience professionnelle, culturelle et personnelle enrichissante. J'ai évolué grâce à ce stage. Au départ, quand je décidai de partir, je le fis pour me mettre en danger. Avec le recul, j'aurai regretté de ne pas l'avoir fait. Un vieux proverbe indien nous dit que celui qui n'ose pas ne doit pas se plaindre de sa malchance. J'ai adopté, il y a quelque temps, cette philosophie qui me pousse à prendre des risques. Lors de ce stage, je suis devenu plus autonome surtout parce qu'il n'y a pas de manuel dans ces écoles; je dus créer mon propre matériel didactique. Ce fut plus de travail, mais c'est tellement plus efficace. Tu peux créer du matériel adapté à ta classe. Tous les groupes sont différents, mais le manuel prône une uniformité des exercices qui est, selon moi, moins efficace pour répondre aux besoins spécifiques des élèves. À la fin, n'est-ce pas ce que l'enseignant doit viser? Le manuel peut servir de point de départ, mais il ne doit pas devenir une bible.
Pour conclure, avant ce stage, je me définissais comme un étudiant en enseignement du français au secondaire. Aujourd'hui, je me présente comme étant un enseignant en formation et je garderai ce titre pendant longtemps. Honnêtement, je garderai ce titre jusqu'à ma retraite, car je n'arrêterai pas d'en apprendre sur l'enseignement. En côtoyant mon enseignant associé, j'ai compris que l'expérience ne s'achète pas et que les défis forgent notre personnalité. Donc, saisissez toutes les chances qui s'offrent à vous!
Rapport de stage de Nancy Breton
Nancy Breton, stagiaire de l'ACELF à Mgr de Laval en 2014
Les péripéties d'un stage, version fransaskoise
Mon stage se déroule à l’école Monseigneur-de-Laval de Regina, en Saskatchewan. C’est un endroit très différent des écoles du Québec, car il s’agit de la seule école francophone à Regina, une ville anglophone. Les élèves connaissent donc deux réalités : celle de leur école et celle de leur ville. Ils sont donc tous bilingues. J’y reviendrai plus loin dans le texte. Avant cela, je partagerai mes expériences et impressions concernant la réalité de l’école Monseigneur-de-Laval. J’arriverai ensuite à l’identité des élèves dans ce milieu particulier. Enfin, je dresserai un bilan de mon expérience de stage.
Monseigneur-de-Laval : une école francophone en milieu anglophone saskatchewannais
Commençons avec le commencement. L’école Monseigneur-de-Laval est la seule école francophone de Regina, dont la population fransaskoise (les francophones de la Saskatchewan) correspond à moins de 1 % des habitants de la ville. Très peu d’élèves y étudient, proportionnellement à tous les jeunes de la capitale. Cette école a deux pavillons : le pavillon élémentaire (1re à 6e année) et le pavillon secondaire (7e à 12e année). Un peu plus de 100 élèves fréquentent le Pavillon secondaire des Quatre-Vents, dans lequel je suis en stage. J’enseigne le programme fransaskois de sciences sociales aux élèves de 9e, 10e et 11e année.
Mes premières impressions en arrivant dans cette école ont été l’ouverture des membres du personnel et les difficultés des élèves à penser à s’exprimer en français dans l’école et dans les classes. Les membres du personnel qui m’ont accueillie ont été très chaleureux. Ils m’ont tous souhaité la bienvenue. J’ai été frappée de constater à quel point il régnait une bonne entente dans le salon du personnel. Tout le monde se connaît et se parle avec amitié.
Bien sûr, ils sont tous dans la même situation (enseignement minoritaire en milieu francophone), ce qui crée un lien en soi. Tous les élèves se font appeler par leur prénom et connaissent tous les enseignants. Il y a une ambiance particulière dans cette école, qui m’incite à m’impliquer et à créer une relation autant avec les élèves que le personnel. Il va sans dire que la grosseur des classes (18, 20 et 25 élèves) favorise un contact rapide et facile avec chaque élève. Ma deuxième impression importante a été l’expression en français des élèves.
Si le personnel dit et répète constamment de parler en français dans l’école, plusieurs élèves ne le font que quand on s’approche d’eux. Ils sont bilingues, c’est vrai, mais ils ont souvent tendance à parler en anglais, même si on leur répète souvent qu’ils sont dans une école francophone. Ils comprennent cependant très bien quand on leur parle en français et répondent aux questions dans la langue de Molière pendant les cours. C’est pendant les travaux d’équipe ou les pauses que l’anglais refait surface rapidement. Je crois que c’est l’un des défis les plus importants auxquels doivent faire face les écoles francophones situées en milieu anglophone.
Le conseil scolaire francophone de la Saskatchewan, le Conseil des écoles fransaskoises, a donc comme rôle de promouvoir la langue française dans la province et, surtout, auprès de leurs 14 écoles réparties sur son territoire. La Saskatchewan a longtemps été une province dans laquelle seul l’anglais était permis dans le monde de l’éducation. Il a fallu attendre les années 1990 avant que le français soit reconnu en tant que deuxième langue d’enseignement. Ce sont les revendications des Fransaskois, qui sont allés jusqu’en Cour suprême pour faire valoir leurs droits, qui ont permis cette avancée en Saskatchewan. Le Conseil des écoles fransaskoises a donc vu le jour en 1995. C’est à Gravelbourg que la première école francophone a été créée dans la province. Toutes les écoles du conseil ne regroupent que peu d’élèves.
Dans l’école Monseigneur-de-Laval, le personnel essaie de sensibiliser les élèves à l’importance du français dans la vie et dans la culture saskatchewanaise. Pour ce faire, il utilise plusieurs moyens.
Le premier est de donner tous les cours en français. En effet, dans l’école, les élèves étudient en français dans toutes leurs classes. C’est une façon de les mettre en contact avec cette langue et de leur faire apprendre des concepts relatifs à chaque matière.
Deuxième moyen : parler aux élèves en français à toutes les occasions où quelque chose doit être communiqué. Le personnel parle toujours en français aux élèves : dans les corridors, près des casiers, dans la cafétéria, dans le gymnase, etc. Cela a pour but de faire comprendre aux élèves que ce n’est pas qu’en classe qu’il faut parler français, mais partout!
Finalement, le troisième moyen employé par le personnel pour sensibiliser les élèves à l’importance du français est de leur rappeler de parler français dès qu’il les entend parler dans une autre langue (celle de Shakespeare en général).
C’est bien différent des écoles québécoises, car, dans ces dernières, le français est acquis : la société du Québec étant majoritairement francophone, il n’est pas nécessaire de se battre pour inciter les élèves à utiliser la langue de Molière. Le milieu francophone minoritaire de la Saskatchewan doit continuellement revendiquer ses droits auprès des instances gouvernementales municipales et provinciales. C’est la même chose dans les écoles, mais cette fois, c’est auprès des élèves.
L’identité francophone des élèves de Monseigneur-de-Laval
Le dernier paragraphe annonce bien celui-ci. Le milieu minoritaire francophone de la Saskatchewan a une influence sur l’identité des jeunes de l’école Monseigneur-de-Laval, une très grande influence même.
D’après mes observations, plusieurs élèves de l’école dans laquelle je fais mon stage ont certaines difficultés à parler en français. De façon générale, ils sont cependant parfaitement bilingues. Il y a les deux côtés de la médaille. Certains parlent français sans que nous ayons à leur demander. Pour eux, cette langue, qui est souvent leur langue première, revêt une importance particulière, je crois. Cependant, d’autres parlent la plupart du temps en anglais et ils ne parlent en français que si on leur demande de le faire et si on reste à côté d’eux. Sinon, la langue de Shakespeare revient vite dans leur bouche. Pour ces derniers, le français n’est probablement pas d’une importance capitale dans leur milieu de vie.
Je crois que plusieurs facteurs influencent les élèves dans la construction de leur identité par rapport au français. Il y a des facteurs internes (à l’école), des facteurs externes (à l’extérieur de l’école) et des facteurs intrinsèques (propres à chaque élève).
Parmi les facteurs internes, le plus important est sans doute la place de choix accordée au français dans l’école : tous les membres du personnel se font un devoir de parler en français aux élèves et de leur rappeler de le faire aussi entre eux partout dans l’école. Il y a également le fait que l’école est francophone, donc tous les cours et toutes les ressources documentaires sont en français. Les élèves évoluent donc près de 8 heures par jour dans un milieu francophone. Cela les influence certainement, du moins pour quelques-uns, à utiliser cette langue dans leur établissement scolaire.
Les facteurs externes comprennent notamment l’importance accordée au français dans la famille de l’élève. Je crois que si les communications à la maison se produisent en français, les élèves seront plus habitués et enclins à utiliser cette langue dans leurs propres communications lorsqu’ils savent que leur interlocuteur les comprendra (ce qui inclut l’école). Cependant, si la famille du jeune s’exprime en anglais chez lui, il ne verra pas nécessairement l’utilité de parler une autre langue, même s’il devrait le faire à l’école, car il ne reçoit aucun exemple d’elle.
Un autre facteur externe est le fait que la ville de Regina soit unilingue anglophone. Ainsi, dès que l’élève sort de l’école et fait une quelconque autre activité dans son quotidien (aller au restaurant, au cinéma, au magasin, travailler, faire du sport, etc.), il n’a pas le choix de s’exprimer en anglais, sinon il ne sera pas compris. D’ailleurs, l’un des élèves de mon groupe de 9e m’a dit clairement, une fois où je lui ai demandé de parler en français en classe, que cette langue ne servait à rien, car selon lui, il y avait 99 % des chances que son futur métier se déroule en anglais. Il s’agit là d’un exemple de facteurs intrinsèques à l’élève lui-même : la vision qu’il a de l’utilité de la langue de Molière dans sa vie quotidienne ou pour son futur.
Il devient très difficile de sensibiliser les élèves à l’importance de parler la langue officielle de l’école Monseigneur-de-Laval quand ils pensent de cette façon. Il faut tout de même essayer et leur mentionner que le fait d’être bilingue, dans un pays officiellement bilingue d’ailleurs, ne peut que leur apporter des avantages et leur ouvrir des portes qui resteraient fermées s’ils ne maîtrisaient que l’anglais.
Bilan de mon stage en milieu enrichissant
D’abord, je crois que ce stage m’a apporté beaucoup en ce qui concerne mon ouverture face à la situation du français ailleurs au Canada. Évidemment, avant d’arriver en Saskatchewan, j’étais bien consciente qu’il y avait des communautés et des écoles francophones dans toutes les provinces du Canada, mais puisque je n’avais jamais voyagé dans mon pays, j’ignorais tout de leur contexte particulier. À vrai dire, je ne connaissais que la réalité scolaire du Québec, car c’est dans celle-là que je baigne depuis que j’ai l’âge de fréquenter l’école. Je voulais donc découvrir une autre réalité qui me permettrait de m’ouvrir davantage sur le français au Canada et de comprendre les enjeux qui le maintiennent en vie. Je dois avouer que mon stage à l’école Monseigneur-de-Laval m’en a appris énormément là-dessus.
J’ai pu comprendre que le français n’est pas vivant qu’au Québec et que ce ne sont pas que des Québécois qui le maintiennent en tant que langue officielle du Canada. Il y a des communautés francophones bien en place dans les autres provinces. Par exemple, la Saskatchewan comprend les Fransaskois, qui sont les francophones nés dans cette province. Ils ont d’ailleurs fondé plusieurs organismes voués à la protection et à la diffusion de cette langue. Je pense notamment au Conseil des écoles fransaskoises, bien sûr, mais aussi à de nombreux autres regroupements. Il y a entre autres la Société historique de la Saskatchewan, qui s’intéresse particulièrement à l’histoire des francophones dans cette province, L’eau vive, un journal francophone distribué à tous ceux qui le veulent, l’Assemblée communautaire fransaskoise, qui offre de l’aide pour trouver des emplois en français en Saskatchewan, et j’en passe...
En plus des Fransaskois, la Saskatchewan peut compter sur un autre phénomène qui lui apporte des gens parlant en français : l’immigration. En effet, mon stage m’a permis de constater que plusieurs familles ont quitté leur pays natal pour venir s’installer à Regina. J’ai notamment des élèves qui proviennent de pays africains francophones (Sénégal, Côte-d’Ivoire, etc.) et même l’enseignant avec qui je suis jumelée pour mon stage est d’origine sénégalaise.
Finalement, je peux conclure en affirmant que mon stage à l’école Monseigneur-de-Laval de Regina, en Saskatchewan, m’a ouvert les yeux sur une réalité francophone que je ne connaissais pas du tout. J’ai adoré mon expérience, qui m’a permis de découvrir tellement de choses, autant au niveau scolaire (cursus scolaire différent, mais mettant un accent très net sur l’importance du français) que communautaire (vitalité du français dans l’Ouest canadien) ou professionnel (quantité limitée de ressources pour préparer et donner des cours). Si j’avais à retourner dans le temps et à refaire ma demande pour mon troisième stage en enseignement, il n’y a pas l’ombre du début d’un doute que mon premier choix serait d’aller dans une autre province que le Québec et je dirais même que, si j’avais le choix, je voudrais retourner à l’école Monseigneur-de-Laval.
Cette expérience a été tellement enrichissante et formatrice que je n’hésiterais pas à la recommander à quiconque se demande s’il doit quitter sa province d’études pour aller faire une partie de sa formation dans un milieu qu’il ne connaît pas. De mon côté, j’aimerais vraiment avoir la chance d’enseigner dans un milieu minoritaire francophone quand j’aurai terminé mes études. La langue française est un cadeau qu’il faut partager avec ceux qui y croient.
Autres témoignages des stagiaires ou informations sur le programme :
http://www.acelf.ca/stages-enseignement/stagiaires.php
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(ACELF)
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