Presse écrite en péril: Appel au gouvernement Trudeau
Lettre signée par des dizaines d'organismes et personalités
À Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien,
Bill Morneau, ministre des Finances,
Navdeep Bains, ministre de l’Innovation, des Sciences et du Developpement économique
La presse écrite vit actuellement la plus grande crise de son histoire. L’enjeu est simple : si rien n’est fait, de nombreux journaux, imprimés ou numériques, pourraient cesser leurs activités dans un avenir rapproché. Dans ce contexte, nous réclamons du gouvernement fédéral des mesures urgentes afin d’assurer l’avenir d’une information journalistique de qualité au pays. Il en va de la santé de notre démocratie.
Les géants du Web tels que Google et Facebook utilisent les contenus produits à grands frais par les journaux tout en vampirisant leurs indispensables revenus publicitaires. Pour les géants du Web, c’est tout bénéfice ; pour les journaux, c’est une double perte. Cette réalité est insoutenable et nous n’avons plus le luxe du temps.
Déjà, cette crise des médias a entraîné la perte de milliers d’emplois au Canada en dix ans. Au Québec, 43 % des emplois du secteur ont été perdus entre 2009 et 2015. Cette saignée se poursuit et risque de s’accentuer sans une action immédiate de nos gouvernements. Bien que les chercheurs et les observateurs des médias, ainsi que de nombreux représentants du secteur (tant patronaux que syndicaux) aient sonné l’alarme depuis fort longtemps, nous sommes arrivés à un point de non-retour et il nous faut mesurer les conséquences de ce laisser-faire inquiétant.
Pilier de la démocratie
Au cours des dernières semaines, le gouvernement Trudeau a pris des décisions fortement contestées, qui sont favorables à certaines multinationales du divertissement et du Web, sans manifester son intention de protéger nos médias écrits. Pourtant, depuis le début de son mandat, le gouvernement Trudeau a démontré l’importance qu’il accorde à l’information journalistique, notamment en rétablissant le financement de Radio-Canada à ce qu’il était avant les coupes du gouvernement Harper. Le Parlement a aussi amélioré la protection des sources journalistiques.
Nous comprenons que le gouvernement fédéral s’intéresse aux acteurs de la « nouvelle économie », mais il nous est incompréhensible qu’il ignore les avis d’experts, qu’il a lui-même commandés, et qu’il refuse d’apporter son soutien à la presse écrite. Il s’agit pourtant de l’un des seuls secteurs culturels à n’avoir jamais été subventionné par des fonds publics, alors que la nécessité d’un tel soutien est évidente. Le Canada est-il prêt à laisser mourir ce pilier de la démocratie ?
En cette ère de fausses nouvelles et de propagande, le meilleur rempart contre cette tendance inquiétante demeure la collecte rigoureuse d’informations et les véritables enquêtes journalistiques. Celles-ci peuvent ébranler les colonnes du pouvoir, jeter la lumière sur la corruption et les abus ou encore participer à des changements sociaux nécessaires. On n’a qu’à penser aux scandales des Paradise Papers et des violences sexuelles ou encore à la crise des changements climatiques. Nos médias écrits sont le fer de lance de l’information partout au Canada et des éveilleurs de conscience indispensables. Ils alimentent les bulletins de nouvelles, les émissions de télé et de radio et suscitent de nombreux débats, que ce soit à l’Assemblée nationale ou dans l’ensemble de la société. En région, ils représentent parfois les seules sources d’information pour la population et deviennent les principaux relais entre les gouvernements, les citoyens et la vie des communautés.
Liberté de presse
Certains s’inquiètent qu’une aide gouvernementale aux médias vienne entraver la liberté de presse et la nécessaire indépendance des salles de rédaction. Pourtant, l’exemple de Radio-Canada démontre clairement qu’un financement public est possible sans brimer ces éléments fondamentaux. D’autres se soucient qu’on vienne enrichir indirectement des entreprises milliardaires, mais la question est ailleurs. L’érosion constante des revenus publicitaires depuis près de dix ans menace la poursuite des activités de nos quotidiens et hebdomadaires, qu’ils soient indépendants ou liés à de grandes entreprises. Cette réalité nuit à leur capacité de poursuivre leur mission d’informer la population. La disparition de ces médias serait une grande perte pour l’ensemble de nos communautés tant sur les plans culturel, social et politique que sur le plan économique.
Ne rien faire reviendrait à remettre les clés de notre démocratie entre les mains des géants américains, eux qui ne semblent se préoccuper ni de la qualité de l’information produite au Canada ni d’une contribution équitable sur le plan fiscal. Nous interpelons donc le premier ministre Trudeau, le ministre des Finances, Bill Morneau, et la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, afin d’implanter des mesures d’urgence de soutien de la presse écrite telles que des crédits d’impôt sur la masse salariale, comme nous le faisons déjà depuis de nombreuses années pour attirer les entreprises de l’intelligence artificielle et des hautes technologies, le temps de trouver des solutions pérennes pour l’ère numérique.
- Pascale Saint-Onge, présidente, Fédération nationale des communications (CSN)
- Jacques Létourneau, président CSN
- Alain Saulnier, professeur invité, Département de communication et professeur de journalisme à l’Université de Montréal, ancien président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, ancien directeur général de l’information à Radio-Canada
- Alexandre Taillefer, entrepreneur et homme d’affaires
- André Noël, ancien journaliste à La Presse, enquêteur pour la commission Charbonneau
- Boucar Diouf, biologiste, océanographe, humoriste, conteur, chroniqueur et animateur de télévision
- Camil Bouchard, homme politique et psychologue
- Christiane Germain, coprésidente et cofondatrice du Groupe Germain
- Daniel Gélinas, homme d'affaires et un producteur de spectacles québécois
- Denis Trottier, député de Roberval 2007-2014
- Fred Pellerin, un conteur, écrivain, scénariste et chanteur
- Fred Savard, acteur, guitariste et humoriste
- Geneviève Petterson, écrivaine, chroniqueuse et scénariste
- Gilles Duceppe, homme politique
- Jean-Hugues Roy, professeur de journalisme à l’UQAM
- Jean-Marie de Konink, mathématicien et professeur à l'Université Laval
- Jean-Martin Aussant, économiste, musicien et homme politique
- Marc Labrèche, humoriste, acteur et animateur de télévision
- Marc-François Bernier, professeur titulaire, Département de communication de l’université d’Ottawa
- Marie-France Bazzo, productrice et animatrice de télévision et de radio
- Nadia Seraiocco, chargée de cours à l’École des médias de l’UQAM, chroniqueure à Ici Première Radio-Canada
- Nellie Brière, consultante et conférencière spécialisée en stratégie de communications numériques et médias sociaux
- Pénélope McQuade, animatrice de radio et de télévision
- Pierre Curzi, acteur, scénariste, syndicaliste et homme politique
- Samuel Archibald, écrivain
- Stéphane Savard, professeur d’histoire à l’UQAM
- Vincent Graton, acteur
- Association des réalisateurs et des réalisatrices du Québec (ARRQ)
- Association québécoise des techniciens de l’image et du son
- Association québécoise de la production médiatique
- Chambre de commerce de Trois-Rivières
- Comité le cellulaire partout pour tous, route 155
- Conseil du patronat du Québec
- Copibec
- Corporation de développement communautaire du ROC, Saguenay
- Doc Québec
- Fédération culturelle canadienne-française
- Guilde canadienne des réalisateurs Guilde de musiciens et musiciennes du Québec
- Observatoire du documentaire
- Société civile des auteurs multimédia
- Société des auteurs de radio, télévision et cinéma Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique
- Société des auteurs et compositeurs dramatiques du Québec
- Table régionale des organismes communautaires (TROC) oeuvrant dans le domaine de la santé et des services sociaux Centre-du-Québec et Mauricie
- Union des artistes
- Union des producteurs agricoles
- La filière universitaire et journalistique :
- Christian Agbobli, cotitulaire, chaire UNESCO en communication et technologies pour le développement, UQAM
- Antoine Char, professeur de journalisme, École des médias, UQAM
- Pascale Millot, journaliste indépendante et professeure de littérature, cégep Édouard-Montpetit
- Philippe Lamarre, président, URBANIA
- Robert Maltais, directeur du certificat en journalisme, Université de Montréal
- Sylvain Rocheleau, professeur, Département de lettres et communication, Université de Sherbrooke
- Serge Proulx, professeur émérite, École des médias, UQAM
- Renaud Carbasse, professeur assistant, Département d’information et de communication, Université Laval
- Guillaume Latzko-Toth, professeur de communication, Université Laval
- Line Pagé, chargée de cours en journalisme Université de Montréal, ex-directrice de l’information d’ICI Première
- Guillaume Lavallée, professeur de journalisme, UQAM
- Judith Dubois, professeure, École des médias, UQAM
- Roland-Yves Carignan, ex-directeur de l’information du Devoir
- Bernard Descôteaux, ex-directeur du Devoir
- Richard Bousquet, chargé de cours en journalisme, UQAM
- Thierry Bardini, professeur titulaire et directeur, Département de communication, université de Montréal
- Mike Gasher, Ph. D., Professor Emeritus, Department of Journalism, Concordia University
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