Quel continuum en éducation pour les Fransaskois ?
Le Rendez-vous fransaskois qui avait lieu du 1er au 7 novembre touchait un sujet sensible et urgent : l’éducation. De la petite enfance à l’éducation post-secondaire, conférences et discussions ont ainsi exploré cet enjeu crucial pour l’avenir de la fransaskoisie.
L’avant-midi du 4 novembre a été consacré à la petite enfance, porte d’entrée dans la francophonie. Todd Goudy, secrétaire provincial responsable des Affaires francophones en Saskatchewan, a été le premier invité à prendre la parole et a notamment parlé des efforts de recrutement à l’international de la province au sein des pays francophones.
Ronald Ajavon, directeur général du Conseil des écoles fransaskoises
Crédit : courtoisie CÉF
Ronald Ajavon, directeur général du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF), a par la suite expliqué le bilan de l’éducation post-secondaire francophone en Saskatchewan et a présenté les résultats d’une étude commandée par cinq partenaires : le CÉF, l’ACF, le Collège Mathieu, la Cité universitaire francophone de Regina et le programme du Bac de la faculté d’éducation de l’Université de Regina.
Ce rapport, intitulé Vision commune de l’éducation en français en Saskatchewan, soulève des lacunes. Parents et élèves considèrent entre autres que les offres au post-secondaire ne sont pas assez diversifiées, « ce qui entraîne des pertes d’élèves en faveur du système anglophone et des pertes d’effectifs qui ont un impact majeur sur notre communauté fransaskoise », déplore Ronald Ajavon.
Parmi les enjeux retenus figurent aussi le financement stationnaire accordé au post-secondaire reposant essentiellement sur le fédéral, le manque de volonté politique du gouvernement provincial pour développer le post-secondaire francophone, et le manque de leviers de gouvernance à la Cité francophone.
Besoin d’une vision commune
Adopter une vision commune serait une piste de solution selon le rapport. Le directeur du CÉF en a présenté ses modalités, incluant les partenariats et la concertation, ou le rôle de catalyseur et de promotion de l’ACF.
Le rapport propose également de créer de meilleures passerelles entre les niveaux du continuum en éducation, par exemple en envisageant des parcours de transfert entre le collège et l’université.
Jean-Luc Racine, président-directeur général de la Commission nationale des parents francophones (CNPF), a dressé un portrait actuel de la petite enfance au niveau national. Le besoin de financement plus structurant est selon lui un défi commun à l’échelle du pays au même titre que le recrutement des éducateurs et éducatrices.
Toujours selon Jean-Luc Racine, beaucoup d'éducateurs s’en vont rejoindre les conseils scolaires. Autre inquiétude concernant l’entente entre la province et le fédéral quant aux centres de la petite enfance à 10 dollars par jour, dont le CÉF ne se trouve pas encore sur la liste d’accès du gouvernement provincial.
Sur une note plus positive, la CNPF a réussi à créer plus de 1 000 places en garderie depuis 2018, ce qui a engendré la création de près de 200 nouveaux emplois, a indiqué Jean-Luc Racine. Le PDG a également souligné que la CNPF travaillait maintenant à la création de près de 1 500 places qui devraient générer à leur tour presque 300 nouveaux emplois.
En terminant, Abdallah Oumalek, directeur de l’Association des parents fransaskois (APF), a présenté les services offerts par son organisme en spécifiant l’appui aux centres de la petite enfance ainsi qu’aux familles francophones en Saskatchewan. Il a souligné que 457 enfants fréquentent actuellement les centres francophones en Saskatchewan.
Les enjeux de la maternelle à la 12e année
Trois experts chevronnés de l’éducation ont pris part à la deuxième demi-journée du Rendez-vous. En premier lieu, Marc Godbout, consultant, a offert un aperçu national de la maternelle à la 12e année et a mis l’accent sur la fragilité du système scolaire.
Ce dernier a rappelé le rôle fiduciaire et politique des services scolaires et l’importance de la solidarité et des liens qui doivent prédominer entre la communauté et les services scolaires. L’état des lieux de la gestion scolaire au Canada est selon lui inquiétant. « Le réseau est à la croisée des chemins, a-t-il affirmé, et nous avons besoin d’appuis pour compléter son épanouissement. »
Le consultant a souligné que l’environnement post-pandémie est en train de bouleverser le monde de l’éducation et que les établissements d’enseignement devront s’adapter aux apprenants, et non l’inverse. « La salle de classe a été frappée par la technologie et l’internet a changé le rôle de l’enseignant dans la salle de classe. »
Ronald Ajavon, lui, a fait le tour des acquis et de l’état de l’éducation fransaskoise. Le directeur du CÉF a présenté plusieurs statistiques qui ont donné un portrait précis du milieu scolaire dans la province. « Nous avons vu que les résultats du CÉF dépassent largement ceux de la province en général, tant au niveau de l’apprentissage qu’au niveau des diplômes », s’est-il félicité.
En collaboration avec l’APF, le CÉF lance un nouveau partenariat qui préparera les jeunes fransaskois à leur rentrée dans ses écoles après leur passage dans les centres de la petite enfance. Les deux organismes travailleront à mettre sur pied un regroupement nommé Fédération des centres éducatifs à la petite enfance.
Écoles d’immersion et francophones
Nicole Thibault, directrice générale nationale de Canadian Parents for French (CPF), a présenté la place et les buts de l’immersion française à l’intérieur d’un Canada bilingue. Elle a expliqué le rôle et le fonctionnement de son organisme et a mis l’accent sur les bénéfices d’une collaboration entre écoles d’immersion et écoles francophones.
La directrice a parlé des réalités derrière l’engouement pour l’immersion à travers le pays en exposant les clientèles qui sont, selon elle, favorables à un Canada bilingue. « Ce qui nuit, ce n’est pas l’autre système de scolarité francophone, mais bien celui qui ne veut pas apprendre le français », a-t-elle affirmé, ne parlant pas de la compétition qui se joue entre écoles d’immersion et francophones.
Les discussions ont été qualifiées de « riche en contenu » par le président de l’ACF Denis Simard : « Ces discussions alimenteront certainement nos actions politiques et nos initiatives de renforcement communautaire », a-t-il conclu au terme de la demi-journée.
Réflexion sur le post-secondaire
Denis Simard, président de l'Assemblée communautaire fransaskoise.
Crédit : Courtoisie de l’ACF
Le président de l’ACF a entamé la discussion du dernier avant-midi en présentant sa position vis-à-vis du post-secondaire. « L’ACF a toujours été un allié des établissements post-secondaires francophones. On demeure très attentifs aux enjeux du Collège Mathieu et de la Cité francophone. Nous sommes conscients de la précarité de ces institutions et de leur limite en termes de ressources, de financement et d’effectifs. »
Le président a rappelé l’appui de l’ACF et le démarchage déployé pour instaurer l’Institut français au début des années 2000, ainsi que les initiatives pour sauver l’Institut de 2011 à 2016 et l’instauration de la Cité universitaire.
Surtout, le souhait d’un financement équivalent à celui de la majorité a été exprimé. « Depuis des années, l’ACF et la communauté font valoir l’apport important que pourrait représenter l’international pour le Collège Mathieu et la Cité, et nous sommes fiers de voir des développements annoncés récemment », a déclaré Denis Simard.
Et de préciser : « La francophonie canadienne tout entière s’est récemment embarquée dans une démarche pour appuyer le secteur post-secondaire. Les États généraux sur le post-secondaire francophone proposés en partie par l'Association canadienne-française de l'Alberta aboutiront en mars prochain au Sommet sur le post-secondaire. L’ACF participe activement à ces États généraux. »
Le président siègera au bureau de direction de l’ACFA pour assurer la place de la communauté fransaskoise dans ces plans d’avenir. « Un avenir dans lequel nous pourrons être mieux desservis, tant par une reconnaissance accrue avec une possible inclusion de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, que par le biais du financement du fédéral. L’ACF milite et argumente avec ardeur pour des retombées positives dans la communauté et ses deux institutions postsecondaires », a commenté le porte-parole.
L’implication de la Cité et du Collège
Directeur par intérim de la Cité universitaire francophone depuis août 2016, Emmanuel Aïto a été choisi pour occuper la direction de l’institution pour les cinq prochaines années.
Le docteur Emmanuel Aito, directeur de la Cité universitaire francophone de l'Université de Regina, Jean Dufresne, directeur du Programme du baccalauréat en éducation, ainsi qu’Alpha Barry, directeur adjoint de la Cité, ont présenté les différents services et programmes offerts par l’institution.
Jérôme Melançon, professeur en chef du programme des études francophones et interculturelles, a par la suite mené une consultation communautaire au sujet du certificat en leadership et gestion des organismes à but non lucratif et du certificat bilingue en travail social avancé par la Cité. À l’aide d’une plateforme interactive en direct, le chercheur a pu solliciter les besoins et sonder les opinions de la communauté quant à son attente en lien avec le nouveau programme.
Francis Kasongo, directeur général du Collège Mathieu
Photo : courtoisie
Francis Kasongo, directeur général du Collège Mathieu, a rappelé l’environnement dans lequel évolue le collège en précisant ses nombreux défis. Le déclin de la démographie francophone, surtout en milieu rural, et la pénurie de main-d’œuvre française et bilingue qualifiée ont été cités. Le directeur souhaite que le Collège Mathieu devienne une institution d’éducation post-secondaire en français en Saskatchewan avec une charte amendée et un financement adéquat.
Le directeur a souligné l’obtention du diplôme de la première finissante en soins infirmiers auxiliaires autorisés du Collège qui a réussi l’examen avec un score de 100 %. « C’est pour dire qu’il y a de la qualité », s’est-il ainsi réjoui.
La journée consacrée au post-secondaire s’est conclue avec une présentation de Lynn Brouillette, présidente et directrice générale de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC).
La PDG a mentionné que le Collège Mathieu et la Cité universitaire francophone ont bénéficié dans les dernières années de financement que l’ACUFC est allé chercher pour leurs programmes en santé appuyés par Santé Canada.
Cette dernière a notamment travaillé sur une stratégie de déploiement à l’échelle du pays pour consolider 22 collèges et universités en un réseau pancanadien francophone hors Québec. « Ce que fait l’ACUFC, c’est défendre l’intérêt des membres auprès des instances gouvernementales fédérales et parfois avec le Québec, et mettre en place des moyens et processus pour augmenter les collaborations et initiatives structurantes au sein du réseau », a-t-elle ponctué.
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