Entretien avec Dominique Sarny, le nouveau directeur de l'ACF
Les Fransaskois doivent être fiers comme minorité
Dominique Sarny
Photo: Jean-Pierre Picard (2016)
Le 30 juin 2016, Dominique Sarny a été nommé directeur général de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF). L’ancien universitaire et enseignant a été directeur fondateur de l’Institut français de Regina – devenu la Cité universitaire - qu’il a dirigé de 2003 à 2009. En tant que nouveau dg, il veut contribuer au développement de la communauté en apportant sa vision à l’ACF.
« En ce qui concerne le développement dans un sens très large, on veut continuer le travail entrepris par la communauté, essayer d'orienter certains dossiers, d'en trouver d'autres. Dans un sens plus étroit, c'est de travailler au bureau, de voir comment on peut être plus efficace, répondre davantage aux besoins de la communauté, avoir du personnel engagé.», explique-t-il.
Selon lui, dans le contexte actuel la francophonie en Saskatchewan est confrontée à de nombreux défis que connaissent aussi d’autres communautés francophones en milieu minoritaire ailleurs au Canada. Il donne comme exemples la disparité entre le monde rural et le monde urbain, l'immigration, le rôle et la place des jeunes dans la communauté, mais aussi des défis au niveau de l'inclusion. Selon lui, « on a la majorité des francophones de la province qui ne sont pas de langue maternelle française et qui sont quand même francophones, qui sont issus de l'immersion. Pour plusieurs, ils veulent contribuer au développement de la communauté, mais ne savent pas comment».
Une partie de ces francophones sont jeunes et souvent de langue maternelle anglaise. En parlant d'inclusion, Dominique Sarny inclut la question des jeunes. Il souhaite collaborer avec l'Association jeunesse fransaskoise (AJF) « Je veux qu’on se rencontre, je veux que ça soit réciproque. Je n'ai pas le goût d'entendre de la part des jeunes qu'ils sont toujours mis de côté. J'attends la réciproque ». Il veut trouver des mécanismes de discussion et de concertation avec la jeunesse qu'elle soit de langue maternelle française ou pas. « On a beaucoup de jeunes qui ne sont pas dans l'AJF ».
« Il y a toujours une position d'attentisme, et pas seulement chez les jeunes, ajoute-t-il. Moi, ce que je veux, c'est qu'on pense ensemble le développement de la communauté et ça, ça se fait par des rencontres régulières. Il faut aussi trouver et créer d’autres mécanismes ».
Dominique Sarny croit aussi qu'il faut être capable de mobiliser toutes les tranches de la population, y compris les aînés. « C'est un sacré souci, ne pas pouvoir vieillir dans sa langue alors qu'on a vécu toute sa vie dans la communauté francophone », affirme-t-il.
En ce qui concerne la disparité entre le monde rural et le monde urbain, il croit que cela touche de façon particulière la communauté fransaskoise. À l’origine, c’est dans les campagnes et les villages que les francophones se sont établis dans la province. Malgré l’important exode urbain il est possible et même nécessaire d’assurer la vitalité de ces petites communautés. « Il s'agit de repenser le développement autrement. Ici, on a l'habitude de faire l'agriculture de façon extensive. Il faut penser plus petit, en termes de terroir », affirme-t-il.
Il pense entre autre au Projet Terroir mis en place en 2005 par l’ACF en collaboration avec l'Institut français et la Fédération des aînés fransaskois. Ce projet, en veilleuse pour le moment, avait pour but la revalorisation des produits du terroir de la Saskatchewan. Selon lui, il faut se consacrer aux choses plus traditionnelles que les producteurs savent faire, mais qu'ils tendent à oublier. Il croit cependant qu'il est parfaitement compatible de faire de la petite production et de la grosse production. Il donne l'exemple du Québec qui a pu développer son terroir ainsi.
Lorsqu'il parle de « penser autrement », il fait aussi référence au statut de minorité des Fransaskois. «Pour moi être minoritaire c'est un atout, une fierté, parce qu'on peut faire les choses autrement, on peut faire de la politique autrement, on peut faire de l'économie autrement, on peut faire de l'éducation autrement. On a des manières de faire qui nous sont propres à cause d'enjeux propres à notre communauté. Notre travail c'est d’influencer la majorité non francophone pour qu'elle intègre des éléments du savoir faire de la minorité francophone ».
Dominique Sarny se voit comme un passeur: « Mon rôle en tant que directeur de l’ACF, c’est un rôle de passeur. J’en ai un peu marre qu’on divise notre population. Il y a une nécessité de créer des liens et c’est mon travail que d’y contribuer».
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