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L'Apostrohe, chronique de Frédéric Dupré

Data : Quand l’identité devient fluide

Entretien avec le danseur chorégraphe Manuel Roque

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Manuel Roque

Manuel Roque

La question d’identité, toujours d’actualité, gravite souvent autour de débats où interlocuteurs et protagonistes tentent, tant bien que mal, de la définir ou de la réduire à des formules simples, voire arrêtées. Mais pour Manuel Roque, chorégraphe et danseur de Montréal, qui est de passage à Regina cette semaine au Men in Dance Festival de New Dance Horizons, il en est tout autrement.

Pour lui, il est difficile de revendiquer quelque chose de fixe lorsque l’on parle d’identité : « Je ne peux pas dire : MOI, je suis ÇA! ».  L’identité, pour le chorégraphe, est continuellement en mouvance, elle est fluide, malléable et c’est exactement ce qu’il invite le public à explorer avec lui dans la proposition de Data .

L’un des points de départ pour la création de Data est la conscience que l'artiste a acquise en considérant son corps de « trente quatre ans » qui, tout en ayant plus de maturité et dénotant une plus grande maîtrise, révèle aussi un nombre croissant de limites. Mais si le danseur, qui a servi pendant plus de 10 ans les aspirations des grands noms de la danse contemporaine canadienne ( Marie Chouinard, Dominique Porte, Peter James, Sylvain Émard, Paul-André Fortier et Daniel Léveillé), est aujourd’hui sensible aux transitions de son corps, il n’en montre rien dans l’exécution de Data . 

Virtuosité « kinétique »  (kinesthésique) d’une grande sensibilité, Data est le fruit de deux ans d’exploration personnelle en studio qui a permis au jeune chorégraphe de se réconcilier avec le matériel qui lui a été transmis par les chorégraphes ci-haut nommés et les revendications artistiques que lui même propose. Data confie t-il, va à l’encontre du courant actuel en danse contemporaine qui privilégie le fond, le contenu ou la philosophie d’une performance. «Avec Data, je voulais faire le « statement » que la forme peut être du  fond».

Même si la proposition est relativement abstraite, elle offre une porte d’entrée hyper émotive au public. Roque l’a bien constaté lors de la première à Montréal en septembre dernier, alors que nombre de spectateurs lui ont exprimé à quel point ils avaient été touchés ou affectés par la prestation. 

Évidemment, le Requiem (1887) du compositeur français Gabriel Fauré y est pour beaucoup. Roque a su exploiter les contrastes  présents dans cette œuvre, considérée comme la composition la plus importante de Fauré.  “Par moment, j’ai travaillé avec, par moment j’ai travaillé contre, mais c’est clair qu’elle fait partie de la proposition, et l’expérience devient totale, ce qui permet au public de simplement la vivre sans besoin de l’analyser ».

D’une grande modestie, Manuel Roque espère qu’un public moins habitué à la danse contemporaine vienne voir son spectacle qu’il considère très accessible, puisqu’il n’est pas basé sur les codes conventionnels de la danse contemporaine. Pour Roque, ce qui y est véhiculé est universel et appartient au “ressenti” et dans cette optique, tous peuvent y découvrir quelque chose. « Il y a suffisamment de symboles qui appartiennent à l’imaginaire collectif pour que chacun puisse s’y retrouver » renchérit-il. 

Data de Manuel Roque

Data de Manuel Roque

Quand l’identité devient fluide.
Photo: Marilène Bastien
D’autant plus qu’il a un intérêt particulier pour le métissage des codes de création, c’est à dire qu’il considère l’ensemble des médiums de création lorsqu’il travaille et compose, et qu’il ne se limite pas seulement à la chorégraphie.  D’emblée, il porte un regard constant sur tous les aspects que vivront les spectateurs, aussi bien sur ce qui est visuel (scénographie, costumes, lumières, chorégraphie) que sur ce que l’on entend et ressent.

Par contre, Manuel Roque se défend bien d’avoir travaillé seul pour la réalisation de Data. Il n’a que des éloges pour la solide équipe de création composée de Ginelle Chagnon, Indiana Escach, Lucie Vigneault, Marilène Bastien et François Marceau. 

Data sera présenté dimanche le 18 janvier à 15h au Shu-Box Theatre de l’Université de Regina, et en reprise lundi le 19 à 13h30. On pourra aussi apprécier les talents du danseur/chorégraphe les vendredi 16 et samedi 17 janvier dans la composition de Sylvain Émard  Ce n’est pas la fin du monde.

Pour les profanes comme pour les habitués, des rencontres divertissantes et enrichissantes à ne pas manquer, d’abord avec Manuel Roque et, qui sait, avec les particularités fluides de nos propres identités!

Où? Shu-Box Theatre, 3737 Wascana Parkway, Regina

Quand? Le dimanche 18 janvier à 15h et le lundi 19 janvier à 13h30. La performance de dimanche sera suivie d’une discussion avec les artistes Manuel Roque, Paul-André Fortier, Ginette Chagnon, Brent Owen, Aaron Lukas Avendaño, Graham Kotowich et Robin Poitras




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