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Horizons - chronique littéraire du Cercle des écrivains de la Saskatchewan

Le Grand barrage (extrait)

Le Grand barrage (extrait)
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(…)

Les castors du Vallon des Grands-Vents n’aimaient pas beaucoup Henri. Mais Henri était un castor si intelligent et il savait tant de choses que tous le respectaient. On n'avait qu'à regarder son barrage pour comprendre qu’il était un castor bien spécial.

Légèrement plus gros que les autres, le barrage d'Henri était particulièrement ingénieux dans sa façon d’exploiter les formes naturelles des rives du ruisseau. Un gros arbre frappé par la foudre et tombé entre deux rochers servait de point d'appui à toute la structure. Henri expérimentait toujours de nouvelles techniques de construction. Dès qu’il avait terminé la construction d’un barrage, il cherchait à l’améliorer. Chaque année, il démontait une partie de son barrage pour le refaire d’une autre façon.

‒ Je cherche la technique parfaite, disait-il.

(…)

Henri était tout le contraire d’Ivan qui vivait à l'autre extrémité du vallon. Son barrage était vraiment différent de celui d'Henri. Bien qu’efficace, il était beaucoup plus petit et beaucoup moins beau. Pour tout dire, il faisait un peu broche à foin. On ne pouvait lui trouver aucun défaut apparent et il fonctionnait bien. C'était uniquement une impression qui s'en dégageait, comme s’il manquait quelque chose. Un peu de finition, peut-être.

Ivan était un rêveur. Il ne travaillait que par nécessité. Fourmillant d’idées, il commençait plein de projets, mais terminer quelque chose l’ennuyait.

Avec sa vivacité d’esprit et son humour, Ivan avait le don d’apaiser Maya et de lui faire oublier les soucis du quotidien. Même dans les moments difficiles, il restait calme et savait voir le côté positif des situations.

Un jour, un orignal s’était pris les sabots dans leur barrage. Il s’était tellement débattu qu’il avait fini par le briser et l’eau s’était mise à couler rapidement par un grand trou. Le niveau de l’étang entourant la maison baissa rapidement. Maya et Ivan travaillèrent d’arrache-patte pendant trois jours pour colmater la brèche. Pendant ce temps, l’entrée de leur maison n’était plus sous l’eau. Les petits, qui venaient à peine de naître, étaient à la merci des prédateurs pendant que les parents devaient s’éloigner pour couper des arbres et récupérer les branches qui avaient survécu au piétinement de l’orignal.

Heureusement, plusieurs voisins vinrent les aider. Même si les castors aiment mieux travailler seuls et s’occuper uniquement de leur barrage, ils n’hésitent pas un instant à offrir leur aide quand une catastrophe frappe un des leurs.

Clémence fut la première à se pointer.

‒ Allez chercher vos morceaux de bois, je vais faire le guet pour protéger les petits.

Une fois la réparation terminée, Maya et Ivan rentrèrent chez eux, épuisés. Maya allait se mettre à pleurer de fatigue. Ivan la regarda en souriant doucement et dit : « Au fond, c’est une bonne chose, ça a permis d’aérer la maison. En plus, c’est la saison des fleurs et leur parfum a pu entrer. » Il était comme ça, Ivan. Il aimait trouver un côté positif aux situations les plus difficiles.

(…)

Un jour, Henri revint en début d’après-midi, fébrile. Il fit le tour des nombreux barrages de la vallée en criant : « Venez chez moi demain matin, j’ai quelque chose d’extraordinaire à vous annoncer. »


Le Grand barrage de Jean-Pierre Picard, illustrations de Karen Olsen, publié aux Éditions de la nouvelle plume, 2022  lanouvelleplume.ca

 

 

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