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Le 7e art - chronique cinéma

Cut/Coupé! par le Théâtre Oskana: La voix des oubliés

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REGINA - « Être ou ne pas être ? Telle est la question ». Ainsi débute la pièce Cut/coupé! du Théâtre Oskana. Écrite dans les années 1970 par l’écrivain albertain Lyle Victor Albert et traduite en français par le dramaturge fransaskois Laurier Gareau, l’œuvre traite de façon comique et sarcastique de l’oubli et de la suppression de personnages dans les œuvres littéraires ou visuelles. Du 24 au 26 janvier au Bistro du Carrefour des plaines à Regina, le metteur en scène Guy Michaud a plongé le public fransaskois dans une tragicomédie bilingue au format surprenant.

Les projecteurs s’éteignent sur les 42 spectateurs présents et le plancher de la scène s’illumine au rythme de la célèbre phrase de Shakespeare. Clyde, prince du Danemark, personnage oublié entre les pages du script d’Hamlet, tente désespérément de déclamer sa réplique.

Souffrant de pertes de mémoire, ce personnage dramatique et attachant à la fois tente tant bien que mal de comprendre pourquoi il a été mis de côté par son auteur. Il est très vite rejoint par un maître d’hôtel souffrant d’obsession pour les sandwiches au concombre, par une Grecque œdipienne tentatrice et par une Américaine amatrice de Scotch. Les spectateurs découvrent ainsi de drôles de colocataires provenant de romans, de films ou de pièces de théâtre.

Comme on visite un thérapeute pour se libérer d’une frustration, les personnages se confient et déambulent sur scène entre table basse et canapés. Ils sont seuls dans un royaume oublié, figé et hanté par les rires intermittents d’un geôlier invisible.

Un invité surprise

Alors que les personnages débattent une fois de plus sur les raisons de leur présence dans ces limbes, un nouveau personnage fait son entrée. Voici Joey. Moderne et coloré, il est d’un tout autre style, celui des comédies musicales. Il chante, danse et dresse un portrait futuriste et apocalyptique de l’œuvre dont il provient.

Tantôt apprécié, tantôt détesté, Joey va complètement perturber l’ordre naturel des choses, ce qui poussera l’un des personnages à vouloir s’enfuir et prendre sa place pour à nouveau connaître la gloire sur scène.

Une pièce bilingue

Destinée à être présentée au Cathedral Festival de Regina, Cut/Coupé! veut rassembler les publics anglophone et francophone en proposant des dialogues et des surtitres dans les deux langues. « On pourrait présenter une pièce en français avec des surtitres en anglais, mais nous savons que l’auditoire qui sera présent au festival en mai sera à majorité anglophone. Nous restons cependant hors de la norme par rapport aux autres théâtres, comme le Globe, qui proposent des pièces uniquement en anglais », indique le metteur en scène Guy Michaud.

Le bilinguisme de la pièce offre également un excellent exercice cognitif aux acteurs qui doivent basculer d’une langue à l’autre. C’est ce qu’explique l’actrice anglophone Mary Fabian qui interprète le rôle de Mrs Kowalski et qui joue pour la première fois avec la troupe Oskana : « Bien que mon texte soit en anglais dans la pièce, mon cerveau devait basculer plusieurs fois lorsqu’un personnage me répondait en français ou lorsque je devais donner la réplique, ce qui était très intéressant et drôle à réaliser. »

Un beau jeu d’acteur

La mise en scène touche sans détour aux aspects les plus sombres de la pièce : dépression, jalousie et tourments moraux. Les acteurs offrent d’ailleurs une remarquable interprétation de la détresse psychologique tout en interprétant naturellement des situations drôles et cocasses.

« Ils ont tous un petit quelque chose de spécial. Jusqu’au dernier jour de répétition, je riais par des éléments d’improvisation. (…) Je pense que trop de direction d’acteur dénature les situations drôles, c’est pour cela que j’aime quand les acteurs peuvent mener une partie des scènes comme ils le souhaitent tout en respectant l’œuvre originale », souligne Guy Michaud.

Mary Fabian partage également le sentiment du metteur en scène : « Les acteurs sont tous très bons. C’était vraiment un travail de symbiose entre nous. Nous n’avons répété que pendant deux mois et, pourtant, c’est comme si nous avions joué ensemble pendant un an. » C’est aussi ce que pensait Paul, l’un des spectateurs : « Il y avait une véritable alchimie entre les personnages, presque palpable je dirais. »

La pièce a donc offert un véritable moment de partage avec le public tout en restant accessible à tous. Cut/Coupé! réalise ainsi un formidable exercice de mélange des genres et des œuvres.

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