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Mooky Cornish: une vie de clown pour faire sourire le monde

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Personnages incontournables de l’univers du cirque et de la culture populaire, les clowns sont le miroir des émotions humaines. Tantôt grotesques, drôles, tristes ou joyeux, ils ne laissent personne indifférent. Rencontre avec une clown des temps modernes qui perpétue un art vieux de plusieurs siècles.

Mooky Cornish a toujours eu le clown dans l’âme. Aussi loin que ses souvenirs la mènent, elle a toujours aimé faire rire et sourire son entourage. « J’aime ça, voir le monde heureux. Déjà toute petite, j’avais remarqué que quand je souriais, le monde souriait aussi. »

L’artiste semble bien dans ses valises. La vie de cirque l’a fait voyager pendant une trentaine d’années avant de se poser, temporairement, à Regina. « Je fais un peu de tout : théâtre de rue, cirque, cabaret. Avant, j’étais en tournée tout le temps, une vraie nomade ! Je n’avais rien qu’un p’tit storage à Londres, je passais par là pour changer de valise, puis je repartais. Là, ça fait depuis 2015 que je passe l’été à Regina et les hivers en Europe, sauf les deux derniers hivers où j’ai dû rester à Regina. »

Une carrière internationale

Des racines en Saskatchewan, une enfance dans l’est de l’Ontario, et une carrière artistique dans le reste du monde ont réussi à façonner un personnage qui jongle avec les langues et les cultures chez Mooky Cornish.

« Mon père est né à Fort Qu’Appelle, dans les vallées. Puis nous, on a été élevés près d’Hawkesbury, sur le bord de la rivière [des Outaouais] entre Montréal et Ottawa.

Le français, là-bas, c’est normal, tous les francos parlent les deux langues et certains anglos sont bilingues. À l’église, il n’y avait pas assez de monde pour deux messes, on faisait une messe dans les deux langues, et à l’école et dans la rue, c’était la même chose, les deux langues cohabitaient. »

L’adolescence, pourtant isolée, est venue confirmer sa passion pour l’art clownesque. « Mes parents nous emmenaient au théâtre au moins une fois par an, au pantomime de Noël au Centre national des arts d’Ottawa. Je savais qu’il y avait du théâtre, mais les clowns je ne savais pas que ça existait ! C’est un peu bizarre, mais à l’âge de 12 ans, j’y pensais tout le temps, je voulais tout clown, même le wallpaper. J’ai commencé à travailler au Québec pour une compagnie d’animation pour les fêtes d’enfants, donc ballons, maquillage, spectacles de magie, tout ça. Je passais beaucoup de temps à me préparer, on faisait de la qualité. »

Cet amour précoce pour les clowns et le divertissement se transforme rapidement en la perspective d’une carrière professionnelle. « J’ai déménagé en ville vers 14 ou 15 ans et j’ai commencé le programme des arts en théâtre. Il y avait un prof de l’École [internationale de théâtre] Jacques Lecoq à Paris. Il m’a appris le vocabulaire du théâtre physique où on apprend comment exprimer des histoires et des émotions sans paroles. On s’entraîne avec des masques, on fait des mimes, des acrobaties, on crée notre matériel, des histoires, des personnages. »

Devenir clown, tout un défi

Devenir clown n’est pas chose facile, et malgré la popularité de cette figure emblématique, les programmes professionnels se comptent sur les doigts de la main. 

« Il y avait seulement deux écoles en France, une autre en Suisse, et une en Californie. Même dans les écoles de cirque, il y a rarement des programmes de clown. J’ai été acceptée à l’école en Californie et, à 19 ans, je suis partie pendant 5 ans. »

De retour au Canada, la vie d’artiste s’est poursuivie sur les chapeaux de roues tout en essuyant quelques ratés qui finiront par propulser Mooky Cornish au sommet du plus célèbre chapiteau du monde.

« Je suis revenue à Calgary où j’ai rejoint d’autres personnes de mon école. On faisait tous les festivals, les cabarets, on était très anarchistes, très punk. En 2000, on a même créé notre propre cirque. Ça a pris trois ans pour le construire et après trois mois de tournée, on a tout perdu ! C’était beaucoup de travail et on n’avait pas assez de monde pour monter les tentes, les chapiteaux, les scènes, le système de son, etc. Entre la fatigue et les chicanes, ça n’a pas tenu mais on a énormément appris. C’est là que j’ai appelé le Cirque du Soleil, car je savais qu’ils cherchaient un clown. »

Puisque la chance sourit aux audacieux, Mooky s’envolait trois semaines plus tard pour Montréal où elle allait commencer les répétitions pour le spectacle Varekai, une aventure qui allait durer quatre années.

« À l’époque, je suis partie en tournée avec ma copine et ses deux garçons. Les enfants faisaient l’école dans une caravane avec deux profs. Ma copine enseignait l’anglais car il y avait des enfants de toutes les langues, aussi pour les femmes des acrobates. C’était tout un village, on faisait tout ensemble, c’était une vie très spéciale, on tournait dans les plus grandes villes des États-Unis et du Canada. »

Un art humain 

Après le Cirque du Soleil, Mooky Cornish a connu une riche carrière en Europe où elle a approfondi ses réflexions : si l’art clownesque est polyvalent, il est avant tout humain, proche des gens et de leurs cultures.

« Le public est différent partout, dans chaque pays, il faut ajuster les numéros. Le seul endroit où je peux jouer comme j’aime, c’est en Angleterre, à Londres. Ils adorent la comédie. En général, en Europe, les gens sortent beaucoup et il y a une longue tradition de cirque », observe-t-elle.

Cet art millénaire n’a pas dit son dernier mot et la clown n’entend pas retirer son nez rouge de sitôt, allant jusqu’à « prêcher pour son chapiteau ». « C’est un art vivant qui évolue tout le temps ! Il y a beaucoup d’intérêt chez les jeunes, surtout pour le théâtre de variété et le fringe, qui relève du théâtre d’avant-garde. Les clowns ont aussi une fonction humanitaire et humaniste très importante, dans les hôpitaux par exemple. On peut faire tellement de choses et on s’amuse beaucoup ! »

Même si la pandémie a ralenti le rythme, les ardeurs, elles, sont toujours aussi vives. Histoire d’évoluer avec son temps, Mooky planche sur une série de vidéos mettant en vedette son personnage fétiche, la clown Gloria, qui aspire à devenir célèbre. Un mélange d’humour et de parodie sur fond de commentaire social, preuve que les clowns ne font pas seulement rire, mais aussi réfléchir.