Prince Albert : le projet Rivier tombe à l’eau
C’est avec surprise et déception que la communauté francophone de Prince Albert a appris fin avril que la Nation métisse de la Saskatchewan avait présenté une offre d’achat pour l’Académie Rivier. Le rêve d’y fonder un nouveau centre scolaire et communautaire d’envergure pour la francophonie locale prend ainsi fin.
L’établissement, propriété des Sœurs de la Présentation de Marie, était convoité par la fransaskoisie locale depuis plusieurs années. Cette dernière souhaitait rénover les lieux afin de mettre sur pied un centre scolaire et communautaire ambitieux. L’école Valois devait notamment y être déménagée.
L’attente d’un feu vert financier de la part du ministère de l’Éducation, l’une des parties prenantes du projet aux côtés de la Société canadienne-française de Prince Albert (SCFPA) et du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF), se sera finalement soldée par une déconvenue pour les Fransaskois.
« On est déçus, réagit Michel Dubé, ancien président de la SCFPA et membre actif de la communauté de Prince Albert. C’était un projet d’envergure, porteur et innovateur. C’était au moins trois ans de travail. De voir qu’il nous file entre les doigts, c’est difficile. »
C’est lors d’une réunion du conseil municipal de la ville, le 25 avril, que la nouvelle s’est fait savoir : la Nation métisse de la Saskatchewan se porte acquéreuse du bâtiment pour y offrir des services communautaires, dont une garderie, une clinique et une école. Tous les conseillers municipaux se sont dits favorables au dépôt d’un permis de développement.
La nouvelle est d’autant plus amère que le projet de la Nation métisse ressemble de très près à celui proposé par la francophonie locale. « Comme dans notre projet, ils proposent un volet scolaire, un volet résidentiel, un volet sportif, un volet d’affaires, une garderie », note Michel Dubé.
Pour Estelle Hjertaas, la présidente actuelle de la SCFPA, cette ressemblance « est la preuve que le projet Rivier était une bonne idée ». La porte-parole se dit frustrée de voir que le projet Rivier a traîné si longtemps pour qu’un autre acheteur s’impose finalement.
« De notre côté, on a fait tout ce qu’on pouvait faire. Patrimoine canadien nous disait d’attendre l’approbation de financement de la part de la province. C’est vraiment frustrant d’avoir attendu plusieurs années. Je l’ai dit plusieurs fois : s’ils veulent dire non, qu’ils le disent dès le début », exprime-t-elle.
Et maintenant ?
En guise de consolation pour le moment, une collaboration entre la francophonie locale et la Nation métisse est envisageable. « On reste toujours ouverts au leadership métis dans la province, indique Michel Dubé. On avait d’ailleurs reçu le soutien de certains leaders métis de la région pour notre projet. Il y a des liens entre les deux communautés », dit-il, bien qu’aucune rencontre formelle à ce sujet n’ait encore eu lieu.
Surtout, « on a toujours besoin d’une nouvelle école », rappelle Estelle Hjertaas. La SCFPA a relancé le ministère de l’Éducation il y a environ un mois par courrier pour connaître l’évolution du dossier, une demande restée sans réponse à ce jour.
La province s’était engagée dans un Memorandum of Understanding (MOU) signé en 2019 à construire trois écoles francophones dans la province d’ici 2025. Si Regina a trouvé la sienne, Prince Albert en est encore à la recherche de l’emplacement. « On ne sait toujours pas où la nouvelle école va être. C’est difficile de prendre des décisions en tant que parents. On ne peut pas avoir de plan sur le long terme », déplore Estelle Hjertaas.
Selon Ronald Ajavon, directeur général du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF), la recherche d’un terrain avance. « Le CÉF est en discussion avec la Ville de Prince Albert et le maire [Greg Dionne]. Le terrain pourrait être identifié dans les mois qui viennent », croit-il.
Le projet Rivier était d’envergure et le directeur du CÉF rappelle l’importance de se doter « d’espaces conséquents pour accueillir l’ensemble de la communauté pour qu’elle puisse s’épanouir ». Le projet qui verra le jour devrait être selon lui similaire au projet Rivier, « en un peu moins grand » toutefois.
Michel Dubé espère malgré tout que le projet sera à la hauteur des attentes des Fransaskois. « Il faut que le projet ait une envergure beaucoup plus grande qu’une simple école pour corriger le tir depuis 10 ans. Il faut rattraper le temps perdu », souligne-t-il, évoquant le besoin de services pour les aînés en nombre croissant, l’arrivée de plus en plus d’immigrants francophones, l’épanouissement des jeunes et des artistes locaux.
Pour l’heure, le mot d’ordre est encore à la patience.
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