La nécessité d’une politique culturelle nationale
Entrevue avec la directrice de la FCCF
FRANCOPRESSE – La Fédération culturelle canadienne-française, qui regroupe 22 associations artistiques et culturelles de l’extérieur du Québec, défend de plus en plus activement le besoin pour le Canada de se doter d’une politique culturelle nationale. Cette politique prendrait la forme d’un «Cadre national d’action pour la culture». La FCCF s’est associée avec plus de 40 organismes artistiques et culturels, tant francophones, anglophones, qu’autochtones, pour créer une large coalition afin de convaincre le gouvernement fédéral d’aller de l’avant avec ce projet ambitieux, dont découlent aussi plusieurs autres priorités de la Fédération.
L’une de vos grandes priorités est la mise en place d’un cadre national d’action pour la culture. De quoi s’agit-il?
Marie-Christine Morin : Le cadre national, ou politique culturelle canadienne, est une idée qu’on a mise de l’avant de façon plus formelle l’an dernier, donc en 2019, mais la réflexion a été entamée depuis plusieurs années. C’est une façon cohérente de rassembler toutes de sortes de gros éléments qui se passent présentement dans le paysage : les révisions législatives actuelles, la loi sur les droits d’auteur, la loi sur la radiodiffusion ou encore la stratégie d’exportation du fédéral. Il y a aussi toute la réflexion sur la diplomatie culturelle qui interpelle cette question-là aussi. Toutes les personnes qu’on rencontre à qui on dit qu’on n’a pas de politique culturelle au Canada sont extrêmement surprises.
De façon pratique, quel est l’avantage d’avoir une politique nationale?
M.-C. M : Quand on se donne des orientations dans une politique culturelle canadienne, là, tout à coup, on voit émerger des programmes mieux ciblés. Ça permet aussi d’avoir - ce que nous on appelle dans notre jargon « l’intersectorialité; c’est-à-dire que la culture, ça peut se décliner non seulement dans un ministère à vocation culturelle comme Patrimoine canadien, mais aussi dans d’autres ministères et dans d’autres sphères d’influence.
À partir du moment qu’on se donne une politique culturelle, on se permet de faire percoler les avantages, les bienfaits et les impacts des arts et de la culture dans d’autres portefeuilles : en économie, en santé, en immigration. À la suite de ça, on voit des initiatives, du financement, des projets et des rêves pour faire avancer les arts et la culture partout au pays. Toutes les initiatives qu’on fait présentement et les idées que la FCCF pousse cadrent tout à fait dans une politique culturelle. Exemple : l’observatoire sur les données en culture. La capacité de pouvoir mesurer l’impact sur plein de niveaux du secteur artistique et culturel au pays, on n’a pas ça. On n’a pas de portrait global de ça, de façon continue. On a des données morcelées, et c’est encore plus vrai pour la francophonie canadienne.
Vous proposez donc au gouvernement fédéral de prévoir des fonds pour ce projet.
M.-C. M : Oui, il faut entamer le processus parce que c’est une conversation nationale et pas uniquement avec notre secteur. Il faut élargir ça. On est en train de mettre des jalons sur un grand projet de société.
Sur la question de taxer les grandes entreprises culturelles internationales… Croyez-vous que cette promesse de campagne sera honorée?
M.-C. M : On était très content de cet engagement-là des libéraux. On veut que l’écosystème soit rétabli et on veut que l’équité soit présente. Ça ne peut plus continuer. On ne peut plus entretenir cette iniquité. On a atteint le point de non-retour.
Pour ce qui est de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, il en a été aussi question pendant la campagne électorale. Quelles modifications souhaitez-vous?
M.-C. M : C’est une occasion en or qu’on a de moderniser cette loi-là et on doit bien le faire. Il faut que la modernisation soit à l’image de notre ambition qui est de refléter réellement une vision renouvelée pour le Canada. Du côté culturel, on veut que la loi fasse référence à la culture. Dans la loi actuelle, le mot culture n’y est pas ni le mot valeur ni ce genre de vocabulaire. La culture est un pilier du développement des communautés et ça doit être reconnu dans cette loi-là. La FCCF pousse aussi pour que la loi reconnaisse le droit des Canadiens et des Canadiennes d’avoir accès à des contenus culturels dans leur langue et de faire en sorte que cette diversité-là soit reflétée et accessible.
Vous avez parlé plus tôt de «diplomatie culturelle». Qu’est-ce que c’est au juste?
M.-C. M : C’est cette ambition-là qu’on a de se faire reconnaître aussi à l’étranger. Une étude a été menée par un comité sénatorial et une des recommandations de son rapport était de se servir de la diplomatie culturelle, autrement dit de l’image artistique et culturelle du Canada comme levier de la politique étrangère. On sait que la culture, c’est souvent une façon d’ouvrir des portes, de susciter des dialogues, de rapprocher des peuples. Donc, comme pays, il faut avoir une stratégie et voir comment on va encourager l’image de marque du Canada à l’étranger par le biais des arts et de la culture. Et il faut que dans cette stratégie-là, il y ait une place pour la francophonie canadienne.
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