La GRC malmène le français à Gravelbourg
Marche à Gravelbourg pour la Semaine nationale de sensibilisation aux victimes d’actes criminels au Canada
La présence d'agents francophones dans les détachements de la GRC permet d'assurer que les activités de sensibilisation auprès des écoles puissent se faire en français.
Photo : École Beau Soleil (2015)
L’arrivée imminente de deux agents unilingues anglophones de la Gendarmerie royale du Canada au détachement de Gravelbourg fait hautement réagir la communauté fransaskoise.
Dans cette région désignée bilingue par le Conseil du Trésor, cinq agents sont en fonction. Quatre postes sont destinés à des agents ayant la priorité 1, soit des policiers bilingues à leur arrivée. L’autre poste peut être comblé par un agent unilingue anglophone.
Depuis le départ du sergent à la retraite et la mutation de deux agents bilingues dans un autre détachement, le détachement de Gravelbourg fait face à un grand défi concernant les ressources humaines. Pour s’aider, l’autorité fédérale a décidé de rétrograder la priorité de deux postes afin qu’ils soient desservis par des agents ayant la priorité 2, c’est-à-dire des agents qui s’engagent à apprendre le français d’ici les deux prochaines années. S’ils n’ont pas appris la langue de Molière au terme des deux ans, ils seront transférés dans un autre détachement.
Inquiet face à la sécurité de sa population, le conseil municipal a invité, au début de septembre, trois représentants des forces de l’ordre du district sud de la Saskatchewan à une rencontre dite non publique. Le porte-parole de la GRC, Ted Munro, a informé les conseillers qu’il y aurait un changement de priorité pour deux postes pour aider à les combler.
Le conseiller municipal Michel Vézina a très mal accueilli cette proposition et a même remis sa démission. « La manière dont le changement a été présenté, ça ne semblait pas être temporaire, mais plutôt une mesure permanente. » Au-delà de l’impact sur les services à la population, monsieur Vézina s’inquiète des conséquences d’une présence unilingue de la GRC sur l’environnement scolaire fransaskois. « Les gendarmes vivent et s’impliquent dans la communauté, et font de la prévention dans les écoles. Si ça ne se fait pas en français, ce n’est pas l’idéal pour renforcer l’identité francophone de nos élèves.»
La mairie s’en mêle!
Une semaine après la rencontre, le 18 septembre dernier, l’administration du village a envoyé une lettre à Monsieur Munro, dont l’Eau vive a obtenu copie, le remerciant de sa visite et invitant la GRC à rétrograder les priorités d’un autre poste ainsi que celui de sergent.
« Mayor Lamarre and Council wish to convey that they are supportive of the resignation of these two positions to Priority II as Council believes it will help facilitate the staffing process while maintaining the RCMP’s commitment to bilingualism and are requesting that consideration be given to re-designation of another Priority I Constable position as well as the Sergeant NCO position. »
La GRC n’a jamais retourné nos appels pour une entrevue. À l’heure actuelle, il est impossible de confirmer l’intention de l’entité fédérale de rétrograder les priorités des quatre postes bilingues.
« J’étais contre l’idée d’envoyer cette lettre à Ted Munro. Ça prouve que nous [les francophones] perdons littéralement des acquis en termes de ce que nous avions dans le passé. » a expliqué Michel Vézina, faisant référence aux quatre agents bilingues.
Enquête
Deux plaintes, celles de Michel Vézina ainsi que celle de l’Association communautaire fransaskoise de Gravelbourg (ACFG), ont été formellement déposées auprès du Commissariat aux langues officielles. Rappelons que l’Assemblée communautaire fransaskoise ainsi que la Table des élus ont donné leur appui à l’ACFG afin qu’une plainte soit déposée. Contacté par courriel, le Commissariat a indiqué qu’il enquêtait présentement sur le dossier.
La décision de la GRC a suscité de la grogne dans la communauté fransaskoise de Gravelbourg. Outre Michel Vézina et Maria Lepage, l’ancien maire de Gravelbourg de 2009 à 2014, Réal Forest, est déçu.
« C’est un début de réduction de services bilingues à Gravelbourg, et nous savons fort bien que lorsque nous ouvrons cette porte, c’est bien difficile de revenir en arrière. » a expliqué Monsieur Forest.
Il remet en question l’effort de l’autorité fédérale pour trouver des gendarmes bilingues pour sa communauté. À son avis, plusieurs gendarmes le sont et plusieurs peuvent le devenir en Saskatchewan.
« En province, il n’y a qu’une douzaine de communautés bilingues. Alors, qu’on ne puisse pas nous rendre ce service-là, c’est une déception pour moi. » rajoute monsieur Forest.
Pour le maire actuel de Gravelbourg, monsieur Dan Lamarre, la priorité est d’avoir du personnel en place pour assurer la sécurité de la population même si pour cela il faudra embaucher des agents unilingues.
Nous n’avons pas été en mesure d’obtenir la confirmation que les onze points de service désignés bilingues en Saskatchewan offraient bel et bien des services en français : Battlefords, Estevan, Fort Qu’Appelle, Gravelbourg, Maple Creek, Moose Jaw, Prince Albert, Rosthern, Saskatoon, Wakaw, Waskesiu Lake.*
Les services en français et la GRC
Ce n’est pas la première fois que la GRC fait les manchettes concernant ses services en français. En 2015, le détachement de Carman, au Manitoba, a été forcé d’offrir des services en français bien que le poste fut sur le point de perdre son statut bilingue.
À l’époque, les explications de l’autorité fédérale s’étaient résumées au fait que la population francophone était passée sous la barre des cinq pour cent requis pour assurer l’offre de services dans les deux langues officielles. Notons que le dernier recensement indique qu’il y a 20 % de francophones à Gravelbourg.
Le dossier a été réévalué à la demande du bureau national de la GRC ainsi que du Conseil du Trésor. Finalement, le statut bilingue a été maintenu.
En 2006, le Fransaskois Justin Bell a été interpellé pour un excès de vitesse par un gendarme. Ayant demandé à être servi dans sa langue, l’agent lui a répondu en allemand. Monsieur Bell a même été brièvement mis en état d’arrestation après qu’il eut répété sa demande.
Deux ans plus tard, il a eu gain de cause devant les tribunaux. Son histoire avait été grandement médiatisée à travers le pays.
*Source : Gendarmerie royale du Canada
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