La “Conversation”
Dans le “nouvel univers médiatique”, comment donc se démarquer?
La Direction de Radio-Canada nous convie à une assemblée publique de consultation (APC) sur “sa programmation et ses services”. Une rencontre à Edmonton, une web diffusion et le clavardage sont prévus en soirée du 29 avril 2014 pour échanger sur le thème:“Dans le nouvel univers médiatique, comment se démarquer en termes de programmation et de services prioritaires pour les citoyens francophones vivant en milieu linguistique minoritaire?” Quatre membres de la Direction y prendront la parole et répondront aux questions soumises par courriel au APC@radio-canada.ca.
L’invitation a d’abord été diffusée sur YouTube sous le titre
“Joignez-vous à la conversation !”
pour ensuite devenir
“Invitation à l’APC de Radio-Canada”,
cela après avoir suscité peu d’intérêt
.
La diffusion Twitter s’est faite sous
“Vous avez des questions pour les dirigeants de Radio-Canada? Participez à l’#APCRC.”
Aucune conversation ne s’en est suivie, ni partage des questions.
Pas même un élémentaire accusé-réception pour ma part ou un simple remerciement pour bien vouloir participer. Situation simulaire sur Facebook après avoir posé la question
“Quelles sont nos priorités en milieu linguistique minoritaire?”
Aucun membre de la Direction n’a appuyé la conversation, que cela soit par courriel, sur leur site web, sur YouTube, sur les pages Facebook (malgré une “question du jour”demandant qui prévoyait participer), ni sur Twitter. Aucun membre du personnel, aucun contractuel, aucun autre média, aucun travailleur du milieu associatif, et aucun internaute dans l’auditoire, outre bien sûr votre honorable serviteur. Coquille vide ou sinistre conspiration de la part d’un misérable canard grognon?
Plus tôt dans le mois, le comité sénatorial aux langues officielles #OLLO titrait un rapport par : “Les obligations linguistiques de CBC/Radio-Canada: Les communautés veulent se voir et s’entendre d’un océan à l’autre!”. L’organisme patrimonial peu connu pour publier de tels propos de brassage reprenait les demandes de nombreux témoins en réclamant des “changements dans les mécanismes existants de consultation et dans la culture organisationnelle”. Faut-il maintenant se surprendre de l'absence de couverture de la part du diffuseur public?
Aucun suivi non plus de la part du diffuseur public sur ce qui avait été discuté lors de la dernière ronde de consultation auprès du public et de ce qui en a résulté, ici dans l’Ouest ou ailleurs sur le réseau. Ni sur ce qui a résulté des dernières audiences du CRTC portant sur le renouvellement de la licence du diffuseur public. Ni sur le dernier rapport sénatorial. Bref absolument, aucun effort de conversation de la part de la Direction de Radio-Canada où cela pourrait faire une différence. Mieux vaut alors aller voir ailleurs…
Notons ici que l’exercice de consultation est imposé en vertu des obligations du diffuseur public auprès du CRTC, particulièrement suite à la principale doléance entendue plus tôt : le diffuseur public continue à couper en ne consultant jamais son fidèle auditoire. Un éditorial tout récent de l’Eau Vive analysait ainsi : “Que pourra bien donner la rencontre de consultation de la SRC [], puisque les décisions semblent prises en termes des postes coupés et des émissions affectées? Cette rencontre est-elle uniquement un exercice de relations publiques autour du thème Comment faire plus avec moins?”
Reconnaissons ici que le personnel de Direction de Radio-Canada a été formé dans l’ancien environnement médiatique où ce qui importait avant tout était le montage, selon le principal message que le bailleur de fonds désirait envoyer, peu importe l’état des lieux. Tout pour noyer le poisson et faire à croire : le script, les angles de la caméra, qui tient le micro et sous quel éclairage, les angles de couverture, le choix des interlocuteurs incluant le “modérateur” et finalement les choix de pupitre au montage. Le personnel de la Direction a été promu dans un tel système et continuera vraisemblablement à bloquer toute véritable tentative de changements tel qu’ils font depuis déjà longtemps.
Il ne faudrait donc pas se surprendre que la “culture organisationnelle” présente pointée du doigt par le comité sénatorial soit incapable de tenir une conversation hors des cadres du prémâché 1.0 qui leur sont si familiers. On prétendra néanmoins “être sur” YouTube, Facebook et Twitter, sans toutefois utiliser ce que ces médias sociaux permettent. Le personnel de Direction parle de “nouvel environnement médiatique” mais ne s’y est jamais investi en y participant pleinement. Un véritable usage du mot-clique #APCRC aurait certes été un bon début de leur part.
Le reste du monde médiatique, incluant l’organisme de réglementation a pourtant dû réapprendre à communiquer ces dernières années. Le signal envoyé par la Direction de Radio-Canada au personnel, contractuels et le reste (incluant l’auditoire) demeure donc: “ne vous investissez surtout pas dans le nouvel environnement médiatique, parce que nous ne le faisons pas et préférons couper". Le résultat à ce jour est que je demeure le seul francophone dans tout l'Ouest canadien à m'exprimer publiquement sur le web et sur les médias sociaux du diffuseur public en matière d'affaires publiques. Situation complètement ridicule qui perdure après plus de 10 ans!
Les problèmes du diffuseur public au delà de sa présence précaire en milieu minoritaire sont énormes, et la probabilité que quoi que ce soit change en milieu minoritaire est bien petite, i.e. la Direction a de plus gros problèmes! Le commentateur Andrew Coyne concluait récemment ainsi : “So the likelihood is that the CBC will go on like this, drifting and declining for years to come. Like Canada Post, like Via Rail and the other stranded assets that litter the public sector, it will limp on, purposelessly, through successive “action plans” and “reinventions,” for no reason other than that no one can be bothered to do anything else — and because no one expects them to.”
Dans un tel environnement, est-il naïf de croire que le milieu minoritaire puisse faire une différence?. Le diffuseur public ne se démarquera vraisemblablement pas positivement dans le “nouvel univers médiatique” en milieu minoritaire en continuant à communiquer avec des formules usées qui ne rejoignent plus, sans se soucier de l’impact démobilisateur de telles mesures. Tenir une véritable “conversation” semblerait de mise en 2014 pour se démarquer avant de prétendre être en mesure de “consulter” en matière de programmation et de services . Voyons voir #APCRC avant, pendant et après mardi soir le 29 avril pour savoir ce qu’il en adviendra.
“La crème fouettée dans la salle de bain n’est *pas* de la crème fouettée”
Henri le Chat Noir
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