La carpe de Prusse envahit les lacs saskatchewanais
L'équilibre ne tient qu'à un fil
La carpe de Prusse est une espèce invasive en Saskatchewan.
Crédit : Akos Harka
Une nouvelle ère commence, celle du déconfinement. Un plan de relance en 5 phases a été présenté par le premier ministre Scott Moe, dont la première commence en mai. Alors, outre la réouverture des services médicaux, des terrains de golf, des parcs et des campings, cette première phase offre l’occasion de pêcher, soit s’ennuyer des heures durant à regarder un ver dans l’eau, dans une tenue ridicule. Et cette liberté-là n’a pas de prix.
La pêche reprend ses droits en Saskatchewan. Munis de leur licence, les Saskatchewanais du sud pourront traquer le brochet, le doré ou encore la truite dès le mardi 5 mai tandis que nos amis du centre et du nord de la province devront ronger leur frein jusqu’au 15 et 25 mai, respectivement.
Dans un monde où tout va à deux cent mille à l'heure, la pêche est une des rares activités qui puisse permettre de nous recentrer sur ce qui compte vraiment. Alors, assis sur votre barque, bob vissé sur le crâne, la canne dans la main, la cannette dans l’autre, un combat s’engagera peut-être entre vous et l’animal.
Mauvaise pêche
Un combat intense qui vous verra vainqueur lorsque, épuisé, l’animal rendra les armes. Il se peut qu’à votre grand étonnement sorte de l’eau un gros poisson rouge d’environ 30 cm, à la teinte argentée et à l’allure ronchon. Vous n’avez jamais vu ce poisson de votre vie et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle. Vous venez peut-être de pêcher une carpe de Prusse ou carassin argenté, Carassius gibelio.
En effet, ce poisson de la famille des cyprinidés fait désormais partie de la triste liste des espèces de poissons invasives de la Saskatchewan avec la carpe commune et la carpe koï. Comprenez ici : une espèce introduite dans un milieu qui n’est pas son milieu d’origine et dont le développement peut nuire aux espèces et à la biodiversité locales.
Une menace dans nos eaux
Découverte pour la première fois en Saskatchewan en 2012 au Lac Diefenbaker, cette espèce est native d’une région s’étendant de l’Europe centrale à la Sibérie. L’inquiétude est d’autant plus grande que la carpe de Prusse se reproduit essentiellement par gynogenèse. L’ovocyte fécondé par le spermatozoïde duplique ses chromosomes et ne tient pas compte des chromosomes paternels. Le développement se réalise uniquement avec le génome maternel, d’ où une capacité de colonisation du milieu extrêmement rapide puisque le spermatozoïde d’autres espèces peut activer l’œuf.
Depuis leur introduction, les carpes prussiennes ont fait leur petit bonhomme de chemin, colonisant d’autres lacs en suivant le réseau des rivières. L’espèce a été retrouvée dans les lacs Stockweel et Anerley en 2018 où des centaines d’individus avaient été retrouvés morts après le dégel du printemps, laissant sous-entendre que des milliers y étaient présents, tout comme à Saskatoon.
L’espèce est responsable en Europe et en Turquie du déclin de cyprinidés autochtones par interférence dans la reproduction, par dégradation de l’habitation et par hybridation. Aussi, la province a décidé de prendre ce combat à bras-le-corps. Des recherches sur la carpe de Prusse sont actuellement en cours pour comprendre la façon dont l’espèce affecte l’écosystème de la Saskatchewan.
Chaque donnée compte. Transmettez ainsi toutes vos observations d’espèces invasives sur le site du gouvernement provincial ou par téléphone au 1-800-667-7561. Et si vous êtes sûr de l’identification, sortez le grill et le citron : vous contribuerez ainsi à la préservation de la biodiversité. On a connu plus exigeant comme bonne action.
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Arthur Béague
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