Influence francophone 2017: lever la barre, le véritable changement
L'Association de la Presse Francophone (APF) vient de publier sa troisième mouture de francos qui auraient le plus influencé la francophonie canadienne en 2017. La sélection est encore une fois “outaouesque”, institutionnelle, pure-laine et particulièrement mal branchée, compte-tenu de cette influence pourtant grandissante des médias sociaux. Vancouver, la troisième métropole du pays et toute la Colombie-Britannique demeurent complètement ignorés de par le choix du panel de sélection et de par les candidats retenus. Un juriste Ontarien et résident d’Ottawa choisi une année plus tôt y est repris sans plus, le méga-procès pourtant bien mort en 2017 avec un nouveau gouvernement provincial en place, etc. Les hommes n'en mènent pas large, ni les micro-bloqueurs/twitteux, ni les journalistes, ni les chercheurs, ni ceux qui oseraient brasser le moindrement hors des lieux communs du script institutionnel implacable: le carriérisme, le relationnisme, le clientélisme et la partisannerie.
L'influence de l'APF est elle-même plutôt suspecte quand elle bloque unilatéralement les twitteux qui dérangent ou se défend de ses abus de pouvoir dans la plus grande opacité de recours juridiques embarassants avec ses employés/contractuels, cela aux frais de l’État et sans aucune redevabilité. Aucun courrier de lecteur ou rétroaction n’a été publié/diffusé par l'organisme complètement financé par le bailleur de fonds habituel, alors que la presse écrite et les médias peinent à se maintenir, incapables de pertinence ainsi encadré. L'ajout d'une charte d'indépendance journalistique de leur média change peu une donne dominée par les “relations publiques”et les égoportraits venant de haut: le Premier-Ministre, la Ministre de Patrimoine Canadien (le principal bailleur de fonds) et les têtes dirigeantes du milieu associatif. Allez donc savoir la cote de cliquage de l’APF pour essayer de déterminer si la coquille est vide et comment se porte le village Potemkine.
Alors voici une perspective alternative aspirant à ladite «influence» : qui a vraiment essayé et parfois même réussi à lever la barre, un indice précurseur de véritable changement au niveau provincial et fédéral?
Sélection pan-canadienne :
- Serge Joyal : quoique peu branché, le Sénateur Libéral a été instrumental pour dénoncer publiquement le choix partisan de Madeleine Meilleur et le processus bidon&opaque suivi pour trouver le nouveau Commissaire. Il a réussi à monter la barre à partir de la chambre haute en étant l’ultime dernier à forcer la candidate partisanne retenue à finalement se désister et en mettant sous probation le nouveau commissaire au parcours gras-dur de bureaucrate également choisi à la suite d’un processus tout autant bidon&opaque, cela malgré les pressions partisanes de son ancien parti.
- Chantal Carey : quoiqu’outaouesque, la jeune universitaire étudiante en Droit et super branchée a mené une veille inestimable et soutenue des Langues Officielles dans les différentes chambres et comités alors que nos médias institutionnels ont dû dormir à l'ouvrage, faute de leadership média et de financement dans un environnement marqué par l’autocensure. Elle a véritablement monté la barre et déposé les plaintes requises forçant le jeu de pouvoir. Une multitude de journalistes, de chercheurs, d'organismes porte-parole et de politiciens ont dépendu de son travail de chien-de-garde infatiguable.
- Pierre-Karl Péladeau : quoique québécois souverainiste, le magnat des médias a été instrumental pour signaler publiquement l’injustice du traitement privilégié accordé au géant américain Netflix par Patrimoine Canadien et le gouvernement Libéral fédéral, sans aucune obligation de taxation, ni de production de contenus pertinents. Il a de plus réussi à maintenir une diversité dans le paysage médiatique francophone canadien autrement dominé par Radio-Canada et le patrimoine “GESCA” alors que la scène médiatique canadienne est en plein bouleversement, sinon moribonde.
- Michel Doucet : quoiqu’issu du milieu institutionnel et étroitement associé au puissant lobby des juristes sévissant dans la francophonie canadienne, le libre-penseur et micro-blogueur est monté aux barricades provinciales (NB) et fédérale lors de multitude de bavures de gouvernance des Langues Officielles. Il a pu appuyer des jeunes brasseurs, chercheurs et journalistes dans leur travail le plus souvent ingrat, cela malgré les pressions du milieu institutionnel, incluant le puissant lobby.
- Jean-Pierre Dubé : quoiqu’étroitement associé au milieu médiatique institutionnel, le manitobain d'origine, super branché et maintenant exilé en Suisse a « monté le ton » à maintes reprises sur le véritable état des lieux des francos vivant en milieu minoritaire durant le 150ième. Il a su demeurer pertinent pour les derniers intéressés à la francophonie canadienne malgré d'énormes pressions d'auto-censure pour un contractuel sujet à la domination implacable des relations publiques et du bailleur de fonds habituel.
- Guy Badeaux (Bado) : quoiqu’outaouesque, le caricaturiste de l'APF a bien pris la relève de l'excellent Michel Lavigne. Incisif malgré d'énormes pressions d'auto-censure, il a réussi similairement à son collègue Dubé à porter un regard critique capable d'accompagner dans nos affaires publiques les plus vitales.
- Jagmeet Singh et Andrew Sheer : bien bilingues, les deux nouveaux chefs de parti ont relevé d'énormes défis de crédibilité et ont été de grands instigateurs de changement au sein des langues officielles en menant entre autres les charges sur les nominations partisanes d'agents du Parlement et sur le projet de loi portant sur le bilinguisme des juges à la Cour Suprême. Singh était particulièrement inspirant en matière de « signes ostentatoires » au Qc, de la position de son parti sur la diversité culturelle&linguistique et d'inclusivité. Rappelons ici que Elizabeth May, la Chef des Verts n'a pas eu le courage de voter sur le projet de loi portant sur le bilinguisme des juges à la Cour Suprême. Sheer a permis la dissidence dans son Parti qui a agi comme excellent chien de garde en matière de LOs en comité parlementaire et sénatorial, en l'absence de leadership de Justin Trudeau, de Mélanie Joly et de tant de députés libéraux carriéristes.
- Benjamin Vachet, Etienne Fortin-Gauthier, Jean-François Morrissette et Sébastien Pierroz : les journalistes de TFO réussissent depuis plusieurs années à maintenir un regard critique sur la francophonie canadienne (et ontarienne) malgré la tâche ingrate et le peu de soutien. Ils sont souvent les premiers sinon les seuls à couvrir nos affaires publiques. Ils lèvent ainsi la barre pour que le principal diffuseur public porte attention. UNIS Couleurs Locales et l’APF ont également ainsi un meilleur exemple à suivre.
- Rino Rossignol, Jeanne d'Arc Gaudet, Rosella Melanson, Frédérick Dion, Cyrille Simard, Jean-Guy Duguay, Eric Forgues, Rémi Léger et Mathieu Wade: une multitude d'Acadiens ont su animer la “conversation” sur les médias sociaux tel Twitter, une plate-forme d'influence et “barricade numérique” largement évitée par nos médias institutionnels tels Radio-Canada et l'APF. Nos journalistes, organismes de gouvernance et politiciens intéressés aux LOs ont souvent bénéficié de ce travail de terrain. Aucun équivalent dans tout l'Ouest canadien et beaucoup moindre en Ontario, outre quelques chercheurs autrement isolés.
- Dean Louder : francophile émérite, natif du mid-west américain et longuement établi/intégré au Québec, le parfait ambassadeur nous a quitté au printemps dernier et laisse un héritage imposant. Le « parrain de la Franco-Amérique » a constamment appuyé le travail d'une multitude de francos oeuvrant dans l'ombre de nos institutions partout à travers le continent. Sa disparition a à peine été signalée, sinon complètement évitée par nos médias, malgré une énorme influence jadis notée par Serge Bouchard, la grande personnalité média québécoise. Pierre Allard et Jean-Paul Perreault ont également été complètement évités en fin de carrière, malgré d’importantes réalisations.
Sélection britanno-colombienne :
- Charles Demers : la personnalité média native de Colombie-Britannique est multi-plateforme, super-branchée et engagée politiquement. Quasiment aussi à l'aise en français qu'en anglais, le bi-culturel utilise l'humour pour faire passer la pilule. Fils de québécois exilé professeur en immersion, marrié à une canadienne d'origine asiatique, le produit de «french immersion» a grandement contribué à rendre le français tellement plus « cool » à CBC et sur ICI que l'image largement passée date la plus souvent projetée par nos portes-paroles et médias...
- Olivier Audibert : le fondateur de Olivier's Bread a réussi à établir au cours des dernières années une boulangerie commerciale « française » d'envergure se distribuant à travers de multiples réseaux dans tout le grand Vancouver, mettant à l'honneur le savoir-faire et l'apport de la nouvelle immigration francophone. La langue y est même promue. Audibert s’est distingué parmi plusieurs francos actifs en matière de restauration/agro-alimentaire/bio (e.g. Jean-Christophe Poirier/St-Lawrence, Faubourg, Plaisir Sucré, Baguette&Co, Chez Christophe, Baguette&Echalotte, Yves Potvin vegidog, Le Crocodile).
- Michel Bouchard : l'universitaire anthropologue de UNBC s'est illustré plus tôt comme co-auteur de « Songs Upon the Rivers », une tentative de réparation de l'Histoire oubliée/enterrée des francophones/métis d'Amérique, malgré peu d'appuis institutionnel ou média tel qu'illustré ou évité durant les célébrations du 150ième. Le natif de l'Ouest canadien a eu le courage de postuler lors du dernier pow-wow du Commissariat aux Langues Officielles devant tout le gratin que la dualité linguistique importait beaucoup dans les symboles mais à peu près pas dans la réalité, donc cet enterrement des francophones/métis canadiens au temps présent!
- Lorraine Fortin: l'infatiguable artisanne de Vision Ouest et partenaire de Régis Painchaud continue avec la vingt-quatrième édition du Rendez-Vous du Cinéma québécois et francophone, parmi une multitude d'initiatives de diffusion d'une entreprise sociale franco malgré peu d'appuis en bout de ligne après tant d'efforts. Elle représente un exemple sans pareil de persévérance et de persistance.
- René Digard : l'entrepreneur en développement touristique/historique établi depuis longtemps en Colombie-Britannique, anciennement de la Société de Développement Économique (SDE), a élaboré depuis un an des couches de cartes Google retraçant la présence francophone/métis en Colombie-Britannique. Ses cartes ont attiré l'intérêt au sein du nouveau gouvernement provincial, dont Adrian Dix, l'ancien directeur de Canadian Parents for French (BC). De plus, il anime depuis son retour d’un exil en Jordanie la page Facebook de la Société Historique Francophone de Colombie-Britannique, malgré peu de soutien. Il contribue à dynamiser en matière de numérique l'organisme associatif qui en avait bien besoin, tout comme le reste du secteur associatif...
- Joanne Plourde : l'infatiguable artiste média continue héroiquement la promotion de la culture et de l'Histoire des Voyageurs du Pacific Nord-Ouest malgré peu d'appuis. La travailleuse de l'industrie du film continuait plus récemment avec la promotion du premier établissement « canadien » dans le Sud-Ouest de la Colombie-Britannique: Derby ou le tout premier Fort Langley.
- Esther Duquette : la directrice de l'organisme associatif le plus dynamique en Colombie-Britannique a bien pris la relève de Craig Holzschuh et continue à prendre des risques sur la scène théâtrale de diffusion et de production. Le groupe est bien reconnu dans toute la communauté vancouvéroise pour faire rayonner la culture et la langue de façon dynamique au sein d'une clientèle de plus en plus métissée/francophile.
- Rémi Léger : le chercheur et professeur associé de SFU a osé lever le ton lors de multiples occasions en 2017, notablement suite à la consultation bidon “fourre-tout” des LOs tenue en 2016, la pénible saga de la recherche du prochain commissaire, l'absence de leadership et manque flagrante de vision du gouvernement libéral, cela malgré un financement dépendant en grande partie du bailleur de fonds habituel, pour les publications, recherches, colloques/junkets, rendez-vous des leaders provinciaux&fédéraux et autres pow-wows. L'Acadien d'origine a pu devenir l'éditeur/rédacteur du périodique institutionnel influent et outaouesque: « L 'Erudit ».
- Alexandre Gagnon : l'animateur du Débrief quotidien de CILS-FM (Victoria) a eu le courage de couvrir à multiples reprises des sujets ou perspectives autrement évités par nos deux principaux médias francos en Colombie-Britannique, i.e. ICI et The/La Source. Cela malgré l'appartenance institutionnelle et associative du média opéré en grande partie par des volontaires.
- Mamadou Gangué : l'ancien journaliste de Radio-Canada devenu relationniste au gouvernement provincial continue infatiguablement depuis près de 20 ans à opérer en catimini un journal bi-mensuel bilingue axé sur promotion de la diversité (ou multiculturalisme). Frappante est la qualité rédactionnelle et graphique du seul média approchant le “communautaire”, capable de mobiliser et d’influencer une multitude de volontaires, souvent de nouveaux arrivants francos maitrisant toujours leur français écrit. Cela malgré le déclin de la presse écrite, et des revenus publicitaires gouvernementaux. Peu de soutien toutefois, dans le fonds, à l'image du lectorat ainsi reflété.
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