Août, un repas à la campagne : une comédie humaine qui a de la substance
Une production communautaire de La Troupe du Jour
La distribution de la production communautaire Août, un repas à la campagne
De gauche à droite :Frédérique Baudemont (Paulette), Catherine Godbout (Louise), Francis Denis (Gabriel), Jolaine Beausoleil (Josée), Marielle Gauthier (Monique), Roger Gauthier (André); derrière : Dominique Turcotte (Jeanne), Guy Verrette (Simon)
Photo: La Troupe du Jour / Émilie Lebel
Chapeau à Denis Rouleau, directeur artistique, d’avoir choisi une pièce parfaite pour le volet communautaire de La Troupe du Jour cette saison. On félicite également la poignée de comédiens (avec des expériences diverses du théâtre) qui interprètent des personnages dans une situation qui se présente de prime abord comme une simple comédie de famille : d’abord un ‘running gag’ au sujet des clés, puis quatre générations rassemblées pendant une chaude après-midi du mois d’août! Quoi de plus anodin pour annoncer des alliances, des conflits et des secrets dans la voix et le parler de cet éventail d’âges et d’attentes sociales.
Franchement, vous allez vous reconnaître ou reconnaître quelques-uns de vos proches dans les personnages que vous trouverez sur cette véranda particulière pour ce repas à la campagne. L’auteur, le Franco-Ontarien Jean-Marc Dalpé*, prête une oreille fine aux voix et aux rengaines, non seulement des générations, mais aussi des personnes faisant partie de cette famille unie par le sang ou le mariage. Évidemment, ce mélange produira des chicanes, comiques ou autres. Le génie de la pièce, c’est qu’elle invite pleinement à rire tout en offrant des réflexions sérieuses.
Pour le jeu, il y a des moments hilarants et tempétueux où se révèlent des secrets et les pensées intérieures des couples mal assortis. Puis, il y a des silences, osés pour le théâtre, mais d’une justesse magique et aussi révélateurs que l’entassement des voix les unes sur les autres. Quelle cacophonie de famille! Pour l’interprétation vocale on pourrait souhaiter que tous les comédiens se rendent compte que le Studio 914 est une petite salle et que l’on n’a nullement besoin de projeter la voix. Leur articulation suffit largement à la compréhension. Les moments les plus réussis sont ceux où on parle avec un simple ton conversationnel, ce qui donne par contraste un effet encore plus fort aux éclats de crise ou de colère. À cet égard, je voudrais signaler le soliloque de Gaby (Francis Denis) et ce que j’appellerais le sermon d’André (Roger Gauthier) qui résonnent le plus fort, étant livrés d’une voix naturelle et archi-vraisemblable.
Soliloque? Oui, chaque personnage en a un. Les comédiens y témoignent d'une sincérité et un travail de caractère évidents. Par contre on pourrait bien questionner la décision scénique de signaler ces moments clés – à peut-être une exception près – par un éclairage particulier. La pièce, tellement bien écrite, n’a pas besoin de cet artifice : un peu distraite ou inconsciente, une personne pourrait parler (vaguement) à une autre et ce serait à celle-ci d’entendre ou non, d’écouter ou non, de comprendre ou non, et finalement de réagir… ou non. C’est comme ça dans la famille, non?
Et voilà, on arrive au centre moteur de la pièce : l’ambiguïté, l’élément le plus fort qui marque la conclusion troublante de la pièce. De nos jours surtout, elle devrait provoquer des discussions! Si j’avais à mettre la main sur la production, j’ajouterais une autre couche d’ambiguïté. Si les personnages souffraient visiblement des effets de la canicule, cela nous mènerait à nous demander si la chaleur, ajoutée à la pression des sentiments refoulés, les a poussés à choisir cet après-midi précis pour succomber aux crises inévitables et aux aveux fâcheux.
Août, un repas à la campagne est une présentation comique d’une rare richesse: une comédie humaine qui a de la substance et qui mérite nos applaudissements dans le choix et dans le jeu.
*Jean-Marc Dalpé, récipiendaire du Prix du Gouverneur général en 1988 pour sa pièce Le chien et en 2000 pour son roman Un vent se lève qui éparpille.
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Ian C Nelson
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