L’eau potable : une ressource précieuse, mais fragile en Arctique
Iqaluit
Crédit : Gabrielle Poulin
Alors qu’Iqaluit est en état de crise depuis plus d’un mois en raison de la présence d’hydrocarbures dans son eau, les diverses collectivités de l’Arctique canadien doivent, elles aussi, composer avec certains enjeux reliés à l’accessibilité à l’eau potable, comme la modernisation de leurs infrastructures ainsi que l’émission d’avis d’ébullition.
La situation vécue par les Iqalummiuts aura néanmoins permis d’amorcer une réflexion dans les trois territoires afin de travailler à l’amélioration des systèmes d’alimentation en eau et de se préparer à l’éventualité d’un scénario similaire.
Iqaluit privée d’eau potable
Au début du mois d’octobre dernier, la municipalité d’Iqaluit a reçu des plaintes de citoyens signalant la présence d’une odeur s’apparentant à du carburant provenant de leur eau courante.
Dans un message d’intérêt public, la municipalité avait alors affirmé que la qualité de son eau répondait à toutes les normes en vigueur, mais qu’elle continuerait de surveiller la situation en procédant à des essais supplémentaires.
À la suite de prélèvements réalisés dans le système de filtration de l’eau municipale, le ministère de la Santé a confirmé, le 15 octobre, des concentrations élevées de divers contaminants aux hydrocarbures dans l’un des réservoirs, forçant ainsi la population à s’approvisionner en eau embouteillée ou encore, à consommer de l’eau bouillie puisée à même la rivière Sylvia Grinnell, qui est située approximativement à six kilomètres du centre-ville d’Iqaluit.
Néanmoins, la situation pourrait bientôt se rétablir puisque la municipalité a annoncé, le 2 novembre dernier, que l’eau de la municipalité respectait à présent les recommandations canadiennes concernant la qualité de l’eau potable.
Dans un message d’intérêt public publié le 5 novembre, le ministère de la Santé informe la population qu’il a été demandé à une tierce partie d’évaluer le rapport d’enquête sur le terrain de la ville d’Iqaluit soumis à l’administrateur en chef de la santé publique (ACSP), le 4 novembre. Les résultats ne devraient pas être connus avant le 12 novembre prochain.
Les problèmes liés à l’accessibilité à l’eau sont courants à Iqaluit. Alors que l’eau du réseau est pompée dans le lac Géraldine, il devient parfois difficile de le faire lorsque le niveau du lac est trop bas, ce qui survient, notamment en hiver.
En 2019, afin de pallier ce problème, la municipalité a pris la décision de pomper également l’eau de la rivière Apex, mais cette dernière mesure n’est pas suffisante.
«La municipalité d’Iqaluit travaille actuellement sur une solution pour notre approvisionnement en eau à long terme, avec différentes études et évaluations en cours», déclare le responsable intérimaire des communications et du service à la clientèle à la municipalité d’Iqaluit, Geoffrey Byrne.
Doit-on craindre un scénario similaire ailleurs dans l’Arctique canadien?
Du côté du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (GTNO), on affirme que la majorité des collectivités ont récemment remplacé ou modernisé leurs usines de traitement de l’eau, et que ce travail se poursuivra à mesure qu’une infrastructure atteint la fin de sa durée de vie utile.
«Depuis 2001, le GTNO travaille avec des collectivités qui n’avaient pas d’usine de traitement de l’eau conforme aux lignes directrices, ce qui a donné lieu à seize nouvelles usines et à sept améliorations. Chaque collectivité reçoit un financement annuel destiné à l’exploitation et à l’entretien des services d’aqueduc et d’égout», indique l’agent des communications au ministère des Affaires municipales et communautaires du GTNO, Jay Boast.
Alors que la communauté de Colville Lake présente un avis d’ébullition préventif permanent depuis le 6 juin 2014, en l’absence de soumission de résultats d’analyse prouvant la salubrité de son eau, il faut remonter au printemps 2015 pour trouver un avis de la sorte à Yellowknife.
«Les avis d’ébullition de l’eau ne sont pas fréquents, mais quelques collectivités connaissent généralement une turbidité élevée de leur source d’eau pendant la saison du ruissèlement printanier, ce qui peut entrainer un avis d’ébullition saisonnier», précise M. Boast.
Par ailleurs, la Première Nation K’atl’odeeche et les localités de Kakisa et d’Enterprise sont desservies par l’usine de traitement des eaux de Hay River ; elles figurent toutes sur le répertoire d’avis d’ébullition de l’eau en cas de problème décelé à cette usine.
La situation est similaire à Whitehorse alors qu’on affirme qu’une ancienne infrastructure qui ne présente pas de risque pour la qualité de l’eau ou la santé sera remplacée ou modernisée au fur et à mesure que le budget sera disponible. Dans la capitale du Yukon, aucun avis d’ébullition n’a été émis depuis des décennies.
«Notre sécurité en eau est renforcée par notre accès aux puits d’eau souterraine plutôt qu’à l’eau de surface. Nous envoyons occasionnellement des notifications d’augmentation temporaire de la turbidité lors de la maintenance du système, car des sédiments peuvent être perturbés à l’intérieur des conduites de distribution d’eau, mais, dans ces circonstances, la qualité de l’eau reste conforme», explique la gestionnaire aux Services d’eau et de déchets à la Ville de Whitehorse, Karen Furlong.
Se préparer en cas d’urgence
Jay Boast affirme que le ministère des Affaires municipales et communautaires du GTNO aide et soutient les communautés pour la mise à jour et l’actualisation des plans d’urgence communautaire. Il entame actuellement le prochain cycle du processus d’évaluation des risques d’identification des dangers.
«Il est prévu qu’il y aura un examen après action et nous avons prévu d’examiner ce document pour les recommandations applicables et les leçons apprises», déclare-t-il.
En observant la situation de l’eau à Iqaluit, la municipalité de Whitehorse s’affaire à mettre à niveau son plan d’intervention en cas d’urgence relative à l’eau, afin de s’assurer qu’il soit à jour.
Il faut qu’il reflète les circonstances dans lesquelles un avis d’ébullition pourrait être déclenché, tout en poursuivant son travail d’amélioration de ses infrastructures.
«Nous concevons également un système de traitement de l’eau plus robuste qui offrira des protections supplémentaires et se conformera aux règlementations et directives actuelles plus strictes tout en nous permettant de puiser dans les eaux de surface si nécessaire», conclut Mme Furlong.
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