Jérôme Melançon, en révolte contre le poids de la langue
Le lancement du recueil a eu lieu en ligne.
Crédit : Capture d’écran
Le professeur associé aux études francophones et interculturelles à la Cité universitaire francophone de l’Université de Regina sort son troisième recueil de poésie intitulé En d’sous d’la langue aux éditions Prise de parole. Le lancement du recueil, animé par la poète et éditrice Chloé LaDuchesse, finaliste du Prix de poésie de la gouverneure générale et du Prix des libraires, a eu lieu le 2 décembre en ligne. Rencontre avec un auteur inspiré par la pluralité de la langue française qui veut se défaire des normes.
C’est donc votre troisième recueil de poésie. En quoi cet ouvrage se distingue-t-il des deux précédents ?
Les premiers étaient surtout basés sur la forme et les contraintes liées à l’écriture. Je cherchais encore ce que j’avais à dire sans vraiment avoir trouvé. J’ai décidé de mieux penser à ce que je voulais produire. J’ai commencé à soumettre des poèmes en 2020 pour des révisions, pour finalement arriver à quelque chose d’abouti en 2021.
La couverture du recueil de poésie En d’sous d’la langue
Crédit : Courtoisie
En d’sous d’la langue, voilà un titre mystérieux. De quoi le recueil parle-t-il ?
Il parle de toutes les normes et exigences qu’on impose autour de la langue française, tant au niveau de la langue et du style que de l’identité – cette question d'être francophone et de parler français. Tout cela se place dans l’incertitude, car je n’ai rien à revendiquer en tant que tel. Je voulais ouvrir une brèche pour voir ce qu’on pouvait dire à propos de cette pluralité linguistique.
En tant qu’intellectuel et Fransaskois d’adoption, vous participez souvent à des tables rondes et à des conférences organisées par l’Université de Regina et les organismes communautaires. Par quoi votre implication est-elle motivée ?
Mon implication dans le milieu communautaire est bien évidemment liée à mes recherches universitaires, mais pas seulement. D’un point de vue personnel, j’essaye de m’impliquer le plus souvent possible auprès de personnes ou d’organismes qui peuvent bénéficier de ma voix pour parler de l’état actuel des choses.
Quels sont justement les sujets qui vous tiennent à cœur ?
Je souhaite avant tout aider. En tant que personne très privilégiée selon les axes sociaux, politiques ou religieux actuels, j’ai la chance de ne pas avoir à changer beaucoup de choses pour que ma vie soit meilleure et je pense que tout le monde devrait avoir cette chance.
Mes travaux les plus récents portent sur ces relations sociales entre les gens et les communautés — francophone ou autochtone — où il reste encore des choses à régler. Mes travaux portent également sur le racisme ou encore le sexisme, qui sont souvent des sujets oubliés, mais bien présents au sein de la francophonie.
La poésie est-elle présente chez vous depuis toujours ou a-t-elle fait irruption tardivement ?
Jérôme Melançon, professeur et poète
Crédit : Art of Headshots
C’est une pratique qui me suit depuis longtemps. J’ai commencé à écrire de la poésie lorsque j’étais au cégep [collège d’enseignement général et professionnel] au Québec, tout à fait par hasard, après avoir lu des poèmes de Baudelaire dans mon cours de littérature. Ça a éveillé quelque chose en moi et, depuis, je n’ai jamais vraiment arrêté d’écrire.
Pour moi, la poésie, c’est pouvoir poser des questions qui sont parfois très similaires à ce que je peux aborder dans mes cours de philosophie ou de sciences sociales. Ce médium me permet de rejoindre différemment les questions qui m’habitent.
Vous êtes récemment devenu chroniqueur pour Francopresse. Ce nouveau rôle comble-t-il un besoin de vous exprimer sur la scène franco-canadienne ?
Oui, tout à fait. J’ai écrit plusieurs dizaines de chroniques et articles dans différents médias avant Francopresse. C’est important pour moi, je fais partie d’une tradition philosophique engagée à travers la philosophie existentialiste.
Une grande partie du travail de remise en question se fait dans les médias populaires, dans une tentative de donner aux gens plus d’outils pour comprendre les situations qui les entourent. Je me sens très chanceux de pouvoir maintenant le faire au travers de Francopresse.
Parfois j’énonce des opinions qui peuvent faire jaser, mais la plupart de mes chroniques sont moins au niveau de l’affirmation que de la proposition. Pour moi, on doit trouver les moyens d'être fidèle à qui on est tout en remettant en question la façon dont on se pense.
Avez-vous d’autres projets à venir ?
J’ai toujours trop de projets en même temps ! J’ai un projet poétique en cours qui est en rapport avec la question du territoire, et un autre en anglais qui porte sur le langage. Je travaille également, et ce depuis bien trop longtemps, sur un livre portant sur la réconciliation.
Le recueil de poésie En d’sous d’la langue est publié aux éditions Prise de parole.
Poème intitulé Depuis, extrait du recueil En d’sous d’la langue de Jérôme Melançon
y’ reste du monde pour peupler
tous les hôtels Capri, tous les Commodore
tous les motels fait’ en coin
même sans les grosses chaises rondes oranges
même sans pay-per-view
pour abandonner des aires de tabac
trois fois plus grosses qu’eux autres
aussitôt qu’a’ sont créées
pour m’conter des histoires
le long d’la rue Marion
dix minutes après l’ouverture d’la régie des alcools
pour m’donner un conseil
ferme
dans un grand partage des eaux :
arrête pas d’aimer
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Leslie Diaz
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