Le cheveu sur la soupe
Ian C. Nelson
Thierry se vantait toujours d’aller à contre-courant de toute entreprise. « Je suis le cheveu sur la soupe, » disait-il quand on s’arrêtait net devant son intransigeance dans n’importe quelle circonstance. « C’est mon caractère, que veux-tu ? » gloussait-il, fier de son esprit de contrariété.
Bien qu’il impressionnât ses professeurs par ses prouesses dans les mathématiques, il s’obstina à suivre des études en psychologie avec une spécialisation en écriture autobiographique, genre qu’il affectionnait éventuellement avec une certaine ambition personnelle.
Quand il atteignit la majorité, sa mère lui dit qu’il n’était certes pas fait pour le mariage. Sur-le-champ, il trouva une pauvre jeune fille et l’épousa pour la rendre, notamment, malheureuse pendant une vingtaine d’années.
Il continua sa carrière académique. Aux conférences de psychologie et de littérature où on le convoquait, il continuait son train. Dans les discussions, il était toujours le membre le plus vociférant sur le panel « contre ». Et au bar des convives après, c’est lui qui commandait la bière quand tout le monde buvait du vin et c’est lui qui commandait tout un repas quand les autres se contentaient de grignoter des tapas. On constatait, par le scintillement de ses yeux, qu’en faisant cela, il se croyait avoir fait encore un coup pour son indépendance.
La semaine dernière son médecin lui dit qu’il vivrait aisément jusqu’à l’âge de quatre-vingt-dix ans.
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Ian C. Nelson
Décédé le 1er février 2024, Ian C. Nelson était metteur en scène et acteur bilingue (plus de 115 mises en scène et 130 rôles) et était membre du comité qui a mis sur pied la revue À ciel ouvert.. Il a animé le Cercle des écrivains de la Troupe du jour pendant plusieurs années. Sa propre pièce La Chambre blanche a reçu le prix SATA (Saskatoon Area Theatre Award) 2013-2014 pour la dramaturgie. Récipiendaire d’un « Lifetime Achievement Award » en 1996, il a été intronisé en 2014 au Temple de la renommée du Théâtre Saskatchewan en reconnaissance de ses activités dans le développement du théâtre en français et en anglais en Saskatchewan. Des exemples de ses micronouvelles (devenu son genre préféré) ont été publiés dans À ciel ouvert, la chronique « Horizons » de l’Eau vive, et dans Bref! (Éditions du blé, Saint-Boniface).
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