Le grand « capitaine Nelson » du théâtre fransaskois
Marie-Diane Clarke
Ian C. Nelson (1942-2024)
Photo : courtoisie
Le dramaturge et écrivain Ian C. Nelson, Anglais d’origine et Fransaskois d’adoption, est à l’origine d’une productivité colossale. À 80 ans, l’ampleur de son travail d’acteur, de chanteur, de metteur en scène, d’auteur, de juge de festivals, d’animateur d’ateliers et du Cercle des écrivains, que ce soit en français ou en anglais, le place parmi les hommes de théâtre les plus respectés dans l’Ouest canadien. Retour sur cinq décennies de vie de théâtre.
Ian Nelson a passé ses premières années à Londres, en Angleterre. Son père servant dans l’armée canadienne, il se retrouve en Saskatchewan en 1946, grandit à North Battleford, puis s’installe à Saskatoon.
Pendant ses études secondaires, il solidifie sa passion pour le théâtre et le français. Son diplôme Honours en français de l’Université de la Saskatchewan en poche, il se rend à McGill pour ses études supérieures.
En 1969, un poste de bibliothécaire académique le ramène à l’Université de la Saskatchewan. Peu après, il fonde Unithéâtre, une compagnie universitaire de théâtre amateur qui allait donner naissance, en 1985, à la Troupe du Jour, la compagnie théâtrale francophone professionnelle de la province.
Les représentations de sa première mise en scène pour le Bal des voleurs ont lieu au printemps 1970. C’est pour Ian Nelson le début d’une longue aventure artistique et créative qui durera plus de cinq décennies.
Une créativité sans pareille
En 1996, dans un article de L’Eau vive, Cécile Boukhatmi évoquait le « phénomène Nelson », tout en peignant le portrait d’un artiste qui « fait du théâtre comme il respire ».
C’est cette même année que le dramaturge a reçu, lors du Saskatchewan Theatre Festival à Humbold, le TheaterFest Janet-Laine Green Lifetime Achievement Award pour ses trente-cinq années de travail au sein de la communauté théâtrale.
Moins de vingt ans plus tard, en avril 2014, Ian Nelson a été intronisé au sein du Temple de la renommée du théâtre de la Saskatchewan. Plus récemment, en juin 2021, l’un des prix de l’édition 2021 des Saskatchewan Book Awards lui a été décerné pour sa collection de micronouvelles intitulée Contes bleus à encre économe.
L’auteur, qui a remporté bien des prix, a passé plus de cinquante ans à parcourir et à couvrir d’encre des milliers de pages, à créer mises en scène, rôles et fictions pour raconter une passion qui reflète l’esprit de résilience du Fransaskois dans les Prairies.
C’est cette passion intarissable qui a animé Ian Nelson d’une saison à l’autre dans le milieu théâtral de la Saskatchewan. Une passion contagieuse qui a permis à la Troupe du Jour de se distinguer durant plusieurs compétitions d’art dramatique provinciales et nationales.
La transmission du français
Avec les comédiens d’Unithéâtre, Ian Nelson a foulé les planches de bien des théâtres, en français et en anglais, en Saskatchewan et ailleurs au pays, en France et en Norvège.
Le metteur en scène a été accueilli par plusieurs communautés francophones lors de tournées provinciales, donnant du théâtre classique de la France et du Québec à une époque où les autres théâtres de Saskatoon ne produisaient guère des œuvres francophones.
C’est toujours avec une grande énergie et générosité que Ian Nelson a porté plusieurs chapeaux au sein d’Unithéâtre. Celui du metteur en scène qui finit par être aussi producteur, administrateur et scénographe, celui de l’éducateur ou du conseiller pour venir en aide aux dramaturges et metteurs et metteuses en scène émergent·e·s, et celui de promoteur de la langue française.
Un metteur en scène hors du commun
Après avoir géré une quinzaine de mises en scène avec Unithéâtre, Ian Nelson s’est tourné vers l’opéra et d’autres troupes théâtrales non universitaires telles que Gateway Theatre et la Troupe du Jour.
Jusqu’à présent, Ian Nelson a conçu plus d’une centaine de mises en scène. Grâce à ses compétences et à son expérience de la scène et du commandement hautement efficaces, le grand capitaine Nelson a toujours su mener à bon port son équipage et ses passagers.
Se donnant la mission d’être un « théâtre de création en développement », la Troupe du Jour n’a donc pas hésité à confier à ce maître de la scène le rôle de conseiller dramaturgique, d’animateur d’ateliers et du Cercle des écrivains en 2000.
La compagnie et les communautés fransaskoises vivaient alors une époque de changements, découvraient la nouvelle définition du Fransaskois entérinée par la Commission sur l’inclusion de la communauté fransaskoise en 2006 qui répondait à l’augmentation du pourcentage des couples exogames, des jeunes étudiants d’immersion et des nouveaux arrivants.
Cette époque se préparait à la mise en place en 2007-2008 du système de surtitrage, accélérant le mouvement bilingue et multiculturel du théâtre fransaskois. Ian Nelson a activement participé à ce mouvement, employant sur la scène des stratégies qui alliaient français et anglais.
Durant sa carrière d’homme de théâtre et d’écrivain, Ian Nelson n’a jamais cessé de produire. Une production pour les communautés théâtrales et fransaskoises auxquelles il a ouvert les portes de son âme. Et celles-ci le lui ont bien rendu : « J’ai été enchanté d’être accepté comme Fransaskois par les Fransaskois », avait-il ainsi lancé en entrevue à Radio-Canada en juillet 2020.
Ce texte a originalement été publié dans l’Eau vive du 18 août 2022.
183