Pow-wowland du vingtième siècle
En 1920, célébration du centenaire, cadence du temps,
commémorant le moment
quand tout a changé.
Une rupture, renommer le territoire, violemment apprivoisé.
Découpé et revendiqué, colonisé, l’état du Maine.
Deux visages aux regards fixes, des enfants, couleur sépia,
qualité muséale, collés aux pages.
Fille et garçon froncent le sourcil devant l’œil de la caméra,
lentille rigide de l’histoire, une arme dangereuse.
Trente ans depuis la dernière grande danse dans les Dakota,
quand les balles voyageaient plus rapidement
que la lumière qui a figé ces deux êtres.
Rassemblant les fantômes, les suppliants ont enterré leurs cœurs,
sont morts sur la terre gelée.
La lumière captive éblouit ces jeunes yeux,
révèle leurs sourires à moitié grimaces.
Disparus, le wigwam en écorce de bouleau,
le tipi en peau de buffle.
Avec comme arrière-plan une tente en jute, les fossettes
du garçon sont badigeonnées de peinture de « guerre »,
il se tient droit à côté de sa sœur, cousine.
Les tresses de la fillette sont parées de plumes de pacotille.
Les enfants prennent la pose maintenant,
une cérémonie à grand spectacle remplace la guerre.
Le loup est une légende qui porte
la robe d’un chien tenu en laisse,
et les yeux impassibles des guerriers sont maintenant clos,
sa poigne inébranlable vide, son cri de bataille
à présent silencieux dans ce cliché terni,
ce pow-wowland du vingtième siècle.
Texte : Mihku Paul
Illustration : Emily Sanipass
Traduction : Sophie M. Lavoie
Mihku Paul
Mihku Paul (1958-) est une poète wolastoq (malécite) qui vit au Maine. Sa famille est originaire de Kingsclear au Nouveau-Brunswick et elle est membre de cette réserve depuis les amendements de 1985 à la Loi sur les indiens. Le poème original en anglais a été publié dans le recueil éponyme (20th Century PowWow Playland, New York: Bowman Books, 2012. Native New England Authors Series 9).
Sophie M. Lavoie
Originaire de la Nouvelle Écosse, Sophie M. Lavoie est une traductrice littéraire et professeure à l'Université du Nouveau Brunswick à Fredericton. Ses dernières traductions littéraires publiées en français sont: Nous sommes les rêveurs de la poète mi'kmaq Rita Joe (Mémoire d'Encrier, 2016) et Chutes Réversibles: Poèmes en langue anglaise du Nouveau Brunswick, traduits en français (en deux volumes, Frog Hollow Books, 2020)
Wounded Generation
Emily Sanipass,
Dessin - 2020
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