Agenda littéraire

Margot Joli (Manitoba)

Un village détruit

Margot Joli (Manitoba)

Michel Saint-Hilaire — Never Tomorrow

Michel Saint-Hilaire — Never Tomorrow

Encre sur toile, 36 par 36 pouces, 2017
Introduction

Ce poème s’inspire de la destruction du village métis de Sainte-Madeleine suite à l’entrée en vigueur d’un programme lancé par l’Administration du rétablissement agricole des Prairies pendant les années trente. Pour sauver la prairie étouffée par la sécheresse, le gouvernement fédéral fit déménager plusieurs fermiers de leurs terres sableuses avec compensation afin qu’ils s’établissent ailleurs. Tout le village fut détruit et les terres converties en pâturage communautaire. Certains membres de la petite communauté ne reçurent aucune compensation pour la perte de leur propriété et n’obtinrent aucune assistance pour se rétablir ailleurs. La communauté fut éparpillée un peu partout au Manitoba et en Saskatchewan. Pour ces Métis, l’histoire se répétait puisqu’ils avaient autrefois été chassés de leurs terres qui longeaient la rivière Rouge.

Les personnages sont fictifs et le déroulement de l’action n’est qu’une représentation imaginative de ce qui s’est réellement passé. Ce moment de l’histoire n’a pas été très documenté.   

 

À l’aube, les chiens jappent

des coups de feu éclatent

Édouard écarte les rideaux

Des hommes tuent les chiens,

sa voix tremble d’émotion 

le jour tant redouté est arrivé

on empoigne le peu qui nous appartient

un dernier regard dans la maison

Pourquoi on peut pas rester ?

Édouard secoue la tête, montre du doigt

les hommes à cheval, qui mettent le feu

je hoche la tête, contrainte 

Partons,  sa voix tremble.

Près du perron, Finette gît

je me penche pour la flatter

du sang sur mes mains

plus loin, Prince les yeux voilés

sa fourrure maculée de sang.

 

Dans la calèche la fumée âcre

nous étouffe, fait peur aux chevaux

ils hennissent, se mettent au trot

Sainte-Madeleine ravagé par les flammes.

Je ferme les yeux et je me souviens : 

l’église bâtie de mains métisses

l’école Béliveau, le rire des enfants

la cloche de l’église qui sonnait

nous invitant à l’office religieux

le bureau de poste, l’épicerie

où l’on jasait entre amis.

 

Émergeant du nuage de fumée

en grosses lettres métalliques,

Cimetière de Sainte-Madeleine

là où sont enterrés nos ancêtres

Vont-ils le détruire aussi ?

Ils ont promis de l’épargner.

 

Promesse d’hommes blancs !

septembre 2023

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