Agenda littéraire

Michel Vézina (EV)

L’austérité

Il y a souvent des mots qui deviennent synonymes d’une certaine période de temps. Si on se fie aux médias, 2014 et 2015 passeront à l’histoire comme des années d’austérité. Si le mot a surtout été employé au Québec, il y a eu tout récemment des manifestations en France contre l’austérité et je ne sais pas quel mot les Grecs utilisent dans leur langue pour caractériser les difficultés économiques avec lesquelles ils sont aux prises depuis quelques années, mais ça doit lui ressembler.

Que veut dire au juste le mot austérité? Premièrement, retenons que ce mot vient du latin austeritas qui veut dire saveur âpre, sévérité, gravité, sérieux. Austérité est le caractère de ce qui est austère, c’est-à-dire sévère, dépouillé, rigoureux dans les mœurs et dans les actes. Quand, au niveau d’une entreprise ou d’un gouvernement, on parle d’une politique d’austérité, on parle d’une politique qui vise à assainir la gestion, diminuer l’endettement du pays, réduire les coûts et les dépenses publiques, faire baisser les prix par la diminution de la consommation,  restreindre le crédit, modérer la croissance des salaires et augmenter la pression fiscale.

Au nom de quoi et de qui un gouvernement ou une entreprise se lance-t-il dans de telles politiques? Il y a dans notre monde une crainte viscérale de la dette, sous quelque forme qu’elle soit ; lorsqu’on écoute les politiciens, dette et déficit ne font qu’un. À les entendre, il faut aussi bien éliminer l’hypothèque que les déficits accumulés, dans le cadre d'une philosophie où on laisse entendre que moins un gouvernement intervient, plus les individus auront une meilleure capacité de se prendre en main.

Les Québécois, les Français et les Grecs ont généralement le caractère assez bouillant. Si les Québécois ont une réaction influencée par la culture nord-américaine, les Européens sont davantage prompts à faire la grève et à revendiquer lorsqu’ils sentent la vis un peu trop serrée.  Dans nos contextes de forte influence britannique, les mouvements sont beaucoup plus résorbés.

En général, les arts, la culture, l’éducation, la santé et les services sociaux sont les secteurs qui goûtent davantage à la médecine de l’austérité. Il y a eu une époque où on parlait de reingénierie sociale. Aujourd’hui, on nous parle d’innovation, de nouvelles technologies, de faire plus avec moins. Au bout du compte, ce sont les populations les plus vulnérables qui sont les plus affectées par des décisions et leur mise en pratique et cela, même si on nous dit qu'on veut davantage les prioriser et mettre les ressources ainsi dégagées à leur service.

Les communautés francophones ont depuis longtemps goûté à l’austérité. Quand on regarde les montants consacrés au développement des communautés de langues officielles, il y a belle lurette que l’inflation a grugé une bonne partie des ressources allouées qui ont très peu varié depuis plus d’une décennie. Au point que lorsqu’il faut faire des recommandations sur les montants alloués en programmation ou en projets, il faut à toute fin pratique déshabiller Pierre pour habiller Paul.

Les communautés francophones ont contribué largement à aider à l’assainissement des finances publiques. Les moyens ne sont tout simplement pas là et les bailleurs de fonds demandent de rencontrer des objectifs et d’atteindre des résultats sans ressources adéquates pour y arriver. Il s’agit d’une autre forme d’austérité.

Que faire? Faute de manifester, il faudra bien se parler un jour mais comment établir un dialogue? La communauté francophone et ses dirigeants devront s’attaquer à cette problématique très bientôt si l’on veut que les francophones continuent de s’épanouir dans ce pays! 

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