Actualité littéraire

Raoul Granger

Confession d’un athée

Note de l'auteur : Ce qui suit n'est pas une « profession de non-foi », mais plutôt une invitation à la réflexion.

 

 

Messieurs mes grands frères! J’en appelle à votre tolérance!

Car je dois devant vous tous étaler mon incroyance.

Depuis trop longtemps, hélas, que j’ai gardé le silence;

Que m’importent à présent vos regards froids, vos remontrances.

 

Voilà, je le dis sans honte, je ne veux plus me cacher…

Je déclare devant vous, mes frères, que je suis un athée!

Si j’ai choisi ce moment-ci pour enfin l’exposer

C’est que vos injures envers mes semblables ont trop duré.

 

Car croyez-moi, vous qui dites être de fervents croyants,

Vous qui prétendez tenir cher le Grand Commandement,

À force de vous voir le prêcher et faire tout autrement

J’en suis venu à dire: “Assez! je s’rai athée maintenant!”

 

J’ai vu trop d’hommes vertueux  juger en hâte leurs pairs,

J’ai vu trop d’hommes  justes  criant victoire, blesser un frère,

J’ai vu trop d’hommes  bons  brandir leur Dieu comme arme de guerre,

J’ai vu trop de ces soi-disant croyants trop peu sincères.

 

Vous comprendrez que je ne veux pas être de ceux-là,

Qui, en parade, s’en vont rincer leur âme tous les sabbats,

Croyant paraître beau devant leur Dieu et le prélat,

Mais passent la semaine à passer leurs frères à tabac.

 

Vous comprendrez que je ne veux pas être de ceux-là,

Qui renferment leur Dieu dans les églises, comme un forçat;

Le sortant pour s’en servir pour asservir ce frère-là.

Mieux vaut ne pas en avoir que d’en abuser comme ça.

 

Athée, je garderai parmi mes valeurs néanmoins,

L’honneur d’être un homme qui, sans toutefois être saint,

Tient toujours pour cher le principe que chaque être humain

Peut et doit témoigner d’un peu d’amour de son prochain.

 

Mais quoi! Je vois dans vos regards froids, dans vos faux sourires,

Que vous ne croyez pas trop que j’aie pu me convertir.

N’allez pas croire que je ne cherche qu’à divertir.

N’allez pas croire que mon hérésie soit seulement satire.

 

Que vous doutiez de mon incroyance, je peux l’accepter;

Mais je vous prie de bien vouloir, en toute égalité,

Comprendre qu’à mon tour je puisse aussi très bien douter,

Ne serait-ce qu’en dernier ressort, de votre chrétienté.

 

Car tout véritable chrétien, si je l’ai bien compris

De ce que j’ai appris du temps que j’en faisais partie,

Ne doit-il pas suivre d’abord le principe chéri

Que le plus important ici-bas c’est l’amour d’autrui.

 

Car Celui qui est descendu chez nous sur cette terre,

Celui qui a souffert sur le calvaire au nom du Père,

Ne nous a-t-il pas appris que la plus belle prière

Serait celle de s’aimer toujours les uns les autres en frères?

 

Celui qui, selon vos dires, vous sert de modèle enfin,

N’a-t-il pas toujours suivi son message d’amour humain?

N’a-t-il pas reçu petits, gueux, femmes, samaritains?

N’était-il pas prêt à tout pardonner, même aux Romains?

 

N’a-t-il pas enseigné la vertu du partage aussi?

Ne voyait-il pas dans chaque cœur une chose jolie?

N’a-t-il pas dit, en louange de ceux qui l’auront suivi,

On vous reconnaîtra surtout par votre amour d’autrui?

 

Or, vous comprendrez que le doute puisse en moi s’installer

Quand je ne vois devant moi que des cœurs durs et fermés,

D’orgueil, de colère, de méfiance et de rancœur bardés;

Tant de remparts qui empêchent l’amour de se propager.

 

Voyez que devant l’inconvenance de vos entretiens :

Vœu de tolérance livré d’une intolérante main,

La crainte que le profane puisse profaner votre chemin,

Je veuille crier à l’imposture, montrer le faux chrétien.

 

Sachez, toutefois, que je ne cherche pas à être malin.

Je crois, bien sûr, bien faire quand aujourd’hui je vous préviens

Que « posture de droiture » et narcissisme sacro-saint

Pourraient pousser d’autres à vous prendre pour des pharisiens.

 

Je constate que mes propos pour vous ont été très durs;

Mais croyez, surtout, que je ne les voulais pas parjures;

Je ne cherche ni bataille, ni levée de vos armures;

J’en ai assez des guerres, même saintes… cherchons-en la cure!

 

Car je crois que vous voulez, comme moi, la bonne affaire;

Est-ce la route à prendre, ou qui la prendra, qui nous diffère?

Ne serait-il pas mieux de cheminer ensemble en frères,

Main dans la main, tenant bien haut l’Amour pour toute lumière?

 

Je le sais fort bien! J’ai sans doute péché par hardiesse;

Ma conscience d’athée me l’a dit… et donc, je le confesse;

Mais pour que pardon, partage, espoir et lumière se dressent,

Messieurs mes grands frères Puis-je en appeler à votre largesse?

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