Contes bleus à encre économe (extraits)
Pique-nique sur l'herbe
Le deuxième dimanche de juillet on laisse entrer les enfants gratuitement au zoo. C’est le bordel. Les enfants n’ont envie de voir qu’un seul animal : leur préféré, celui dont ils ont déjà un sosie en peluche qu’ils traînent d’ailleurs derrière eux dans la poussière ou la boue lors de la visite. Une fois le véritable animal vu de loin, le seul but de l’excursion pour les petits c’est la glace en cornet qui leur rend la frimousse et les mains sales et sucrées. Les animaux, eux, ont horreur de cette journée d’affluence. Entre 10 h et 17 h 30, devant leurs yeux passe une série de bestioles grouillantes dont émerge, de temps à autre, un bras qui se faufile entre les barreaux pour attirer l’attention des fauves. Aussitôt, le son strident d'un sifflet défend le casse-croûte proféré. L’interdiction sonore fait brailler sauvagement d’un côté de la grille et rugir bruyamment de l’autre.
La confusion se calme un peu à midi, à l’heure du pique-nique traditionnel sur l’herbe pour les familles. Dimanche dernier, il est arrivé qu’une vedette zoologique – un tigre royal du Bengale – décide de sauter la clôture pour se joindre au festin. De là les manchettes du journal ce lundi.
Poésie d’une relation équilibrée
Sylvain et Vanessa cherchaient en même temps et dans la même ville, un partenaire d’égal à égale.
Ils se sont croisés.
L’infatuation se déguisait d’une façon égalitaire : ils se sont mutuellement mépris.
Ils se sont mariés.
Revenus de leur lune de miel, de façon ultra-égale, ils ont divulgué librement l’un à l’autre leurs attitudes envers un tas de sujets. La réception de ces confidences fut, chez l’un comme chez l’autre, identique.
Ils se sont séparés.
Chacun a retrouvé l’égalité du début de leur relation.
Leurs vies reprennent leur rythme sans se toucher.
Il n’y a pas de rimes.
Extraits du recueil Contes bleus à encre économe (Éditions de la nouvelle plume, 2020)