Transitions
Un état. Un espace. Un esprit. Dans lequel on ne reste pas. Une charnière qui marque la fin de quelque chose et le début d’une autre. C’est le temps suspendu, une pause de courte durée ou éternisée, jamais statique, toujours en devenir. Peut-être un tremplin, un saut au ralenti vers l’infini.
L’enfant déteste les transitions. Trop confortable est-il dans le moment présent qu’il savoure pleinement. L’idée d’interrompre le confort de l’instant et de patienter, ne serait-ce qu’une poignée de secondes, dans cette espèce de salle d’attente, ouvrant la porte à la prochaine activité, lui est insupportable. Le parent a beau le prévenir, l’amadouer de tous les subterfuges possibles et inimaginables, lui promettre monts et merveilles en matière d’expert qu’il pense être, l’enfant résiste à la transition jusqu’à ce que celle-ci devienne une évidence inévitable. Une corvée. Une défaite de la pire espèce pour son cœur trop pressé de vivre, sans les contraintes autrement inventées par des adultes en quête de contrôle.
Pourtant réside dans la transition la prise de position. Celle que l’on a le choix de prendre, en toute conscience. Serait-ce l’inconnu, même en si petite part, qui nous amènerait vers une réflexion plus posée et poussée de notre être, de ses décisions, de ses solutions. Clôturer le chapitre précédent, et reposer, ainsi transi, dans l’intervalle qui nous sépare du prochain geste, de la prochaine pensée, le temps d’un souffle, d’un silence, d’un sillon tracé dans les méandres du moment. L’enchaînement révèle toute sa puissance, encore faut-il vouloir le saisir. Qui suis-je dans l’entre-deux ? Serais-je le même qu’à l’instant précédent ?
Certaines transitions peuvent paraître éternelles. Celle que nous vivons maintenant et qui s’est infiltrée sans préavis, nous laissant à sa merci, sans sursis. Si elle doit passer, comme toute chose, il est à souhaiter qu’elle cultive le terreau fertile de nos imaginations nourrissant nos rêves d’actions.