Les bottes de foin
Extrait de Lignes de fuite de David Baudemont, publié aux Éditions de la nouvelle plume en 2015
Avec la neige, le sol disparaît pour cinq ou six mois. Les jours blancs, la troisième dimension s’évanouit dans un néant qui envahit presque tout l’espace devant nous. C’est déroutant.
Un vide se creuse en moi. Le monstre blanc menace de tout effacer. Dans les champs qui défilent, je cherche des yeux ce qui lui résiste encore. Il ne reste guère que ces bottes de foin qui dessinent un motif géométrique auquel mes yeux s’accrochent. Ça va mieux. Il faut avouer que le tableau a quelque chose de rassurant avec ces balles de foin aux formes pleines, alignées. Alignées comme quoi, d’ailleurs ?
Des décalcomanies collées sur une page à l’école maternelle ? Non.
Ah, j’y suis ! Les calendriers de l’avent que ma mère accrochait au mur de nos chambres, tous les ans, au premier décembre et où mes sœurs et moi allions pêcher un chocolat chaque jour, au retour de l’école.
C’est ça.
Tout ceci m’arrache un sourire ému. Un peu plus et je sentirais l’odeur du chocolat chaud et du pain perdu du goûter de quatre heures.
C’est vrai que Noël approche ! Après le solstice, la lumière augmentera, le grand ciel bleu de janvier m’offrira la perspective qui me manque aujourd’hui.
En attendant, sur la page blanche de mon carnet, ma plume trace des mots les uns à la suite des autres, une phrase et puis une autre, jusqu’à remplir la page en entier.
Extrait de Lignes de fuite de David Baudemont, publié aux Éditions de la nouvelle plume en 2015