Fragment nocturne
Une mère, aimée et disparue, en dialogue de nuit avec sa fille
Et alors, en ces heures d’insomnie
ma mère vient me parler.
Enfilade de mots
l’esprit ébroué refuse de s’apaiser.
Images verbales, moments fulgurants
courant électrique zappe
le cerveau.
J’entends par nanosecondes
ce grésillement
comme des interférences
dans une mauvaise communication.
Et les odeurs montent
fantômes de nuit
gouda et cumin déclenchent
les mots de ma mère.
Nous dialoguons.
Ta dépense sent tellement bon.
Et que sens-tu dans mon garde-manger?
Comme chez ma tante à Saint-Grégoire
quand j’étais petite.
Et de quelles odeurs te souviens-tu?
Les herbes fraîches. Le thym, l’origan.
Mais il y a autre chose.
L’odeur des chutneys?
Oui, non. Ce que je sens dans ta dépense
c’est l’Orient du fenugrec.
Tu as vraiment identifié le fenugrec?
Kasoori methi, l’odeur de l’Inde.
Quand je rentrerai à la maison, j’en achèterai.
Mais maman, tu ne peux plus retourner chez toi.
Pourquoi pas?
Parce que tu es morte.
Ah, oui, c’est vrai. J’avais oublié.
Chère maman. Tu es partie si subitement.
Et toi, ma fille. Tu es partie si longtemps.
*L’auteure, collaboratrice de la revue « À ciel ouvert », réside en Alberta. « Fragment nocturne » est extrait d’un manuscrit en chantier.