Numéro 1 - Printemps 2017

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L’Éveil d’Abélard


L’Éveil d’Abélard

Serge Ben Nathan (Colombie-Britannique)

Le touché - Nicole Dextras

Le touché - Nicole Dextras

Sculpture de glace et tissus, 2011

Il la regarda, simplement, comme on regarde un ciel d’hiver lorsque déjà des promesses de printemps se font sentir.
Elle répondit à ce regard en lui tendant les mains, 
Mains que peut-être il n’osa prendre, 
Qu’en fait il ne vît même pas tellement il voyageait dans les couleurs vertes et cendrées de ses yeux.
Le paysage qui s’offrait à lui, c’était tout à la fois les cendres des forêts en feu et le calme des sources 
La force d’une rivière se jetant à courant perdu dans l’océan. 
Une eau épaisse, profonde, étonnamment fraiche dans laquelle il plongeait et replongeait. 
Parfois, il se laissait flotter, 
Sa bouche faisant face au ciel formait alors des mots qui sortaient, silencieux, comme entourés, protégés d’air. 
Des mots bulles éclatant avec légèreté dans l’air frais, 
Suivi par la résonance extraordinaire d’un rire 
Déchirant toute la solitude du monde 
Tel un éclair le ciel
Mais, 
Toujours présente, 
Ancrée comme une barque indifférente au remous, 
L’insistance de cette femme, debout devant lui, qui lui disait déjà je t’aime du bout des doigts, qui lui disait viens me chercher,                
Je t’attends, 
Elle lui disait viens entre mes lèvres 
Entre ma peau et ma chair 
Entre mes paupières et mes yeux
Je ne veux plus attendre 

Ses doigts, ses bras, son cœur, ses poumons, ses entrailles, 
Son corps entier s’étira jusqu’à lui pour le serrer de toutes ses forces 
Pour le faire entrer en elle
Sentir chaque particule de cet être pénétrer sa chair, son âme 
Elle s’enfouit à l’intérieur de ce corps qui en était deux pour lui murmurer : Entends nos cœurs qui battent, qui battent, qui battent…
Lui, était toujours à son rire, 
Il savait, 
Il savait qu’ils étaient heureux, là, maintenant et il riait encore plus fort 
Faune ruant dans les herbes hautes du corps de sa bien-aimée 
Son rire chantait épouse-moi, épouse-moi! 
N’attendons pas la fin des temps, n’attendons rien que nous-mêmes et nous sommes ici, présents
Depuis cet amour, on dit qu’entendre un rire sans en percevoir la provenance porte chance et rend heureux.
Ce soir-là, dans les brumes silencieuses qui flottaient au-dessus de la campagne mouillée,
Ce rire murmurait à Héloïse et Abélard que leurs cœurs de fait battaient ensemble
Que le bonheur était là
Qu’ils allaient être heureux
Jusque dans la mort puisque c’est la vie qui 
Tel le feu
Entra en eux

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Printemps 2017

Un jour de grand vent (extrait) Un jour de grand vent (extrait)

Mardi le 10 mai ’66. De bonne heure le matin, au Restaurant Lafontaine à Métabetchouan au Lac-Saint-Jean. L’accent du Lac est présent à différents degrés chez les personnages. Il affecte en particulier Monsieur Pit, un sympathique septuagénaire à la retraite. Jeannot Lafontaine, douze ans, est debout derrière le comptoir. Il porte son uniforme d’écolier  sous un tablier. Monsieur Pit est assis à son...

La Voie lactée La Voie lactée

Il était une fois,
au fin fond du Far West canadien,
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Le grand barrage

À défaut d'être aimé, Henri était respecté de tous les castors. Sa supériorité ne laissait aucun doute. On n'avait qu'à regarder son barrage pour comprendre qu'il était plus doué que les autres.

Knockout

L’aiguille de glace qui arracha Victor Florkowski à la vie ressemblait à un ivoire de mammouth. Elle était aussi large qu’un pneu, aussi longue que la victime, et se rétrécissait en une pointe cristalline —  à double tranchant — dont la beauté fatale resplendissait sous clair de lune.

Cantate pour légumes (Extrait)

Au cœur de ce texte sont quatre êtres qui ont perdu leur voix, la capacité d’exprimer leur volonté et leur angoisse. Ancrés dans leurs fauteuils roulants, Asperge, Gourde, Navet et Asperge rêvent d’évasion. Dans les solos de la cantate, les légumes expriment leurs désires les plus profonds.

Triptyque - Micro nouvelles Triptyque - Micro nouvelles

Au coin de l’avenue Idylwyld et la 23e un bip discontinu se fait entendre à ma gauche. Un clignotement sonore: on peut traverser.  Entre les deux lignes on peut traverser. “Passez, monsieur. Priorité aux piétons.” Oui, on peut traverser. On peut traverser si les autos s’arrêtent.

Entreciel

Sorties de l’entretoit des corniches des greniers de mille espaces connus d’elles seules oubliés par concierges et architectes, les hirondelles occupent dès le matin l’entreciel, la part élevée de Madrid, en rase-tête des habitants des terrasses jusqu’à la proximité des saints perchoirs, des croix des antennes, faisant fi de nos communications avec l’au-delà.

La mousse La mousse

Maman, pourquoi c’est mouillé ici? 

C’est la mousse, mon chéri. Fais attention à ne pas glisser.

De la supercherie De la supercherie

Cette réflexion est née d’un constat. La vie ne nous appartient pas. Elle nous a été léguée et nous la rendrons en même temps que notre dernier souffle.

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